Vous vous imaginez peut-être un homme âgé entre 80 et 90 ans. Tignasse blanche en désordre sous un chapeau de feutre. Imper noir et parapluie au manche courbé, lui servant également de canne. À l’équilibre fragile, au pas incertain. Un peu bourru et le ton sec pour cacher sa vulnérabilité.
Eh bien non! Wilbrod est un petit roux, rescapé d’une famille dysfonctionnelle. Il doit son nom à un monsieur, Wilbrod N., pour ne pas le nommer. Un personnage, né dans le même petit village que mon amoureux, tout près de la frontière américaine.

Vous l’aurez peut-être deviné, Wilbrod, c’est mon chat, un petit caramel. Un beau garçon de 2 ans, avec les yeux couleur de l’ambre. La plupart du temps, et je sais que je ne suis pas la seule à le faire, je donne des prénoms de personnes à mes animaux. Il y a eu Marguerite, Félix, Mitsou, Jos, Charlotte, Karo, Albert et maintenant Charlie et Wilbrod. J’ai aussi eu un Chum et deux Mimine. Ils ont tous eu une belle vie et des soins vétérinaires souvent au-delà de mes moyens, soyez sans inquiétude!
Mon amour des animaux
Comme plusieurs, j’aime les animaux, car ils m’apportent un très grand réconfort. Souvent confidents, parfois ma seule lumière, ils ont toujours fait partie de ma vie depuis mon plus jeune âge. Je n’ai vécu que de très courtes périodes sans animaux. J’ai vraiment besoin d’eux, c’est une question d’équilibre. Quel bonheur que de me faire accueillir, quand je rentre à la maison, par mon chien Charlie, un cocker tellement content qu’il fait presque des sauts périlleux arrière pour me signifier combien il est heureux de me revoir, et cela même si je suis sortie pour cinq minutes seulement! Quel bien-être que de ressentir sa chaleur lorsqu’il grimpe pour se coucher au pied de mon lit, dès que « l’autre mec » le quitte pour commencer sa journée bien avant moi. Je ne suis pas seule, il est là, à veiller sur moi.
Depuis peu, le petit Wilbrod a aménagé chez nous. Un peu timide au début, il est vite devenu le partenaire de mauvais coups de Charlie, surtout la nuit! Ce petit tannant, qui croque maintenant dans la vie, a connu deux années de misère avant d’être sauvé par une dame merveilleuse qui tient un refuge à bout de bras. J’ai eu un gros coup de cœur pour ce rouquin pétillant de vie et le prénom Wilbrod s’est imposé de lui-même.
Mais pourquoi vous raconter tout ça? Parce que c’est une belle et charmante histoire qui fait du bien au cœur. Et aussi parce qu’une copine m’a demandé : « Mais pourquoi l’appeler Wilbrod? ».
L’histoire du nom de mon chat roux
J’ai habité douze ans dans une maison, entourée de fermes, sur un rang de campagne et j’adore les chats. Et, comme plusieurs, j’ai énormément de difficulté à me gérer lorsque je vois un chat en détresse. Il y a énormément de chats errants en campagne, des chats non stérilisés, qui se reproduisent à la vitesse grand V. Ils habitent un peu partout. Quelques fois dans une étable, un entrepôt où je ne sais quel autre endroit où ils peuvent se réfugier. Plusieurs d’entre eux s’approchent des maisons et se cachent sous une galerie ou se blottissent dans la haie de cèdres. On y retrouve des mamans avec leurs petits bébés ou bien des chatons sans maman, vous voyez ce que je veux dire.
Presque chaque hiver, mais spécialement l’hiver d’il y a deux ans, des chats venaient à ma porte pour demander de l’aide. Souvent affamés et blessés, transis de froid avec des plaies, les yeux infectés, de la toux. Certains chats étaient si mal en point que je n’osais pas les toucher, les pauvres, de peur de transmettre une maladie à mon chat qui vit bien confortablement dans le confort d’un foyer aimant. Un vrai cauchemar pour une amoureuse des chats. Vous dire, il n’y a rien que je n’ai essayé pour les sauver. Les refuges, déjà pleins à craquer, les refusaient. Je les installais dans le garage avec de la nourriture et des couvertures, mais, sauvages, souvent, ils s’enfuyaient à la moindre occasion, par peur, j’imagine. S’ils n’étaient pas trop en mauvais état, je publiais leurs photos pour tenter de leur trouver une famille, mais toujours sans résultat. Je savais que ces chats finiraient par mourir durant l’hiver. J’en étais malade.
