Une des façons les plus efficaces que j’ai trouvée pour faciliter la compréhension de nos habitudes et comportements vestimentaires est d’utiliser la métaphore, c’est-à-dire la ressemblance qui existe entre deux activités ou comportements.
Par exemple, en observant vos façons de faire, remarquez-vous que la gestion de votre garde-robe ressemble étrangement à la gestion de votre garde-manger et que votre mode de magasinage est calqué sur la manière de conduire votre voiture? Même si la formule est simple cela apparaît comme une hérésie pour certaines personnes parce que non scientifique. Mon champ d’action est intuitif et non discursif.
Comme le vêtement, la musique occupe une place d’importance dans mon quotidien. À la fin de l’après-midi, juste avant de m’attaquer aux chaudrons pour le souper, mon passe-temps favori est d’explorer de nouvelles tendances musicales et d’écouter de nouvelles voix. Je prête le même intérêt aux blogueuses, aux infolettres et aux articles sur le vêtement. Dans les deux cas, je n’y trouve pas immanquablement des chefs d’œuvre. Parfois même, la redondance, l’insignifiance et le plagiat sont aux premières loges. Bien que mes recherches ne s’avèrent pas toujours fructueuses, cet exercice entérine ma conviction que mettre en parallèle la musique et le vêtement aide à vulgariser notre relation au vêtement tout comme on pourrait le faire entre l’alimentaire et le vestimentaire, le vêtement et l’écriture et ainsi de suite. Notre relation au vêtement n’est pas étrangère à nos autres actions.
Les empreintes
Nos goûts, nos passions et nos intérêts proviennent souvent du passé. Ils se sont installés dans notre mémoire et contribuent parfois à expliquer nos habitudes actuelles. Enfant, dans ma famille, la musique était omniprésente. Du Moon river d’Andy William et aux chansons de l’imbuvable Engelbert Humperdinck qu’écoutait mon père, le tempo changeait radicalement quand les aînés prenaient le contrôle du meuble hi-fi ou du minuscule pick-up à 45 tours.
Cela explique en partie pourquoi j’affectionne tant l’émission « En direct de l’univers » à Radio-Canada. Les questions posées par France Beaudoin à ses invités me rappellent ces périodes de ma vie non seulement parce que je peux associer à chacune d’elle une de mes phases vestimentaires, mais aussi parce que je peux métaphorer. Parmi ses questions, j’ai sélectionné celles qu’on peut transférer au vêtement. Il suffit de remplacer le mot « chanson » par « vêtement ». Chanson (tenue) liée à son premier emploi, chanson (vêtement) plaisir coupable, chanson (style) dont on ne se lasse pas, musique (kit) qui rappelle le premier amour.
Émotions et sentiments
Pour paraphraser Marie-Louise Pierson, psychanalyste et auteure de L’image de soi, « on ne s’habille pas d’étoffes, mais de sentiments et d’émotions ». Et si on appliquait cela à la musique…
— « … tu penses trop à comment tu chantes de sorte que je ne te crois pas complètement », Patsy Gallant. Je rajouterais : tu penses trop à comment tu t’habilles. Autrement dit, être dans la performance enlève de l’âme, de la conviction.
— « Tu chantes ce que tu es », Mathieu Provençal (tu portes ce que tu es)
— « Cette chanson ne fait pas ton âge », Sonia Benezra (ce vêtement ne convient pas à ton âge)
Outil de communication
Le vêtement au même titre que la musique est un outil de communication.
— « C’est que chanter c’est une façon de communiquer », Jean-François Breau. Ainsi en est-il du vêtement.
— « C’est la force des chansons, elles parlent de nous », Daniela Lumbroso, TV5. Idem avec l’apparence vestimentaire.
— « Parfois, c’est la guitare qui commande le style musical », Richard Séguin. Parfois, c’est le foulard qui inspire le style vestimentaire.
Ils ont dit
Les expressions foisonnantes sur la musique sont légion et de toute évidence elles s’appliquent au vêtement. En voici quelques exemples :
— « Le blues, il faut le porter », Johanne Blouin
— « Un habit fait sur mesure », Mario Pelchat, au sujet d’une chanson qu’un Français lui a offerte à Paris pour son disque en 2014
— « Quand on habille une chanson avec des arrangements bien étoffés », Jean-François Breau
Vêtement et musique
Je vous propose ici des expressions utilisées dans le milieu de la musique et que je transfère dans le vêtement pour appuyer ma méthode :
— Instrument bien accordé (vêtement bien coordonné)
— Ne pas être sur la note (être en décalage avec ce qu’on porte)
— C’est le ton qui fait la musique (c’est l’intention qui dicte le kit)
— Un ver d’oreille (le mot « petit » : une petite robe, un petit soulier, un petit foulard…
— Un texte supporté par la musique (un vêtement habité par vos caractéristiques)
— La musique est l’art de mélanger des sons (s’habiller est l’art de coordonner émotions et sensations)
— Placer sa voix (habiter son vêtement)
— Chanter des banalités (porter des futilités)
— Croire à ce que tu chantes (croire à ce que tu portes)
La musique et le vêtement sont les deux faces d’une même pièce. Ils transcendent notre nature profonde et éveillent vibration, résonnance, joie, angoisse. La sensation qui nous habite à leur contact n’est pas toujours déchiffrable.
Je vous offre pour la finale, cet extrait d’une chanson de Laurence Jalbert : « Mes larmes me servent de collier ».
Une bonne année 2019 à vous!