Imaginez, tous les soirs, avoir accès à un menu où votre choix serait infini : bisque de homard, pakoras indiens, bavette à l’échalote avec frites, pizza figues, roquette et chèvre, pétoncles crème citron et boudin, shawarma libanais, dumplings végé, et j’en passe. C’est mon cas. Vous croyez que je suis riche ? Que je me paie un chef à domicile ? Que je coure les restos branchés ? Rien de tout ça. J’ai un chum qui cuisine… et pas à peu près !
Je vous entends me dire : « t’es tellement chanceuse d’avoir un chum qui cuisine ! » Oui et… non. Avoir un chum foodie, ce n’est pas de tout repos. Voici ma réalité.
Samedi matin, je suis encore couchée. Ma porte de chambre s’ouvre doucement et il me chuchote : « qu’est-ce que tu aurais envie de manger pour souper, je pars à l’épicerie. » (avec sa super application sur son cell où les aliments sont classés par catégorie et sur lesquels on a juste à cliquer quand c’est dans le panier). Il est 8h30, j’ai à peine les yeux ouverts, comment voulez-vous que je le sache avant même d’avoir déjeuné ce dont j’ai envie pour souper ?
Autre exemple, j’ai eu une grosse semaine. Je suis crevée. Tout ce que j’aurais envie d’ingurgiter est un bol de céréales ou deux toasts à la cassonade (comme quand j’étais célibataire). Mais monsieur veut plutôt essayer une des recettes du dernier épisode de Curieux Bégin. Il est 19h30. Ça bout, ça grille, ça chauffe et… ça sent… bon ! Il y a de la vaisselle partout. Je dresse la table. Il faut bien une belle table pour accueillir une recette de « Curieux ». Le contenu de l’assiette est de toute beauté. C’est copieux. Trop copieux. Il est 20h42 et je n’ai pas faim. Je n’ai plus faim. Trop fatiguée. Délicieux, mais… trop. Des petites tranches de concombres avec du sel et du poivre devant la télé avec un morceau de cheddar auraient fait la job. Mais il a travaillé fort et je dois me forcer un peu. Sauf que ça n’entre pas. Juste pas. Après plusieurs vendredis comme ça à ne consommer que le quart du contenu de ces assiettes digne de grands restos, j’ai dû avoir une discussion avec lui. « Le vendredi, oublie ça. Je n’aurai jamais faim. Tu cuisines pour deux pour rien. Je suis plate, mais je n’y peux rien. Désolée ! » Il a compris.
Vous voulez d’autres exemples ? C’est lui qui fait les courses… la plupart du temps. La raison est simple : pour lui, je ne sais pas choisir une pièce de viande, un poisson ou même… une tomate. Les fois où on est ensemble à l’épicerie (juste parce qu’on revient d’une sortie et je ne veux pas attendre dans la voiture), je tente de faire ma part, mais le fruit que je daignerai prendre ne sera jamais assez mûr, ou probablement trop. Quand on reçoit (il aime évidemment recevoir), mon rôle est de dresser la table, d’acheter de belles serviettes, de m’assurer que le lave-vaisselle est vide pour accueillir tout ce qui se salira. Je dois aussi penser à ce que notre plus jolie nappe soit propre. Parfois, s’il me laisse faire, je concocte l’entrée ou prépare des amuse-gueules. Je suis plutôt douée pour faire de belles présentations, c’est d’ailleurs la seule chose qui m’attire dans une cuisine. Et, de temps en temps, il me délègue la tâche et j’ai le plaisir d’exprimer mon côté artistique. Oh non, je ne suis pas un mollusque ascendant crevette. Je m’affirme dans tous les autres secteurs de notre couple, mais en cuisine, j’ai lâché prise. Il faut choisir ses batailles !
