Marguerite Normandin Labonté, résidente Chartwell Seigneuries du Carrefour
On nous dit souvent que les Noëls d’antan étaient forts différents, moins axés sur les cadeaux, plus sur le cœur. Nous en avons donc profité pour avoir une discussion fort sympathique avec Mme Marguerite Normandin Labonté, une «jeunesse de 88 ans», comme elle le dit si bien.
Vive, sympathique, chaleureuse, maman de 5 enfants, grand-maman de 13 et arrière-grand-maman de 6, faisons avec elle, un retour dans le temps tout à fait merveilleux!
«C’est Noël chaque fois qu’on essuie une larme dans les yeux d’un enfant.
C’est Noël chaque fois qu’on dépose les armes et chaque fois qu’on s’entend.
C’est Noël chaque fois qu’on arrête une guerre et qu’on ouvre les mains.
C’est Noël chaque fois qu’on force la misère à reculer plus loin.
C’est Noël sur la terre chaque jour, car Noël, mon frère, c’est l’Amour!»
– Paroles tirées de la chanson C’est Noël tous les jours
Une perception bien différente de Noël
«Loin de moi l’idée de renoncer aux rassemblements et aux présents qui font partie de l’atmosphère de Noël, mais je trouve que cette chanson résume bien ma pensée. J’aime croire que l’esprit de Noël ne se limite pas à quelques jours, mais qu’il se perpétue tout au long de l’année. Je ne viens pas d’un milieu très riche puisque mes parents ont été ruinés lors de la crise économique. Il n’y avait pas de cadeaux mirobolants pour Noël, mieux vaut dire que les cadeaux étaient inexistants.
Nous étions 7 enfants, une famille moyenne pour l’époque. Nous avions une mère dévouée qui avait énormément d’amour à donner. Elle était une grande musicienne, parfaitement bilingue, elle avait réponse à tout, mais demeurait humble. Elle qui a eu une enfance aisée, je dois dire qu’elle a traversé la faillite due à la crise économique, dignement. Vous savez, les huissiers avaient tout saisi ce qu’il y avait dans la maison, même son piano qu’elle adorait. Même le logement…
Mes parents avaient 3 enfants quand c’est arrivé et ma mère m’attendait d’une semaine à l’autre. Quand on a tout perdu, ma famille a été accueillie par mon grand-père maternel, c’est donc dans sa maison que je suis née.
Le sapin
Mes premiers souvenirs de Noël ont été teintés par la maladie et par la terrible perte de mon petit frère. Toutefois, avant que la tragédie frappe, je me rappelle que nous voulions nous aussi décorer un sapin. Comme nous n’avions pas les moyens d’en acheter un, maman a proposé aux plus vieux d’aller chercher des branches de pins et de sapins dans un boisé. Nous y sommes allés puis nous avons confectionné un sapin sur le mur. Ce qui est drôle c’est que c’est la tendance de faire ça en ce moment! J’ai toujours dit que ma mère était née 50 ans trop tôt…
Alors, ce Noël-là, pour décorer, on a fait nos propres décorations à l’aide de nos tablettes Alouettes. On a pris les petits papiers d’aluminium dans les paquets de cigarettes de mon père pour y découper des glaçons et on a fabriqué de la fausse neige avec du savon très concentré et un peu d’eau. C’était très joli sur les branches! Quel souvenir…
Les chants
Je vous l’ai dit, ma mère adorait chanter, c’est elle qui nous a montré à faire des arrangements vocaux, sans instruments. Comme on apprenait le solfège à l’école, toute la famille savait lire la musique, alors le 1er décembre, la maison se transformait en chants et en contes de Noël, c’était magique!
Tout ça prenait beaucoup plus de place que les cadeaux. Tout était dans l’atmosphère qu’on créait. On montait un spectacle avec les albums de La bonne chanson, que nous nous procurions seconde main. On connaissait par cœur les cantiques de Noël, c’était une vraie tradition dans notre famille, ça nous rassemblait et ça nous donnait énormément de bonheur.
