Bien triste nouvelle des derniers jours, le décès d’un artiste qui restera gravé dans nos mémoires québécoises: Serge Fiori. Nous avons toutes et tous eu, à l’annonce de son départ, un soubresaut d’un souvenir lié à sa musique.
Tout à coup, je suis dans le sous-sol chez ma cousine Lisette à Pointe-aux-Trembles, j’ai 16 ans, elle, 15 ans. Pour la première fois de ma vie, je suis dans la grande ville, sans mes parents. La liberté, quoi! Avec Lisette, nous discutons et, en trame de fond, il a le disque de Fiori-Séguin que nous écoutons en boucle et qui nous envoûte.
La musique nous transporte
Je ne suis pas seule, c’est tout le Québec qui se souvient d’un moment partagé avec Serge Fiori ou avec Harmonium. C’est que la magie de la musique sur notre cerveau agit comme une empreinte indélébile qui ne s’effrite pas. C’est fascinant! Le départ de Serge Fiori agit donc comme un doux rappel que ce que nous partageons à travers la musique est précieux, unique et authentique.
La musique nous transporte dans le temps en quelques secondes. Tout à coup, il y a moi, il y a la musique, la chanson, l’intro, les premières notes et je m’emballe. Il y a ce quelque chose de réconfortant, de cozy, de sécurisant que les trames sonores nous apportent. À part quelques photos prises de manière éparse, ce qu’il nous reste au fond du cœur, ce sont les souvenirs. On peut perdre, brûler, endommager des photos, mais les souvenirs ne s’égratignent pas, ne se perdent pas, ils restent imprégnés dans notre corps, dans notre esprit, dans notre identité, dans notre époque. La musique, c’est comme un musée vivant où l’on prend plaisir à y exposer nos souvenirs les plus chers.
La maladie de la mémoire
Même la maladie n’érode pas les souvenirs.
Je me rappelle cette vidéo d’une dame de plus de 90 ans atteinte de la maladie d’Alzheimer, Marta C.Gonzalez qui fut danseuse étoile. Décédée en 2019, elle est l’exemple pur que lorsque les mots nous manquent, lorsque la mémoire n’arrive plus à se rappeler, il reste la musique qui fait vibrer ces parcelles de vie que l’on croyait éteintes. Dans cette vidéo, qui me fait pleurer à chaque écoute, elle arrive à recréer les mouvements de bras de la chorégraphie du Lac des Cygnes, prestation qu’elle a réalisée en 1967. Preuve que la musique marque les temps forts de notre existence comme si tout cela était crypté dans notre essence.
La musique de nos 20 ans
Puis, il y a moi, ma voiture, mes haut-parleurs et ma voix de canne de conserve! Il me suffit d’entendre les premières notes d’une chanson qui a meublé ma jeune vingtaine pour que le temps s’arrête, la mélodie prenant toute la place. Un visage oublié, les endroits chéris, un premier amour, un style de danse. Je me revois avec des vêtements de l’époque, un premier appartement et ma chevelure que ma mère qualifiait d’ébouriffée.
Mais comment une seule chanson peut faire ressurgir une émotion, un état d’esprit, un lieu dans un claquement de doigts? On ne parle jamais juste d’un son, d’un accord, d’un instrument ou d’une parole, la musique est vivante, elle est mémoire, elle est émotion et s’intègre dans chacune de nos cellules. C’est pourquoi une seule chanson peut nous faire tantôt pleurer, tantôt frissonner, danser, rire, aimer, s’attendrir et même accentuer une prise de conscience. Une chanson est bien plus qu’un pur divertissement, elle peut aussi faire œuvre utile!
La musique, témoin de notre vie
Lorsqu’on est jeunes, elle forge notre individualité, notre unicité et ce sentiment de faire partie d’une génération, d’une révolution ou encore de faire partie de la gang. Plus âgée, elle prend des airs de nostalgie avec un mélange de doux-amer, une façon de faire un avec ce passé qui donne l’impression de prendre une peu trop ses distances. Une ligne de vie entre l’avant et le maintenant, une ligne entre ce que nous étions et ce que nous sommes devenus.
La musique nous suit tout au long de notre parcours. Des mariages, aux anniversaires, aux fêtes entre amis, mais aussi tout autant dans ces moments où la solitude nous gagne, les deuils nous envahissent et les ruptures nous usent. Elles deviennent un lieu pour penser ses blessures ou panser ses blessures, c’est selon la définition que nous en faisons.
Des paroles et une mélodie, chaque époque a les siennes, chaque génération remastérise les siennes. Au bout du compte, ce sera toujours avec la même puissance que nous laisserons la musique entrer en nous, qu’on la laissera nous habiter avec amplitude.
Souvenons-nous de cette partition qui rythme notre vie au son du métronome!
Réjouissons-nous de cette mélodie intérieure qui vibre au fil du temps qui s’échappe!
Valsons ensemble et accordons nos instruments!
Unissons nos voix vers ce refrain rassembleur!
Où est allé tout ce monde
Qui avait quelque chose à raconter,
On a mis quelqu’un au monde
On devrait peut-être l’écouter
La musique est ce langage universel qui joue l’accord nous reliant les uns aux autres. Et tant qu’il y aura une oreille pour l’écouter, un cœur pour la ressentir, la musique continuera de jouer… cette trame sonore qui jalonnera nos vies!
