Radieuses, permettez-moi une introduction plutôt personnelle. J’ai grandi dans un village où on pensait que faire carrière dans les médias relevait du miracle. Pourtant, du haut de mes quatorze ans, je rêvais de devenir journaliste : d’avoir cette liberté d’opinion, d’être et de dire. La liberté que je lisais sous la plume de Nathalie Petrowski. Une plume qui égratignait autant qu’elle magnifiait. J’ai toujours admiré cette femme qui a du chien, qui va au bout de ses opinions, qui malgré ses détracteurs, conserve son personnage médiatique de femme de tête, au ton quelque fois tranchant. Cette femme qui, sous des airs un peu badass, est d’une générosité sans borne et capable d’une touchante candeur.
Elle arrive pile à l’heure, espadrilles à paillettes aux pieds : “N’essaie pas de t’en trouver, ils viennent de Berlin” me dit-elle rieuse. Le ton était donné.
Nathalie, tu le sais sans doute, tu es une personne qui divise. Comment ça se vit au quotidien?
C’est certain que mon personnage polarise, mais je suis comme ça et je suis rendue trop vieille pour changer. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’entre mon personnage public et la fille dans la vraie vie (et je dis la fille, pas la femme), il y a un grand décalage. Mais qu’est-ce que tu veux que je te dise, ma marque de commerce c’est un peu ça. J’ai une grande gueule. Le monde pense que je suis négative, mais au contraire! C’est vrai que je suis une personne qui se pose des questions, qui se méfie et qui ne prend rien pour acquis, et puis c’est tout! J’ai toujours été comme ça.
En vieillissant, as-tu envie de faire l’unanimité?
Je trouve pourtant que je me suis beaucoup adoucie. Quand je vois Sophie Durocher varger dans le tas, je me dis wow… Moi je fais plus ça! Maintenant, je mets des gants blancs, j’y vais avec des pincettes.
Pourquoi?
Bien… Parce que la vie est complexe et qu’elle mérite des nuances. Quand j’étais jeune, je ne voyais pas ces nuances-là, je fonçais dans le tas. J’étais une idéaliste. Tu sais, la vie m’a apprise un paquet d’affaires, tout n’est pas noir ou blanc. Je me suis assagie avec le temps. En fait, j’ai toujours été plutôt sage quand on y pense! J’ai travaillé, j’ai écrit, j’ai eu un fils, j’ai un chum avec qui je suis depuis 30 ans… C’est certain que je pogne encore les nerfs pour des niaiseries, mais c’est tout!
Tu écris depuis 25 ans dans La Presse, est-ce que tu commences à regarder la sortie?
Je vais avoir 65 ans dans 2 ans et oui, je veux prendre ma retraite du journalisme parce que je veux écrire des romans et des scénarios. Je veux prendre le temps, 1 mois, 6 mois, 2 ans pour écrire mon projet. Ne pas être pressée. Ne pas avoir de texte à rendre le lendemain, ne plus être à la recherche d’une idée. C’est vrai que ça fait 25 ans que je suis à la Presse, mais avant j’ai été 15 ans au Devoir puis avant au Journal de Montréal.
Penses-tu que tu auras la retraite aussi zen que tu le crois?
(Elle rit) Non, car j’aurai toujours besoin que ça bardasse un peu! Je sais déjà que ça va être difficile, que je vais manger les murs en me disant “pourquoi Nathalie tu as voulu ça”? Ça va être une période d’adaptation. Tout ça va m’assaillir le jour où je serai à la maison. Mais de manière générale, je sais que c’est nécessaire. Je veux faire ça, je veux prendre le temps. À l’âge que j’ai, il me semble que je mérite ça. Il va quand même falloir que je me donne le temps d’apprendre à vivre avec du temps. C’est drôle à dire quand même…
Ça faisait un bail qu’on ne t’avait pas vue à la télé, ça te manquait?
J’ai beaucoup fait de télé dans le passé puis je suis tombée en désuétude et, avec Les Échangistes, bien je suis revenue à la mode! Depuis septembre, je fais partie de la nouvelle mouture de C’est juste de la TV… Je blague en disant que je suis comme les vêtements des années 70, je redeviens tendance!
Ça te fait quoi de vieillir?
Tu sais, dans ma tête j’ai trente ans, mais devant mon miroir, on dirait des fois que j’en ai 70! Je connais du monde pour qui c’est pas mal plus rough que pour moi. Ma mère notamment… C’est assez typique des femmes qui ont été de grandes séductrices et qui, avec l’âge, ne séduisent plus. Elles ont plus de difficulté à le prendre. Moi, j’ai jamais été dans la séduction. Plus jeune, je voulais être un esprit, je ne voulais pas être un corps ou un attrait sexuel. De toute façon, je n’ai jamais eu un rapport génial avec mon corps. Quand je me regardais dans le miroir, je me sentais super belle. Puis je sortais et je croisais d’autres filles et là, tout s’écroulait. Je les trouvais tellement plus belles que moi. Dès que j’entrais en contact avec les autres, j’entrais en comparaison et je me trouvais moche.