Temps de guerre
Nous étions tellement heureux ensemble… Comme la famille de maman et celle de papa n’habitaient pas dans la même ville et que nous n’avions pas de voiture pour les visiter, on passait tout le temps des Fêtes entre nous. Rappelez-vous, l’hiver, les communications n’étaient pas faciles, sans compter que c’était en plein pendant la guerre. Peu de gens avaient des voitures puisqu’il y avait un arrêt de production, et ce, sans compter le rationnement…
On s’en tirait bien malgré tout! Comme nous ne mangions pas beaucoup de viande, ça nous donnait la chance de faire du troc de coupons avec les voisins pour du beurre, du lait, etc. Ça a quand même duré 5 ans alors que personne ne croyait que ça durerait… Pendant 5 ans, nous avons été rationnés, nous devions couvrir les fenêtres, le soir, lors d’exercices de bombardements… C’est étrange à dire, mais enfants, nous ne nous doutions pas de tout ce qui se passait. On se croyait à l’abri, même si les bateaux allemands étaient rendus sur les côtes du St-Laurent. C’était comme un jeu pour nous, on ne craignait pas la guerre. On entendait ce qui se disait aux nouvelles, mais chez nous, grâce à Noël, on oubliait tout ça.
Les cadeaux
Même à Noël, il y avait des restrictions: tout ce qui était en métal, comme les soldats de plomb ou les camions, il n’y en avait pas aux Fêtes, car le métal était consacré à l’effort de guerre. Pour nous qui étions habitués d’être privés de présents, ça ne changeait pas grand-chose!
Dans la famille, on se faisait des cadeaux entre nous: mon frère était très habile de ses mains, — il est d’ailleurs devenu ingénieur! — construisait des camions avec des vieilles planches en bois aux 3 garçons. Nous, les filles, avions des poupées à découper. On avait un plaisir fou avec ça! Il fallait être créatifs!
On avait aussi une petite boîte pour ramasser les bonbons durant l’avent. Si on nous en donnait, que ce soit en cadeau ou pour des services aux voisins, on s’en privait, et on les rangeait. Tout était gardé en prévision de Noël!
Le père Noël
Pour nous, le père Noël était une légende au même titre que le petit Poucet. On ne croyait pas que c’était lui qui distribuait les cadeaux. Maman nous disait: “Les autres peuvent y croire, mais moi, je ne veux pas que vous croyiez que le père Noël vous a oubliés, car il ne vous amène pas de cadeau. Ce n’est pas vrai que seuls les gens riches ont le droit d’être récompensés parce qu’ils sont sages!”
Les religieuses
En terminant, laissez-moi vous raconter un dernier souvenir… J’avais 9 ou 10 ans quand nous sommes déménagés. Quand on est arrivé dans notre nouveau quartier, on s’est vite rendu compte que notre maison était la plus misérable de toutes! Il y avait beaucoup de maisons d’entrepreneurs, de médecins, etc.
À un moment donné, des religieuses françaises, les petites sœurs de L’Assomption, sont venues s’installer dans ce beau quartier pour s’occuper des familles pauvres. Elles visitaient les gens malades, s’occupaient des femmes enceintes. Elles étaient des femmes d’une générosité incroyable!
En passant devant notre maison, elles nous ont entendu chanter. Elles nous ont abordés pour nous demander si on pensait aller à la messe de minuit. Malheureusement, nous n’avions pas l’argent pour payer les bancs pour y assister! À notre grande surprise, elles nous ont donc invités à les accompagner à la messe de minuit… Le rêve! Ce n’est pas tout, elles nous ont même invités au réveillon et nous ont offert plein de cadeaux… Quel beau Noël. Quelle magie!
Et vous, quel est votre plus beau souvenir de Noël, chères Radieuses?
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2 Responses
La force de parents aimants est pour les enfants le plus beau et incroyable cadeau. Ce dévouement crée beaucoup d’amour et la pauvreté n’existe pas pour les enfants ; ils ne la ressente tout simplement pas ..
Très beau texte sur la résilience en des temps qui n’ont pas toujours été facile! Ca nous ramène à l’essentiel. Merci pour ce partage.