J’en ai trois pour vous! Trois récits vécus pour vous. Une femme expérimente de traverser l’Atlantique sur un cargo pour évacuer un deuil. Un père atteint du cancer qui, le temps de ses rémissions, veut faire de sa fille une femme parfaite. Un homme au moral chancelant décide de parcourir l’ancien chemin de Compostelle qu’il a traversé dans sa jeunesse.
Être du monde de Maryse Rouy
J’ai apprécié la proposition de l’auteure de nous faire vivre sa démarche d’écriture dans sa cabine sur le cargo. Si jamais, vous vous demandez comment se déroule la vie sur un cargo, vous avez le livre tout indiqué pour vous en informer. Si on s’y arrête, un cargo nous confine aux mêmes passagers (maximum 6) dans des espaces clos et la maladie de la mère fut un emprisonnement progressif dans son corps. Il y a là un corollaire intéressant. L’auteure fait preuve d’une sensibilité à fleur de peau lorsqu’elle écrit sur les aléas de la maladie, son style est pointilleux, déborde d’observations pratiques. L’expertise de la romancière historique transparait, Maryse Rouy amène le lecteur à s’ancrer dans la réalité, en touchant avec délicatesse ses émotions toujours à vif.
Ton absence m’appartient de Rose-Aimée Automne T. Morin
Une fois le choc assimilé, je me suis intéressée aux histoires de Thimalay : enfanter. Marilyn : combattre. Christelle : hurler par en dedans. Guillaume : nier. Annie : renaître. Samara et Sarah : fuir. Six histoires récoltées, interrogées, aiguillées par l’auteure. J’ai apprécié la pertinence de certaines questions ou commentaires. J’ai même trouvé en Rose-Aimée Automne une fibre de psychologue. À ce titre, j’aurais pris plus de commentaires ou de liens clairs entre son enfance et celles de ceux qu’elle nomme ses portraits. Une bonne idée entre toutes a été de revenir sur sa propre histoire avec une finale nommée « Défricher ». J’avais besoin de cette conclusion, de ce point final, après une pluralité de points d’interrogation.
L’Odyssée d’Yval de Stéphane Libertad
Le pèlerinage d’Yval a ceci de particulier que le narrateur soumet son corps à des journées harassantes. Rendu là, c’est du sport extrême. On m’aurait confié que Stéphane Libertad voulait mater, et même expier, certaines mauvaises habitudes de sa vie, je l’aurais cru. Disons que l’amour de son corps et de son esprit ne passe pas par le chouchoutage. Tout au long de sa marche, il souffre et dénigre mentalement tous les pèlerins qui se la coulent douce. Il est clair qu’avoir été dans son entourage, je serais passé au batte, car je ne suis pas du genre à me fouetter les sangs à ce point, même pour la gloire de réussir un défi.
L’homme de presque cinquante ans a décidé de vivre le Chemin avec le moins possible de confort, utilisant à répétition sa tente, même lorsqu’il pleut, bourrasque, que les bestioles s’y infiltrent, que les animaux agressifs rôdent autour. J’ai tellement attendu le moment où il s’offrirait un peu de confort! Ce fut l’intrigue par excellence pour moi : quand vivra-t-il l’apothéose de son corps et de son esprit? Autre question qui me turlupinait : quand allait-il appeler sa femme et son fils afin de leur donner des nouvelles de son expédition?
Yval a sûrement retiré de grandes leçons de son périple. Je gagerais gros sur le fait que nous n’avons pas tiré les mêmes leçons!