Alors, je pense que pour des filles qui ont été des beautés c’est vraiment plus difficile de vieillir car la beauté est condamnée à faner. Alors que, si tu ne t’es jamais vraiment investie là-dedans c’est pas la même chose. Je pense que personne n’aime vieillir, mais ce n’est pas quelque chose qui me préoccupe ou bien qui me plonge dans un état dépressif. Je suis encore en action, j’écris, je travaille, je trippe. J’ai mon fils, mon mari, des amis. J’ai la soixantaine légère quoi!
Tu as mentionné ta mère, Minou Petrowski. Lui ressembles-tu en vieillissant?
Pas physiquement! Ma mère a 85 ans. Elle met encore des vêtements de jeune, elle est complètement flyée avec ses longs cheveux noirs… Des fois, j’aimerais qu’elle soit un peu plus de son âge, je suis straight hein? Disons qu’elle est pas mal moins conventionnelle que moi…
Mais Nathalie… tu n’as pas la soixantaine conventionnelle non plus!
Ah non? Tout est relatif j’imagine! Quand tu es la fille d’une mère des années 70 qui a vraiment bourlingué, bien ça fait des filles plus straight. Moi, j’ai besoin de sécurité car enfant, je n’en ai pas eu. Alors j’imagine que si tu as eu une mère straight tu peux te permettre d’être un petit peu plus originale. Moi, ma mère était flyée donc…
Et Louis, ton fils, il te trouve flyée ou straight?
Straight! Tellement straight! En même temps, ma relation avec lui est très bonne. Des fois j’entends des nouveaux parents qui se plaignent qu’ils ne dorment pas, qu’ils changent des couches 100 fois par jour… Mais tous ces petits problèmes ne sont rien si je pense à ce qui vous attend! Plus nos enfants vieillissent, plus les problèmes grandissent, plus on veut qu’ils soient heureux et quand ils ne le sont pas, ça nous fait une peine immense. Ce ne sont plus juste des petits bobos, ce sont des remises en questions, des chagrins, des déceptions. C’est ça que je trouve dur quand je regarde mon fils vieillir. Je veux qu’il réussisse, qu’il soit heureux et quand ce n’est pas au rendez vous bien, je ne sais pas quoi faire. Je suis désemparée face à tout ça!
As-tu connu une crise de la quarantaine?
Eh bien non! Impossible d’avoir une crise de la quarantaine quand tu as un enfant de 2 ans puisque j’ai eu mon fils à 38 ans. Je me rappelle de mon 40e anniversaire, j’avais dit à mes amis que j’aurais pas le temps de célébrer! Je pense que les femmes qui changent de vie à 40 ans n’ont peut-être pas vécu assez entre 20 et 39! Moi j’ai vécu à fond, j’ai essayé plein d’affaires.
J’ai rencontré le père de Louis à 33 ans. À ce moment-là, j’étais tannée des gars fuckés, j’avais envie de me caser. 5 ans après j’ai eu mon fils.
La maternité, est-ce que ça t’a transformée?
Jusqu’à la naissance de mon fils, j’avais l’impression de voir la vie en noir. Je n’étais pas dépressive mais je n’étais pas super joyeuse non plus. Le fait d’avoir un enfant a tout chamboulé. Ça m’a changé. J’ai vraiment évolué intérieurement… Il fallait que je m’occupe de quelqu’un, je devais lâcher mon nombril. J’étais très égocentrique tu sais, à la limite du narcissique, très centrée sur moi-même et très anxieuse de ce que je projetais. Et puis tout à coup, il y avait cet être dont il fallait que je m’occupe et ça été une révélation. Ça été formidable, ça a vraiment changé ma vie… Ça été ça LE gros changement dans ma vie.
As-tu toujours voulu un enfant?
Je dois avouer qu’au départ, je n’en voulais pas d’enfant. Je n’ai pas eu une enfance géniale et ma mère m’a toujours répété de ne pas faire d’enfant… C’est le fun, hein, une mère qui te dit ça? C’était pas super valorisant disons, et puis quand Louis est arrivé, je me suis demandée pourquoi j’avais résisté à la maternité si longtemps.
Je l’ai eu à 38 ans, c’était tard pour l’époque c’est vrai, mais je ne suis pas du tout dans les regrets. J’ai peut-être attendu trop longtemps mais tant pis! Je me suis demandé longtemps si j’allais passé à côté de cette expérience humaine là. Je n’y suis pas allée avec un grand enthousiasme mais j’y suis allée.
Si on parlait de ton mari, le journaliste Michel Lacombe….
