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La BD, à l’honneur!

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Je la place en avant-plan de cette décennie qui commence avec toutes ses rondeurs : 2020. À tout seigneur, tout honneur, je commence par Paul à la maison de Michel Rabagliati, celui-là même qui a ouvert grandes les portes de la bande dessinée au Québec, la sortant de sa vocation pour la jeunesse uniquement. Je suis toujours étonnée de voir ce succès auprès de certaines dames qui lisent une seule bande dessinée aux deux ans et c’est celle de ce talentueux bédéiste, spécialiste de l’autofiction. J’ai également lu pour vous « La grosse laide » de Marie-Noëlle Hébert et pour terminer sur une note à la James Bond « Mission Expo 67 » et « Opération Grande Zohra » de Duguay & Viau.

Paul à la maison de Michel Rabagliati

Neuvième album suivant les déambulations de Paul, cet être que l’on aime tant, ne serait-ce parce qu’il pourrait être notre voisin, notre ami, notre neveu, cousin, frère… Vous qui le suivez comme s’il faisait partie de votre famille, eh bien, vous êtes invités chez lui, dans sa maison à laquelle il est si attaché. Venez lui tenir compagnie, car il est seul, accompagné de son caniche miniature. Et de son art au bout de sa plume. C’est l’album des départs; celui de sa femme, de sa fille et de sa mère. Des femmes de sa vie, quoi! On comprendra facilement pourquoi il ne pense pas à quitter sa chère maison, ce serait un départ de trop. L’homme est ébranlé et ce désarroi s’exprime de plusieurs façons, la première étant la fatigue. Il est vanné et ne sait pas exactement pourquoi. Peut-être parce qu’il fait de l’apnée du sommeil? Dans cet album, Paul est le centre de l’univers, tout converge vers les soins nécessaires à un être humain qui traverse une période obscure. On apprend à le connaître sur une note intime, plus que jamais. Nous saurons qu’il ne file pas, ne serait-ce que par ses réactions allergènes à son voisin qui lui tombe royalement sur les rognons!

Malgré, ou peut-être à cause de son mal-être, j’ai aimé lui tenir compagnie. Il fait partie de ces êtres, tout compte fait pas si nombreux, qui ne se prennent pas pour un autre et qui tentent de régler leurs problèmes avec une confiance mi-figue, mi-raisin. En tout cas, il peut se faire attraper par l’attrait de solutions miracles, comme n’importe quel quidam. Ses réactions me sont allées droit au cœur, en écorniflant sa relation plutôt silencieuse avec sa mère, qu’il visite en résidence. Celle-ci a du caractère, on ne va rien lui imposer sur la manière de terminer ses jours sur terre. Je dirais qu’il est intéressant, par contraste, de voir Paul dans ses petits souliers, en face de la détermination de celle qui lui a donné la vie. On rencontre furtivement sa sœur, encore là, une ombre féminine qui passe dans la vie de Paul.

Qu’est-ce qui fait que l’on tient entre nos mains si précieusement « Paul à la maison », ne voulant pas que l’histoire avance trop vite, afin d’habiter avec Paul le plus longtemps possible? Évidemment règne en maîtresse notre attachement à l’homme de 51 ans et s’y ajoute ce précieux humour aigre-doux qui assaisonne toutes pensées et gestes du quotidien. Rabagliati met en lumière chez Paul l’auteur de bande dessinée qui publie et s’expose dans les Salons du livre. Les illustrateurs ou graphistes seront amusés par le regard que pose Paul sur des détails visuels de la vie au quotidien. Je ne dévoile pas de quels clins d’œil il s’agit afin de préserver l’effet de surprise. J’ai trouvé cette manie savoureuse et je l’ai souri à chaque fois. Des points de repère traversent l’histoire, je pense au pommier dans la cour et certains objets comme une boite de céréales symbolisant l’expectative de sa fille. L’on voit à quelques reprises le père accourir, haletant, espérant enfin une visite de sa progéniture. Le lecteur n’est plus seul sur cette bonne vieille terre à avoir vécu des départs, dépensant toute son énergie à s’y acclimater, pour ne pas dire à s’y résigner. J’ajoute un attrait : cette manière impayable propre à Rabagliati d’ajouter de l’espace pour que le lecteur puisse respirer sa propre vie entre les chapitres, entre les pages, entre les points. L’on dispose nous aussi de l’espace nécessaire pour panser nos blessures.

Pour cet album de 208 pages, Michel Rabagliati n’a pas eu peur de tout miser sur l’attachement à son personnage, en nous ouvrant la porte de sa maison, mais surtout celle de sa vulnérabilité à fleur de peau.

