Larry Hodgson est l’homme derrière le Jardinier paresseux. Larry est un homme au cœur grand comme le monde, habité de bienveillance, de bonté et de générosité. Il a les gestes lents, la parole douce et rassurante tel un bon père de famille. Rieur et bon public, celui qui ne semble jamais se fâcher, celui qui a fait naître la passion du jardinage chez la majorité d’entre nous, se voit maintenant affligé d’une maladie qui l’emportera dans un avenir rapproché.
Rejoint au téléphone, Larry se dit prêt pour l’entrevue. Confortablement assis avec sa lunette à oxygène, il se repose depuis 10 minutes pour avoir «une bonne voix». C’est que notre cher collaborateur est atteint de fibrose pulmonaire, une maladie dégénérative mortelle. Résilient, il voit encore la vie en rose.
En vert, devrions-nous dire puisque le journaliste horticole vit encore et toujours pour sa passion: l’horticulture. Entrevue avec un mentor et un ami.
Le Jardinier paresseux enfant
Depuis près de 40 ans, il est LA référence en horticulture au Québec. Avec son blogue du Jardinier paresseux, il conseille et informe près de 9 millions de lecteurs chaque année. Ses 64 livres sont aussi devenus des incontournables pour tout jardinier débutant ou professionnel. Mais qu’est-ce qui a créé le déclic chez lui?
Il rit. «Tout ça vient de mon père. Très tôt, à la petite enfance, mon père gérait notre cour arrière comme une petite ferme: nous avions un potager, un verger… Il nous impliquait beaucoup dans son projet! J’étais donc très jeune quand il nous a montré comment tailler, planter, semer, transplanter. Des 4 enfants, j’étais celui qui aimait le plus travailler la terre.
Quand j’ai eu l’âge de lire, je lisais religieusement les catalogues de mon père. Il recevait aussi l’Organic Gardening, une revue en anglais, que je lisais comme un roman. Et puis, j’allais à la bibliothèque! J’empruntais des piles de livres et j’en lisais un par jour. Je me réveillais très tôt pour lire, même les jours d’école. C’était déjà une passion pour moi», nous confie-t-il le sourire dans la voix.
«Je ne parle pas beaucoup de moi, non pas parce que je n’aime pas ça, mais parce que les plantes sont beaucoup plus intéressantes!» — Larry Hodgson, le Jardinier paresseux
L’étudiant
«Malgré le fait que j’adorais écrire et que je me passionnais pour les plantes, personne ne m’a parlé d’en faire une carrière. Je ne savais même pas qu’il y avait des écoles d’horticulture. Et pourtant, tout au long de mes études secondaires, je m’impliquais à la serre où les cours de biologie se donnaient. Quand je l’ai vu la première fois, je suis tout de suite allé voir le professeur pour lui offrir d’y travailler. J’adorais ça. Ce que je détestais? Les fins de semaine et les congés. Je m’inquiétais tellement pour mes plantes, c’était désastreux! Déjà à 15 ans, je voulais passer mes fins de semaine dans la terre.
Et les filles, elles trouvaient ça séduisant son amour de la terre? Il éclate de rire: «Pas du tout! Je croyais naïvement que les filles aimaient les sportifs, pas les jardiniers! Je ne parlais à personne de mon amour pour le jardinage, je ne voulais pas que ça se sache», dit-il songeur.
La naissance du jardinier assumé
«À l’université, j’ai étudié les langues (le français et l’allemand) à Toronto et à Québec. J’étais en appartement et un jour, j’ai vu mon voisin mettre une plante sur son balcon. Ça a été un vrai déclic pour moi! En deux ans, mon balcon était devenu un potager qui produisait tellement de légumes que je devais en donner! Je jardinais beaucoup et j’avais plus d’une centaine de plantes d’intérieur. C’est là aussi que j’ai appris que les filles ne détestaient pas le jardinage…»
L’amoureux et le père
«Je suis avec ma femme Marie depuis une trentaine d’années. Ça a été un deuxième mariage pour nous deux. Je l’ai rencontré au début de ma carrière de journaliste horticole indépendant alors que je faisais encore des contrats de rédaction, de traduction, etc. Je devais me rendre à leurs bureaux pour travailler et c’est là que j’ai connu Marie. À un moment donné, j’ai entendu un rire très franc résonner dans le bureau, j’ai trouvé ça extraordinaire… J’ai voulu voir à qui appartenait ce si beau rire et c’était elle. C’est ça qui m’a attiré: le son de son rire.»
J’ai un fils, Mathieu, né de ma première union, qui a vécu à temps plein avec moi. Marie avait elle aussi deux enfants, ils étaient à peu près tous du même âge. Il y avait de l’action, des rires. C’était merveilleux!»
Le travailleur acharné
«À la fin de mes études, j’ai adhéré à plusieurs groupes de jardiniers et d’horticulteurs, dont Les amis Jardin Roger-Van den Hende. Ces gens-là étaient des érudits, ils connaissaient beaucoup de choses. Avec eux, j’ai aidé à créer des expositions, un journal, c’est là que j’ai commencé à écrire.
