Tranche de vie: L’homme, cet étrange voyageur du temps - Les Radieuses

Tranche de vie: L’homme, cet étrange voyageur du temps

Dans le grand théâtre du monde, où chaque être joue son rôle sous le regard scrutateur des autres, l’homme, cet étrange voyageur du temps, semble souvent marcher sur un fil. Aujourd’hui, j’ai choisi d’être le conteur sensible aux voix des oubliés et des silencieux. J’ai choisi de vous parler des hommes avec une tendresse particulière, en explorant non pas leur force apparente, mais plutôt leur fragilité cachée.

La place des hommes dans la société, c’est un peu celle des grands arbres dans la forêt boréale : ils dominent le paysage, certes, mais sont aussi les premiers frappés par les tempêtes. On attend d’eux qu’ils soient robustes, qu’ils résistent aux vents les plus violents sans fléchir. Mais qui parle de la fatigue du chêne, de ses branches qui parfois cassent en silence sous le poids de la neige? La santé mentale des hommes est cette branche cassée, souvent ignorée jusqu’à ce qu’elle tombe.

Dans les récits que j’ai pu recueillir auprès de ces hommes, venus de tous les horizons, il y a des histoires de luttes silencieuses contre des monstres invisibles. Des monstres tapis dans l’ombre de la virilité, de ces attentes sociétales qui veulent que l’homme ne pleure pas, ne flanche pas, ne demande pas d’aide. On nous a appris à être des piliers, et un pilier ne montre pas qu’il se fissure.

Pourtant, dans le secret de leurs confidences, ces hommes parlent de leurs besoins d’être entendus, compris, soutenus. Ils évoquent leurs peurs, leurs doutes, la pression écrasante de devoir toujours être à la hauteur. Et dans leurs voix, on perçoit cette quête d’un espace où déposer les armes sans être jugés, sans être moins un homme.

Une partie de la solution; baisser les attentes sociétales

Dans ce contexte, les relations hommes-femmes sont souvent un miroir grossissant des rôles que chacun pense devoir jouer. Mais ce miroir peut aussi devenir un lieu de guérison. Les femmes, dans leur capacité à accueillir l’émotion, sont des partenaires de dialogue essentielles. Il est vital que les hommes apprennent à partager leurs vulnérabilités avec les femmes de leur vie, non pour y trouver une solution immédiate, mais pour y chercher un écho à leur propre humanité.

Les attentes sociétales pèsent lourdement sur les hommes, les enfermant dans des rôles rigides et des normes de comportement souvent oppressantes. De la petite enfance à l’âge adulte, les garçons sont imprégnés de ces attentes, qui influencent leur développement émotionnel, social et professionnel. J’ai entendu ces témoignages, j’ai écouté, j’ai pleuré et j’ai consolé.

Dans nos sociétés modernes, les attentes et les exigences qui pèsent sur les garçons et les hommes sont profondément enracinées. Nous sommes encore trop souvent encouragés à être forts, stoïques, à réussir dans des domaines spécifiques, à ne pas montrer de faiblesse émotionnelle, et à assumer des rôles de pourvoyeurs et de protecteurs. Ces attentes ont créé un fardeau écrasant, empêchant d’exprimer pleinement nos émotions, de rechercher de l’aide en cas de besoin, et de s’éloigner des stéréotypes traditionnels de la masculinité. C’est compliqué pour un homme de se montrer vulnérable, vous n’avez pas idée!

Derrière cette pression, il y a un sentiment de solitude, de stress, voire de désespoir, lorsque l’on se sent incapables de satisfaire ces normes rigides. Cette solitude conduit les hommes vers des situations où ils exercent des pressions sur eux-mêmes et sur les autres pour se conformer à ces attentes, ce qui entraîne des conflits internes et interpersonnels.

Par ailleurs, les relations hommes-femmes sont également influencées par ces attentes sociétales. Les hommes se retrouvent confrontés à des attentes contradictoires en matière de relations interpersonnelles, de carrière et de rôles familiaux. Les stéréotypes de genre peuvent limiter leur capacité à exprimer pleinement leur sensibilité, à établir des relations équilibrées et à partager équitablement les responsabilités domestiques et parentales. Osons la remise en question de nos visions, je crois que nous en sommes rendus à cette étape.

Vivre ensemble

Vivre ensemble, c’est apprendre à redéfinir la force. Une force qui ne serait plus celle de la domination ou de l’impassibilité, mais celle du partage et de la résilience commune. C’est dans la capacité à être vulnérable ensemble que réside la véritable robustesse d’une société.

Dans ce récit des hommes, ils m’ont partagé des histoires de vie sans les masques, de la bravoure ou du sacrifice. Ils m’ont parlé de leur enfance, de leurs rêves brisés et renouvelés, de leurs solitudes et de leurs retrouvailles. Comprendre, c’est déjà guérir un peu. Comprendre que derrière chaque visage d’homme, il y a des montagnes de non-dits, des océans de larmes retenues, des forêts de tendresse parfois jamais explorées. En recueillant ces confidences, j’ai constaté que chaque homme est un univers, avec ses tempêtes internes, ses saisons changeantes, ses aurores boréales d’espoirs.

L’éloquence des grands discours ne résonne pas aussi clairement que la quiétude d’un esprit qui écoute, là où les récits les plus sincères prennent vie. Les grands discours s’envolent, les mots sincères restent dans le sanctuaire de l’écoute, là où les cœurs parlent et les âmes témoignent. D’ailleurs, ce ne sont pas les mots abondants qui nous définissent le mieux, mais le calme d’une oreille attentive, réceptacle des confidences les plus intimes. Un homme, ça jase aussi, à condition de l’écouter.

La société, si elle veut vraiment prendre soin de la santé mentale de ses hommes, doit apprendre à écouter ces histoires. Elle doit construire des ponts là où il y avait des murs, allumer des feux de camp là où régnait le froid du silence. Elle doit, surtout, envoyer un message clair : il est permis d’être un homme et d’être vulnérable. Il est permis de ne pas savoir, de se reposer, de demander son chemin.

Faire un pas vers l’autre

Dans ma vision du monde, chaque pas vers une telle compréhension serait une célébration de ce que signifie réellement « être humain » : non pas comme une île solitaire, mais comme une partie intégrante d’un vaste archipel de vies interconnectées. Et dans ce tissage de liens, dans ce partage des vulnérabilités, les hommes trouveraient un nouveau type de liberté : la liberté d’être pleinement eux-mêmes, avec tout ce que cela comporte de forces et de fragilités.

En parlant de la santé mentale des hommes, nous devons tracer une carte du tendre, un chemin de douceur et de compréhension mutuelle, invitant chacun à y marcher avec respect et curiosité. Car c’est ensemble, hommes et femmes, jeunes et vieux que nous pouvons apprendre à mieux vivre, à mieux nous comprendre, et finalement, à mieux nous aimer.

Hommes de nos terres, brisez le silence de vos forteresses intérieures; la société vous tend la main, en un pacte de tendresse, pour soigner les murmures de vos âmes tourmentées.

Martin Gaudreault, artiste-photographe et scribouillard

Tant qu’à y être

Un certain art de vivre — Dany Laferrière — Éditions Boréal — 144 pages. Un certain art de vivre, un « livre de sagesse » pour grands gamins, regroupant sous une même couverture des maximes, réflexions, rêveries et autres haïkus, écrits l’été dernier dans un hôtel de Bornéo. Une fois mis bout à bout, ces textes brefs dessinent, dit l’académicien, « un autoportrait naïf comme ces dessins d’enfant qui m’émeuvent tant.

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