Ah Michel! Je suis avec lui depuis 30 ans. C’est beaucoup moins difficile qu’au début. Moi, je crois beaucoup en la fidélité, en la stabilité, je crois au couple. La solitude ne m’intéresse pas. Pour moi la vie à deux c’est la vraie aventure: une aventure périlleuse, faite de compromis.
Quand on s’est rencontré, je n’avais aucune idée c’était quoi les compromis parce que j’étais égocentrique oui, mais aussi que dans mes couples précédents (toujours dans les années 70) bien il y avait plus de liberté. Alors qu’avec Michel c’était la vraie affaire. Au début, je n’avais pas de base, je ne comprenais rien, ma liberté prévalait beaucoup. J’ai donc dû mettre beaucoup, beaucoup, beaucoup d’eau dans mon vin… et j’ai aimé ça!
Qu’est-ce qui était différent avec lui?
Il était capable de me dire de me calmer les nerfs! De plus, Michel est un petit peu plus explosif que moi donc avec lui, j’héritais du rôle de la douce, du petit chat! J’étais devenue celle qui apaise alors que c’était moi avant qui foutait le feu partout! Avec les années, il s’est calmé un peu, on a chacun appris l’un de l’autre. On a essayé, on a corrigé des affaires. Je ne crois pas que tu peux changer quelqu’un, mais je crois que tu peux apporter des correctifs à quelqu’un et vice versa.
Qu’est-ce qui fait que ça fonctionne depuis toutes ces années?
On est toujours amoureux, on est un couple le fun, pas plate. Il y a toujours une intensité entre nous. Il y a encore des affaires qui tiraillent mais elles tiraillent depuis le début et tirailleront toujours! On chemine ensemble. Je ne vois pas ma vie sans lui, on est très dépendant l’un de l’autre mais aussi indépendant à notre façon. On est très complémentaire, on échange constamment. C’est certain qu’on pourrait être un peu plus calme mais on ne l’est pas!
Malgré cela, tu as quand même l’air zen en lien avec ta vie, tes choix!
C’est vrai que je suis bien, je ne vis pas dans le passé. Je n’ai pas de regret, ça ne sert à rien. La vie c’est ça : on vieillit, on aime pas ça mais on continue. J’ai occupé beaucoup de terrain, j’ai donné en masse d’opinion. J’ai eu le privilège d’avoir une belle tribune en tant que journaliste et bientôt je vais laisser la place aux jeunes. Je trouve que ma génération a de la difficulté à quitter. Ils ont plein de fric et continue de travailler. Moi je leur dit : Arrêtez, allez vous amuser! Allez profiter de la vie! Quittez le navire! Il faut savoir arrêter pour pouvoir se réinventer.
Voilà qui est bien dit!
9 Responses
Wow ! Tu m as permis de découvrir une femme qui n a pas seulement un coté salé , elle a un coté sucré formidable.
Belle profondeur, bien écrit, amen !
Étonnante cette Nathalie, merci de nous la découvrir! Bonne entrevue!
Très interessant!! C’est vrai qu’on la découvre sous un autre angle ! Bravo!
Belle profondeur! J’adore!! Merci!
Wow superbe entrevue avec une femme… une fille exceptionnelle!!!
Entrevue très intéressante !
Cette fille ( c’est elle qui le dit) ne m’a jamais laissée indifférente . J’ai 66 ans et la suis depuis toujours tantôt avec ses coups de gueule et avec ses coups de ❤️ parce quand elle aime , elle est tellement intense que ça éveille ma curiosité : Je veux voir le film, lire le livre, voir le spectacle !
Je lui souhaite une retraite à la hauteur de ses désirs et du mien pour continuer à la suivre!
Merci Nathalie pour ce partage, c’est vrai que vous faites parler, et pas toujours en bien, mais vous êtes quelqu’un de très bien. J’ai vu une émission télé sur les COUGARS et votre mère y étais invitée. Tout de suite j’ai reconnu un air de famille et j’ai voulu en savoir plus, voilà! Ne changez surtout pas car c’est comme ça que l’on vous aime.
Encore une fois Merci!
Je suis cette journaliste depuis qu’elle écrit au Devoir. Mon père était un abonné de ce journal.
Mais je la lis et l’écoute avec enthousiasme, surtout depuis que je suis tombée enceinte au même moment qu’elle… que j’ai lu son histoire de maternité… m’y étant pleinement reconnue!
C’est une fille intense, tout comme moi!
Elle m’a beaucoup inspiré… j’aimais le fait qu’elle aie des opinions sur tout… également sa façon de les exprimer.
J’ai aussi mon cadet qui s’appelle Louis.
Il revient d’un séjour de 3 1/2 ans en Australie à la fin du mois … et m’a déjà annoncé qu’il voulait continuer de découvrir le monde. Je l’encourage à 100 %.
Merci à vous de partager cet échange que vous avez eu avec cette belle personne!