Puis, une revue horticole a été mise sur pied. Vertige n’a pas duré très longtemps, 6 ou 7 numéros. Je leur ai demandé d’écrire pour eux et ça a été mon premier contrat. À partir de là, j’étais un journaliste horticole qui avait été publié, ça comptait beaucoup pour moi.
J’avais 28 ans, je n’avais pas de plan, j’avais une femme et un fils, mais dans ma tête et mon cœur, c’était ça mon destin — Larry Hodgson
C’est à ce moment que j’ai su que je voulais écrire, que j’étais fait pour ça. Il ne me restait qu’à m’organiser pour gagner ma vie en écrivant sur le jardinage. Facile à dire!», s’esclaffe-t-il.
Ça a été le cas? «Non! Pas du tout! Je travaillais alors pour la Croix-Rouge. Ce n’était pas un emploi que j’aimais particulièrement, mais ce qui était bien, c’était qu’il y avait des dactylos pour les secrétaires et que les machines à écrire étaient disponibles le midi.
C’est sur l’heure de dîner que j’ai écrit mon premier livre! Même s’il n’a jamais été publié, j’ai gagné en expérience. J’aimais tellement ça que je ne voulais plus faire autre chose. J’ai acheté une machine à écrire et j’ai quitté. »
Pauvre, mais créatif!
«Je devais trouver des contrats. Je suis donc allé au journal Le Soleil pour leur offrir une chronique sur le jardinage. Ils ont refusé tout de suite puis, 3-4 semaines plus tard, ils m’ont commandé 6 textes pour un numéro spécial. J’en ai écrit vingt! De fil en aiguille, j’écris une chronique par semaine depuis 37 ans maintenant. En parallèle, je faisais des chroniques pour CBC et Radio-Canada, j’écrivais pour des magazines… Je ne gagnais pas cher, mais je payais le loyer.
Quand j’allais au supermarché, je me procurais des légumes gratuitement en disant que je ramassais les légumes abîmés pour mon lapin. Des choux, des carottes, presque en parfait état! Je réussissais à mettre de la nourriture sur la table, c’était ça l’important!
Je prenais les têtes de poissons et les os du boucher pour faire des bouillons de soupe, je me débrouillais bien. J’étais tellement convaincu que j’allais réussir que je ne voyais que ça. J’allais réussir. Je ne m’inquiétais pas, je fonçais. Je suis encore comme ça», dit-il dans un rire sonore.
Quand je dis que je vais faire quelque chose, je le fais, demandez à mon épouse!
Et il a réussi
«Quand Fleurs plantes et jardins est apparu sur les tablettes, ça a tout changé. Comme il n’y avait pas de revue horticole, ils ont réuni plusieurs personnes autour de la table et j’étais le seul journaliste. On a discuté de ce que le public voulait: eux pensaient que les gens voulaient des références pour de l’aménagement paysager, moi j’ai tenu mon bout en disant le contraire! Les gens veulent apprendre à faire leur aménagement paysager eux même, pas payer quelqu’un pour le faire! Ils veulent planter, semer… Personne ne me croyait! J’ai quitté, découragé. Trois semaines après, ils m’appelaient pour m’engager et je devais entrer au bureau le jour même! La revue a été un énorme succès et j’y suis resté comme collaborateur pendant 27 ans.»
Les voyages horticoles et la santé qui décline
«Mon père a toujours rêvé de voyager. Il voulait vendre la maison et acheter une roulotte pour visiter l’Amérique à sa retraite. Mais, comme ma mère était trop malade, il n’a jamais réalisé son rêve. Ça a eu comme impact de me donner le goût de voyager très jeune. Je ne voulais pas attendre d’être plus vieux ou plus riche. J’ai donc commencé à organiser des voyages pour les amateurs de jardins. J’en faisais 7 ou 8 par année vers la fin!», dit-il fièrement.
«Puis, la COVID est arrivée en même temps que ma santé déclinait. J’avais un voyage planifié en décembre et à ce moment-là, ma santé déclinait sérieusement. Je voyais depuis des années qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas avec ma santé. Moi qui marchais beaucoup, j’étais tout à coup très essoufflé. Je suis allé voir le médecin et j’ai fait plein de tests, puis une biopsie des poumons.»
« J’ai attendu 1 an avant d’avoir le diagnostic: fibrose pulmonaire, une maladie qui n’a pas de traitement, c’est la mort inévitablement.» – Le Jardinier paresseux.
La médecine peut ralentir, pas guérir. Donc j’ai ralenti, mais depuis 2019, ça décline plus rapidement. Je prends beaucoup de médicaments…
Larry Hodgson, l’homme résilient
Comment on encaisse une telle nouvelle? «Je ne suis pas pessimiste. Ma vie va bientôt prendre fin et je le prends avec philosophie. Je veux garder le blogue en vie, ça me tient occupé. Ma tête n’arrête jamais et heureusement pour moi, la maladie n’atteint ni la tête ni les mains. Je n’ai pas de douleur, je peux donc continuer à écrire, c’est merveilleux.
«Je vais mourir, oui, mais il me reste du temps.»