Et après le repas, très apprécié de nos convives, qu’est-ce qui se passe ? Tout le monde le remercie, lui et seulement lui. J’aurai peut-être fouetté une bonne vinaigrette, ou si je me suis lancée, un pas pire dessert, mais on sautera à la conclusion que c’est lui qui a tout cuisiné. Les éloges ne sont donc que pour lui. Rien pour moi. Pourtant, avant même d’arriver au fromage, la cuisine reluit déjà. Il n’y a presque aucun indice qui marque le fait qu’on vient de recevoir six personnes à souper. C’est propre, ça brille ! Mais personne ne me félicite pour ça. « Wow, comme ta vaisselle est bien lavée et ta cuisine brille ! »
J’ai travaillé sur une émission de compétition culinaire dernièrement (je sais, c’est tellement ironique) et j’ai reconnu mon chum à travers plein d’hommes jeunes et moins jeunes que nous avons auditionnés. Des maniaques. J’imaginais leurs blondes, leurs pauvres blondes se faire reprocher de ne pas avoir la bonne technique pour enlever le noyau de l’avocat ou se faire montrer de quel côté il fallait utiliser la mandoline (les prenant un peu pour des tartes). D’après les propos tenus entre les participants, j’ai réalisé que les foodies formaient une communauté. Ils se connaissent tous. C’est une secte ! Vade retro satana !
Je mange bien, très bien même. Au point de ne plus aller dans les restos par peur d’insatisfaction. Au point d’avoir pris du poids depuis que je suis avec mon homme. Mais je n’aime pas que la bouffe soit au cœur de ma vie. Je mange pour vivre, et c’est souvent très agréable, mais je ne vis pas pour manger.
J’ai donc décidé de créer un club, le CFCC : « le Club des Femmes qui ont des Chums qui Cuisinent ». On va échanger, s’encourager, se dire que même si une séparation devenait inévitable un jour, on ne se laisserait pas mourir de faim. Parce que oui, j’ai déjà cuisiné, mais j’ai perdu toute confiance en moi depuis que j’ai un amoureux qui manie le couteau comme un chef. J’ai tellement lâché prise que je regarde le téléjournal quand mon doux fait les soupers de semaine ou je procrastine sur Facebook. Vous en rêvez… vraiment ?
N’allez pas croire que je suis une princesse qui se fait servir. Je passe la balayeuse admirablement. Les tâches ménagères, je m’y connais. J’époussette comme pas une et je ramasse. Dieu que je suis une pro du ramassage. Ma lessive est impeccable, plus une tache ne me résiste. Mais toutes ces corvées ne m’emballent pas, mais pas du tout, et surtout ne bénéficient pas d’une reconnaissance. Lui cuisine, et tripe littéralement. Curieux (Bégin), Ricardo, Daniel Vézina, Heston Blumenthal, Steven Raichlen, Jean Chen, Danny Saint Pierre et même Marilou vivent avec nous, dans notre maison.
J’ai hâte de lire vos histoires, vos anecdotes, vos frustrations venant du fait que vous vivez avec un maniaque qui dort avec des livres de recettes. Une personne qui s’émoustille plus devant une nouvelle spatule chez Doyon qu’une super drill chez Rona, quoi que… Un mec avec qui vous devez planifier vos heures de sorties en fonction des mets qu’il veut cuisiner. Je sais que je ne suis pas la seule, alors sortez de votre mutisme !
À noter que CFCC est utilisé pour simplifier le texte, mais on peut aussi utiliser le CFBC (Club des Filles qui ont des Blondes qui Cuisinent) ou le CGBC (Club des Gars qui ont des Blondes qui Cuisinent) ou le CGCC (Club des Gars qui ont des Chums qui Cuisinent).
P.S. Au moment où je vous écris, je devais aller chercher de la pâte à pizza à la pizzeria du coin, mais mon chum a décidé de la faire lui-même. Je vais donc aller promener le chien.
P.S. 2 : Je vous donne ma recette de toast à la cassonade : 2 tranches de pains grillés (le pain que vous avez dans le garde-manger ou celui mis au four par votre conjoint maniaque-foodie-passionné-faux chef avec un tablier greffé sur le corps – parce oui, il fait son pain aussi !). Du beurre partout, même dans les coins. De la cassonade dorée bien étendue et en bonne quantité (tant qu’à consommer du sucre…) À déguster devant District 31 avec un verre de lait 1%, bien froid !
P.S. 3 : Il y a tout de même plus d’avantages que d’inconvénients. Je vis avec lui depuis 23 ans. Je me plains juste pour faire pitié… un peu.?
2 Responses
gros problème, très gros problème, j’aimerais bien avoir un chum qui cuisine, le mien peut faire cuire du brocoli 20 minutes (j’exagère à peine) , on vit toutes des inconvénients à des niveaux différents à avoir un chum dans une cuisine. Mais j’essaierais fortement de m’habituer à tes irritants. loll
Louise, on s’habitue assez facilement Hi! Hi!
Maryse