Wilbrod
À l’hiver 2022, mon cher époux, j’ai un mari génial, entreprit de construire un abri. Une cabane où les chats auraient la liberté d’aller et venir à leur guise. Nourriture à volonté, eau, couvertures et ampoule pour réchauffer la petite cabane. Bientôt, deux chats et un chaton élisent domicile dans notre cabane. Ils venaient y passer toutes les nuits, blottis ensemble. Nous avions nommé les deux adultes, Oscar et Félix et le petit chaton, Wilbrod. C’est mon époux qui a choisi le nom en pensant à un monsieur de son village natal.

J’étais très inquiète pour le petit Wilbrod et, chaque matin, je courrais à la fenêtre pour m’assurer que Wilbrod était dans la cabane et qu’il avait passé la nuit au chaud. Et heureusement, il y était chaque matin.
Pendant plusieurs mois, Wilbrod et ses deux compagnons ont logé dans la cabane sur notre galerie. Je n’avais trouvé encore personne pour les adopter et les refuges ne voulaient pas les prendre, faute de place. J’ai alors téléphoné à la clinique vétérinaire où j’allais depuis plusieurs années avec mes animaux, car je savais que, de temps à autre, les chats errants pouvaient être pris en charge par cette clinique. Stérilisés, micropucés, vermifugés et vaccinés, les chats étaient mis en adoption après avoir reçu tous ces soins essentiels. La vétérinaire de la clinique a accepté de prendre Wilbrod seulement et je devais payer un bon montant pour les soins. Et j’ai payé, parce que Wilbrod était spécial pour moi.
C’était un petit chaton qui luttait pour sa vie et qui était né à cause de l’irresponsabilité d’un humain, quelque part, qui n’avait pas cru bon de faire stériliser sa chatte. Les chats ne poussent pas dans les arbres, il y a toujours un humain derrière une telle négligence. Oui, j’ai une critique sévère, c’est vrai et je l’assume complètement. Adopter un animal, que ce soit sur une ferme, dans un entrepôt pour éloigner les souris ou pour n’importe quelle autre raison, c’est une responsabilité et la stérilisation en est la base.
Pour ce qui est des deux comparses de Wilbrod, Oscar et Félix, la technicienne de la clinique vétérinaire m’a conseillé de téléphoner au CHUV, le Centre hospitalier universitaire vétérinaire de Saint-Hyacinthe. Les chats sans famille peuvent y être admis pour recevoir des soins de base par des étudiants et étudiantes en apprentissage. Vous imaginez bien que je me suis assurée du bien-être de mes protégés. Pas question de servir de cobaye. Ils seront traités comme des rois, m’a-t-on promis. Vaccins, soins de base, rien de bien méchant. Tous les soins seront donnés avec le plus grand respect pour l’animal et ils recevront aussi beaucoup d’amour des étudiants et étudiantes. Ensuite ils seront mis à l’adoption. Bon, c’est toujours bien mieux que notre cabane.
Des nouvelles d’eux
J’ai eu des nouvelles de Wilbrod. Le personnel de la clinique est tombé en amour avec ce petit garçon! Sauf que Wilbrod n’est pas un p’tit gars, c’est une petite chatte. Les filles de la clinique l’ont rebaptisé Cendrillon, car m’ont-elles dit, c’est une princesse qui, après avoir connu la misère, s’est retrouvée à sa place, entourée de mains qui la câlinent. Elle a finalement été adoptée par une gentille dame, mais ce fut difficile pour Cendrillon. Aux dernières nouvelles, elle s’adaptait tranquillement, mais restait très craintive face aux humains. Je pense avoir fait tout ce que j’ai pu pour elle. Le reste ne m’appartient pas, je dois lâcher prise. Je les garderais tous, les chats en détresse, mais je sais bien que c’est impossible. Alors j’essaie de faire une bonne action, quand je peux, ça met un peu de baume sur mon cœur.
Concernant Oscar et Félix, j’ai aussi pris des nouvelles. Eux aussi s’adaptaient difficilement aux humains. Ai-je bien fait d’être intervenue, d’avoir essayé de déjouer le sort? Peut-être que ces trois chats auraient été plus heureux de vivre en errance? Ils sont nés comme ça et ne connaissaient rien d’autre. Je ne sais pas et je ne le saurai jamais. Mais je n’oublierai jamais Wilbrod (Cendrillon), Oscar et Félix et c’est en leur honneur que mon p’tit rouquin a hérité du nom de Wilbrod.