Quand je vais décider que c’est assez, je vais pouvoir mettre ma limite puisque j’ai le droit à l’aide médicale à mourir. J’en parle avec Marie, avec mon fils… C’est sûrement ce scénario que je vais choisir à moins que la maladie m’emporte avant!», souligne-t-il serein.
Son legs
«Il se peut que les gens se souviennent de moi quelque temps puis ils vont m’oublier! Et vous savez quoi? Ce n’est pas plus grave! Je laisse des milliers d’articles, des dizaines de livres derrière moi (son dernier sortira au printemps). Mon fils va maintenir le blogue en vie, l’actualiser. Pour le reste, ce n’est plus moi qui décide. Je fais ce que j’aime, la mort arrivera plus tard. C’est le cours normal de la vie, tout le monde va mourir… Dans mon cas, j’ai juste plus de précision sur le temps qu’il me reste.»
Cher Larry, une chose est certaine, vous avez révolutionné le monde horticole au Québec et nous nous comptons privilégiées de vous avoir côtoyé durant ces années. Merci pour tout cher Jardinier paresseux.
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15 Responses
Quel bel article, très touchant. -Il va nous manquer ce cher homme
Bon courage pour la suite et MERCI pour tout votre excellent travail
Gros câlins
Merci, cher jardinier paresseux, c’est grâce à vos livres que j’ai développé l’amour du jardinage. Un merci du fond du cœur ♥️
Quel vie magnifique ! Vivre au quotidien avec les jardins, les plantes et la nature et toujours éduquer, guider et diffuser la joie des plantes. Merci pour ce super article sur un homme merveilleux !
Laurie Macdonald
Saint-Lazare
Que votre passion vous anime jusqu’ a la fin.
C’ est avec vos livres en références que j’ ai beaucoup appris a l’ école d’ horticulture !!!
Merci a vous !
Une passionnée obsessionnelle des plantes !!!
Merci de vos chroniques que vous publiées et qui sont sur FAcebook. J’aime votre philosophie de vie. Je vous souhaite la joie et la gratitude au jour le jour, et la paix intérieure. Merci de qui vous êtes et de tout ce que j’ai appris en vous lisant ????
Bonjour, c est vous qui m avez tout appris sur l horticulture, j achetais le magazine juste pour vos chroniques. Planter des fleurs, c était ma relaxation . merci merci merci.
Cher Larry,
A ma retraite je suis revenu au jardinage comme au temps de mon enfance; je réaménage en continu la cours arrière de la maison. Année après année, j’apprends de mes erreurs. Mille fois, je retourne le nez dans l’un de vos livres, sinon j’écoute vos chroniques ou la lecture d’un article. Vivre près de la nature me garde en vie parce que je garde l’oeil et l’esprit en alerte. Merci à vous, Jardinier paresseux, pour ces précieux conseils et la passion.
Une chose est certaine M. Hodgson, on ne vous oubliera pas, comme vous le prétendez. Merci pour tout ce que vous nous avez appris. Bonne chance pour la suite.
J’AI FAIT PLUSIEURS VOYAGES HORTICOLLE AVEC LARY .DES VOYAGES MAGNIFIQUES. JE N’OUBLIE PAS LES JARDINS DE
LONJWOOD . DE TRES BEAUX SOUVENIRS.
MERCI et conserve ta volonté de vivre jusqu’à la fin.
MERCI DE M’AVOIR DONNER CETTE RICHESSE DU JARDINAGE.
JE N’OUBLIRAI JAMAIS.
Je vous aimes tellement, tout vos livres, passionné de jardinage vous êtes mon inspiration. Je parle souvent de vous et de vos différentes technique. Merci et bon courrage
Merci, Jardinier Paresseux, c’est grâce à vous, vos conseils, votre humour,
vous êtes vraiment très drôle, qu’aujourd’hui je jardine. Moi ce sont les fleurs
que j’adore. Mais comme je suis aussi très paresseuse vos bons conseils et vos
livres m’ont beaucoup aidé. Vous êtes un homme privilégié, vous avez eu une belle
vie et vous avez fait ce que vous aimiez par dessus tout, donc vous n’avez pas
travailler de votre vie. Je vous souhaite une belle fin de vie à l’image de celle que
vous avez vécue.
Merci pour tout!
MERCI Jardinier Paresseux! Suivre votre blogue a changé ma façon de jardinier, et je transmets vos connaissances à mes enfants. On vous aime!
Je lis Monsieur Hodgson depuis tellement d’années. Jai plusieurs livres dans ma bibliothèque dont «Fleurs Plantes et Jardins» vrai que ses livres ne sont donnés mais ce sont des livres avec tellement de références.
Je lis sa chronique quotidienne ;«Le Jardinier Paresseux» Je sais qu’il s’organise afin que ses connaissances soient disponibles à son départ car comme il disait dans une de ses chroniques que la fin approche.
Merci «LARRY» de vous être entouré d’excellents collaborateurs afin de partager vos connaissances.
Vous m’inspirez, M. Hodgson. Merci pour ce partage!
merci d’avoir fait de moi une jardiniere paresseuse.