La grosse laide de Marie-Noëlle Hébert

Un autre album à la connotation autofictive. C’est une première œuvre d’une centaine de pages pour laquelle l’auteure et illustratrice a poussé à fond sa détermination à nous faire pénétrer dans un univers sombre. La facture de cette bande dessinée est assumée : des dessins élaborés et déposés sur fond noir. L’aspect reste spécial. J’ai eu l’impression de découvrir, case après case, des photos de famille. Ou même de débusquer des secrets de famille. Ça tombe à point avec le sujet de l’histoire : une petite fille est convaincue qu’elle est laide, j’ajouterais même dramatiquement laide. Et grosse. On grossit couramment la laideur, c’est connu. Ici, c’est particulièrement vrai, par l’ensemble qui se présente par taches grasses et noircies. L’histoire avance dans un chuchotement de confidences, le peu d’action se déroulant sous un ton que j’ai imaginé feutré, murmuré. Peut-être parce que la douleur de l’enfant est emmurée, on se doit de la décloisonner, au fur et à mesure qu’elle prend de l’âge. L’histoire s’apparente tellement à une confession dévoilée à mots couverts et décousus que ce sont les dessins qui ont pris, pour moi, le dessus sur les mots. J’ai tourné les pages, en conservant mon étonnement devant les bouilles éclatées et en gros plan de la petite ou jeune fille. Je suis devenue obsédée, pensant continuellement à l’apparence physique. À ma surprise, et probablement à la surprise de l’auteure, je déclare trouver la petite fille particulièrement belle. Tout au long de ma lecture — ou visionnement! —, j’ai cherché la laideur dans sa figure, dans son corps. J’y ai parfois découvert une figure laide et grimaçante… mais qui est beau lorsqu’il grimace? D’ailleurs, en parlant de cet album à mon conjoint lui-même bédéiste, il m’en a sorti une bonne : « Y a pas meilleure manière d’être laid que de se sentir laid ».

Cette bande dessinée est réussie dans ce sens que l’on s’y sent à l’étroit, comme je l’imagine dans la peau d’une personne qui se pense laide. Ambiance sombre et étouffante garantie.

MacGuffin & Allan Smithee de Duguay/Viau –

Tome 1 : Mission Expo 67  –  Tome 2 : Opération Grande Zohra

Vous aimez les films d’action? Moi, plus ou moins. Pourquoi avoir lu ces deux tomes? Pour ouvrir mes horizons, pour cultiver la différence, et parce que les deux se déroulent durant l’Expo 67. J’ai un petit faible pour cette période où j’habitais Montréal devenue tout à coup une ville cosmopolite, dense et dynamique, le temps de cette Terre des hommes. Je m’attendais à cueillir ma nostalgie et de m’en faire un gros bouquet. C’est réussi, j’ai été attendrie par plusieurs détails, dont le plus important fait allusion à la présence d’un caricaturiste qui nous tirait le portrait à l’Expo 67. Cela m’a rappelé qu’à 13 ans, ma mère a fait faire la sienne, et la mienne. Elle était réussie, ce que je n’ai pas réalisé sur le coup… de crayon! Mais revenons au couple MacGuffin & Smithee, ces deux agents secrets de la S6, envoyés par Mère-Grand (une mémé qui donne des ordres!) pour débusquer une attaque à la bombe. Mère-Grand les a affublés de mon personnage préféré, son petit-fils, Morisset, qui, pareil à un enfant égocentrique est candide et inconscient. MacGuffin (la femme) sera sans pitié devant l’étendue de ses gaffes. Le premier tome tâte le terrain de l’Expo, tandis que le tome deux s’étendra à la grandeur de la ville de Montréal (Expo, hôtel de ville, métro, Parc Lafontaine), cette fois-ci dans le but de faire avorter le plan de tuer le Général de Gaulle (soit dit en passant : « Grande Zohra » est un surnom). Il y a plusieurs malfaisants et j’ai eu de la difficulté à distinguer deux des personnages; le méchant du bon, Druillac de Smithee. Cheveux noirs, mâchoire carrée, nez long et mince, regard noir et concentré, habit sombre et cravate… j’aurais apprécié plus de différences entre les deux hommes, même s’ils sont les deux des Français. De prime abord, MacGuffin fait un peu nunuche lorsqu’elle s’emporte d’être obligée de porter des jupes longues, mais on réalisera rapidement qu’elle ne fait pas dans la dentelle, qu’elle est intrépide pour ne pas dire casse-cou, encore plus que son partenaire qui prend le temps de deviser en latin. Les deux tomes fourmillent d’actions, de rebondissements, de gadgets qui fonctionnent ou non et d’une pétarade d’acrobaties spectaculaires. On ne s’ennuie pas. En plus, le dessin est détaillé et il m’est arrivé assez souvent d’admirer des angles intéressants dans la mire du dessinateur. C’est réussi et bienvenus aux nostalgiques de cette époque… pas si lointaine (enfin, j’ose le croire!).

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