Rose à l’île : Des nouvelles de notre ami Paul - Les Radieuses

Rose à l’île : Des nouvelles de notre ami Paul

Notre Paul, il n’y a pas à dire, on l’aime! C’est notre pote, notre frère, notre modèle, notre humain avec des défauts et des qualités. Sans parler d’antihéros, n’allons pas jusque-là, Paul Rifiorati est un personnage vrai, et c’est pour ça qu’on l’aime autant. Ayez des défauts, autant que possible sympathiques, et vous aurez toutes les chances d’être aimés au Québec. Les plus-que-parfaits, les péteurs de broue, les becs pincés, très peu pour nous.

Ce Paul, on l’a adopté, il fait maintenant partie de la famiglia, depuis vingt-quatre ans en fait, tellement qu’on se prend parfois à oublier que Paul, c’est Michel. Écoutez de ses entrevues et vous verrez que Michel se fait couramment appeler Paul. À ce moment-là, un sourire gentil et un brin résigné apparaît dans la figure de Michel qui rassure rapidement celui qui s’est trompé : « Ce n’est pas grave, tout le monde fait cette erreur ». Ainsi en va pour le produit qui dépasse le créateur. Ça m’a fait penser qu’encore dernièrement, au lieu de demander un papier mouchoir, on demandait un Kleenex! La marque dépasse le produit!

Rose à l’île

Ne vous laissez pas intimider par « Rose », c’est un authentique Paul, plus vrai que jamais que vous aurez entre les mains. Paul sort de sa maison (Paul à la maison) pour prendre le large avec sa fille, Rose. Nous les accompagnons une semaine dans un chalet déniché sur l’Île verte. Je me suis posé la question, si sa fille ne l’avait pas challengé, est-ce que Paul aurait bouclé sa valise?

C’est qu’il est casanier notre Paul, il privilégie une vie qui ne va pas en dents de scie ni en montagnes russes. Le calme, mais pas plate! Vous me direz que nous sommes tous ainsi, justement, je vous le disais que Paul, il est comme nous! La différence, il a plus de talent en dessin et en communication que vous et moi! Et grâce à sa manière de se mettre en mots et en images depuis 1999 (son premier album, Paul à la campagne), nous assistons à sa vie à partir des premières loges.

Je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer que Paul n’a pas été facile à sortir d’Ahuntsic. Après ces cinq dernières années de pertes, de deuils, de remises en question, c’est dur d’éviter de tomber dans l’inertie. On dirait que le corps et l’esprit se rejoignent pour proférer une mise en garde : il faut arrêter de bouger, quand ça bouge beaucoup (trop?), les émotions s’exacerbent et partent en peur!

Un roman illustré

Si vous avez vraiment le goût de savoir comment va Paul, durant cette parenthèse, il fera des confidences à sa fille, à un couple d’amis et à une résidente de l’Île. Et ne cherchez pas les bulles, elles sont éclatées, c’est un roman graphique dont il s’agit. Toujours le dessin en noir et blanc, mais pas à la plume. Je m’avoue inculte, je n’ai pas vu la différence, mon bédéiste maison, Marsi, lui, oui! J’ai même rapidement oublié que je ne lisais pas une bande dessinée, est-ce parce que Michel R. nous a habitués à des pleines pages depuis toujours. À mon point de vue, ce format lui va à ravir, ouvre l’espace pour qu’il déploie son geste large et sa parole ample.

Un visuel du livre. Source : Éditions de La Pastèque

J’ai accueilli avec bonheur cette fluidité qui s’apparentait admirablement bien au vent du large sur le bord du fleuve. Ce qui ne signifie pas qu’on ne trouve pas des plages de silence. Il y en a plusieurs des plages (de silence, vous suivez toujours!) sur cette Île. On entend la respiration du fleuve et celle de Paul à travers ses pages débordantes de paysages à la beauté sauvage. J’ai apprécié le côté échevelé qui sied si bien au farniente. Michel, si volubile en entrevue, est-ce le décloisonnement des cases, la distribution texte/image m’est apparu parfaitement contrôlée, aucune logorrhée de textes. Vu sa solide expérience, il me semble mûr pour cette liberté. Je serais surprise de le voir revenir à la bande dessinée traditionnelle.

Ses confidences les plus intimes des dernières années tomberont dans les oreilles d’une résidente de l’Île verte (une étrangère), pas dans celles de sa fille ni vraiment dans celles du couple d’amis. C’est pour dire combien l’oreille étrangère est accueillante. Cette confidente l’invitera à continuer à s’épancher en prenant un café, Paul s’inventera un poulet au four pour l’éviter.

Le personnage et l’auteur, lié dans la vie de tous les jours?

Quand Paul se confie sur le travail de Michel Rabagliati, il touche le sujet de « l’exposure ». Paul ne nous a jamais vraiment parlé de sa vie publique de tous les jours, est-ce que Michel Rabagliati peut faire son marché Jean-Talon sans se faire reluquer ou aborder? Est-ce qu’il peut avoir la paix dans son quartier, qui fait un peu office de village dans la ville. Autrement dit, est-ce que Paul laisse vivre Michel?

Michel Rabagliati. Photo : Éditions de La Pastèque

Je sens le créateur un être grégaire, mais est-il fatigué de porter son personnage partout où se posent ses semelles? Son personnage Paul est un produit sous appellation contrôlée et Michel Rabagliati a sûrement ses moments, comme nous tous, d’insignifiance ou de banalité. Peut-il les vivre sous l’œil public? Comme assez souvent les créateurs le font, son énergie est concentrée dans la minute présente, comme s’il n’y en avait jamais une autre après celle-ci.

Rose, animaux et invitation

Dans ses albums précédents, sa fille jouait un rôle plus effacé, à vingt-trois ans, flexible comme une liane, et dotée d’un franc-parler rafraichissant, il en fait un personnage à part entière. Mignonne et attendrissante, elle l’est. Sont-ce les yeux du paternel qui lui donnent cette posture? Elle a conquis l’auditoire d’un coup de vent dans ses longs cheveux. Et que dire de sa longue-vue, ce cadeau d’anniversaire si approprié dans le contexte. Encore là, le dessinateur exploite la longue-vue pour notre plus grand plaisir.

Michel R. s’amuse à dessiner, je l’ai vu et senti plus que jamais. Il nous offre des bonus, des dessins d’animaux réalistes, des habitants de cette île du Bas du Fleuve qu’il a classés sous leurs appellations latines. Ça confère au livre illustré un encadrement scientifique qui rajoute son grain de sérieux au récréatif. C’est un clin d’œil commémoratif à un peintre animalier, le Père Henri Nouvel dont la municipalité Pointe-au-Père près de Rimouski doit son nom.

Vous avez une invitation qui vous attend pour prendre des vacances sur l’île Verte avec votre grand chum Paul. Vous découvrirez du coup une relation de connivence avec sa fille délurée de vingt-trois ans. Et n’oubliez surtout pas vos longues-vues pour les paysages!

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