Ce sera bientôt Noël et j’ai bien envie de vous raconter l’un de mes plus beaux souvenirs du temps des Fêtes. J’ai des souvenirs magiques de Noëls passés avec mes enfants. Des dizaines de souvenirs que je me remémore de temps en temps pour être bien certaine de ne rien oublier. Je n’ai qu’à fermer les yeux pour voir surgir les petites frimousses heureuses entourées d’un fouillis d’emballages multicolores qui les amusaient souvent plus que ce qu’ils contenaient. Doux souvenirs entremêlés de regrets, j’aurais tant voulu que leur enfance dure plus longtemps.
Revivre la magie de Noël…
La vie cependant m’a fait le cadeau d’une petite-fille. Avec elle, j’ai eu le bonheur de vivre une seconde fois la magie de Noël. J’ai tout de suite su que j’avais affaire à une petite personne exceptionnelle. Il n’y avait qu’à l’observer lorsqu’un papillon se déposait sur sa main. Elle retenait alors son souffle, les yeux grands. Plus rien n’existait que le battement ténu des ailes de soie. Et puis, quand elle se promenait autour de l’étang en cherchant des cailloux roses, elle éclatait de rire si elle surprenait une grenouille qui plongeait dans l’étang. Je suis tombée amoureuse de ses fous rires.
Elle déposait ses trésors dans son panier, ramassait un pissenlit au passage. Dans le jardin, elle cultivait tout un monde enchanté. Parce que, bien sûr, en relevant une feuille ou en regardant sous un champignon, on pouvait découvrir la cachette d’une fée… Le soir, parfois, nous regardions les étoiles en cherchant la sienne puisque l’une d’elles portait son nom.
Alors, vous comprendrez que cette petite fille qui se promenait dans le monde sans toutefois l’habiter vraiment, cette petite fille, je voulais la protéger de tout. Quand elle mettait sa petite main dans la mienne, je me sentais investie d’une mission spéciale. Je la remplirais de bonheur et d’amour juste au cas où la vie soit un peu injuste comme elle sait l’être parfois. Ma petite, je l’emmènerais à bon port.
Je la regardais donc vivre et grandir. La rentrée à l’école approchait et j’avais si peur qu’on me la brise. Je ne pourrais pas supporter de la voir triste. Elle qui pleurait si rarement. Ses chagrins étaient souvent silencieux et naissaient dans l’espace mystérieux de son imaginaire. Un jour, elle avait demandé au père Noël de donner la parole à Minou, son petit chat de peluche parce qu’elle se sentait seule à l’école. C’est tout ce qu’elle voulait pour Noël.
Bouleversée, j’avais répondu à sa lettre en lui expliquant que Minou avait la charge précieuse de conserver tous ses petits secrets. C’est pour cela que les toutous ne pouvaient se parler qu’entre eux, de peur de laisser échapper un secret. Elle avait été consolée, un peu. Je lui avais suggéré d’apprendre à connaître une petite fille de sa classe dont elle parlait parfois. Laurence était une enfant rieuse et gentille, pleine d’énergie. Leur amitié indéfectible dure encore.
Kami et Zipette
Comme je vous disais, ce souvenir dont je veux vous parler en est un plein de douceur. C’était il y a une douzaine d’années. Kami était assise dans son lit, bien au chaud dans son pyjama de flanelle rose en plus d’être enfouie sous un duvet bleu ciel semé de flocons blancs. Appuyée sur ses oreillers, elle serrait contre elle Minou et lui lisait un conte de Noël. À côté d’elle, une pile de livres. Je m’affairais à ranger ses vêtements soigneusement pliés. La vérité, c’est que je m’attardais parce que j’aimais l’entendre rire doucement des aventures d’un petit lutin qui rêvait de changer le monde.
De temps en temps, je m’approchais pour regarder avec elle une illustration sur laquelle elle s’était arrêtée. Ses cheveux encore un peu humides sentaient le shampoing à la fraise. J’avais écrit l’histoire de Zipette pour elle, petite âme lumineuse qui traversait la vie avec un sourire si confiant. Tout de suite, elle s’était attachée à Zipette le lutin rêveur. Il rencontrait bien des déboires, mais, toujours, il se relevait courageusement. Je m’efforçais de le garder bien vivant en ajoutant de temps en temps une suite à son histoire. Comme vous l’aurez deviné, je m’inspirais de la petite, de ses chagrins et de ses questionnements.
L’école apportait son lot de tracas. Cette année-là avait été particulièrement difficile pour elle. Une élève de sa classe l’avait choisie pour cible et elle cherchait à l’intimider. Elle volait ses crayons, sa collation. Elle lui disait des méchancetés et essayait de lui voler l’amitié de Laurence. Zipette essayait bien de l’aider, lui qui avait surmonté toutes sortes d’épreuves. Cette fois, il n’y arrivait pas. La petite demeurait triste et redoutait le retour en classe après les Fêtes. Pourtant, le problème semblait s’être réglé, le professeur avait la situation en main.
Un cadeau de Zipette
C’est là que j’ai eu une idée. Il fallait sortir le grand jeu, rendre Zipette encore plus réel grâce à la magie de Noël. Puisque la petite serait là toute une semaine pendant la période des Fêtes, j’aurais le temps de réaliser mon plan. J’ai donc acheté un livre merveilleux, celui des plus beaux contes de Noël. Il était très grand, doré sur tranche, la couverture bleu nuit parsemée d’étoiles d’or. J’ai cousu un tout petit lutin à l’image de Zipette et j’ai emballé le tout dans un joli papier de Noël, non sans saupoudrer une pluie de brillants à l’intérieur. Un large ruban de satin rouge complétait le cadeau.
Une petite lettre y était attachée et elle disait ceci :
« Chère Kami,
Je sais que c’est difficile à l’école en ce moment, Minou m’en a parlé. C’est tentant parfois de se cacher, mais ce n’est pas une bonne idée. Tu as des grandes choses à faire dans ta vie et il faut se pratiquer à avoir du courage. Pour t’aider et avec l’aide du père Noël, j’ai glissé mon double dans ton cadeau. Je suis un peu aplati alors secoue-moi un peu! Mets-le dans ta poche et quand tu as besoin de courage, touche ma tuque. Tu verras, c’est magique. »
Et c’était signé Zipette, ton lutin.
Comme je ne pouvais pas exécuter mon plan seule, j’avais dû recruter le grand-papa de Kami. Il fallait que le cadeau arrive comme par magie. Pendant que je parlais avec Kami, il est sorti de la maison en catimini pour placer le colis bien en évidence sur le pas de la porte avant. Quelques poignées de neige éparpillées sur le papier, puis il a sonné à la porte. Pendant que je m’exclamais en me demandant qui pouvait bien sonner à la porte à cette heure tardive, il est entré par la porte arrière pour escalader à toute vitesse les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée. Je le savais à bout de souffle alors qu’il s’efforçait de marcher tranquillement pour aller ouvrir la porte. Il s’exclamait, s’étonnait de découvrir un cadeau enneigé adressé à Kami. Toute droite dans son lit, elle attendait, les yeux ronds. Avec beaucoup de soin, grand-papa a déposé le cadeau tout près d’elle, sur la couverture. Quelques flocons ont glissé sur ses doigts.
Kami a touché timidement le ruban rouge avant de me regarder. Je lui ai demandé de qui venait ce beau cadeau. Elle a pris la petite carte attachée au ruban et lu tout bas le message. « C’est Zipette… » Les yeux pleins d’étoiles, elle a serré la carte sur son coeur avant d’ouvrir le cadeau. Elle a saisi doucement le petit lutin. Elle a ouvert le livre et tourné les pages, émerveillée. Ce soir-là, elle s’est endormie en serrant son petit chat de peluche dans un bras et Zipette dans l’autre.
Après les Fêtes, le retour à l’école s’était très bien passé. J’avais cousu une petite poche avec une fermeture éclair sur le côté de son uniforme. Zipette pouvait y séjourner incognito. Elle l’a gardé aussi longtemps que nécessaire, le temps qu’il a fallu pour que la magie opère. Ensuite, il est allé rejoindre Minou et toute la ménagerie qui habitait la chambre de Kami. Je l’écoutais parfois quand elle leur faisait la classe, elle leur parlait de l’importance du courage.
Les souvenirs de Zipette
Kami aura bientôt dix-neuf ans. Elle garde un très joli souvenir de Zipette. Quand je lui en ai parlé l’autre jour, elle a eu un sourire très doux et m’a dit : « Tu sais grand-maman, je savais bien que mes toutous ne pouvaient pas parler. Je croyais seulement que si je le demandais très fort, peut-être que la magie marcherait ». Son regard clair est toujours le même.
Comme lorsqu’elle avait six ans, elle regarde vers les étoiles, toujours. Mais, maintenant, c’est parce qu’elle rêve de partir explorer l’espace. Dorénavant, c’est moi qui ai peur. Je l’imagine là-haut, toute seule parmi les étoiles. Je ne serai plus là pour la protéger. Alors, pendant qu’elle travaille très fort pour accomplir son rêve d’astronaute, je recommence à organiser le futur… je veux lui coudre un tout petit Zipette en habit d’astronaute.
Vous aimerez aussi :