J’ai souvenir d’une période assez « rock ’n’ roll » où je m’investissais à prendre soin de moi parce qu’il le fallait. J’étais stressée, angoissée, fatiguée! Je reçois en cadeau un massage. J’en étais vraiment heureuse, un beau moment pour moi. Pendant le massage, mes pensées divaguaient et le stress continuait de m’envahir. Finalement, l’investissement avait fondu comme neige au soleil.
On nous présente le « prendre soin de soi » comme d’une routine bien orchestrée pour se donner bonne conscience que tout ira bien en pensant à se divertir. Nous sommes bombardés d’informations de tout ce qui est « hot », « tendance », « à la mode » qu’on peut créer une liste d’épicerie bien alléchante : un massage une fois par saison, une couleur fraîche chez le coiffeur, un moment chez l’esthéticienne entre deux journées de stress. On y ajoute parfois un bain d’eau glacée pour se « pimper », quelques respirations profondes, une séance de yoga, deux phrases de gratitude griffonnées dans un carnet et la répétition en boucle d’affirmations positives. Et on coche la case : « self-care ». C’est fait!

Beaucoup de « il faut », « je devrais » et j’avoue que je trouve tout cela un peu essoufflant. Se distraire, ce n’est pas s’occuper de soi. Écouter une série Netflix, ce n’est pas s’occuper de soi.
Et si c’était autre chose? Et si on pensait à l’envers?
Mes 35 années de développement personnel
J’ai vu passer à peu près tous les courants de pensée durant toutes ces années. Séminaires, conférences, livres, visites des vies antérieures, spiritualité sous tous ses angles, méditations, visualisations, bref, tout y a passé.
« Là Johanne il faut que tu lâches prise! » Je comprends, mais si je tiens, c’est peut-être parce que je n’avais pas le luxe de lâcher.
« Là Johanne l’estime de soi, c’est important, il faut que tu t’aimes! » Et si, aujourd’hui, je n’y arrive pas? Et si je n’aime pas toutes ces parties de moi? Est-ce que ça fait de moi un échec personnel? Vraiment pas!
L’estime de soi, c’est bien plus que de se regarder dans un miroir et se dire qu’on est belle et qu’on s’aime. Le « s’aimer plus » se situe dans un nouveau comportement, une nouvelle attitude, dans l’action, dans l’accomplissement de défis, dans le pas de plus vers un nouvel apprentissage ou encore la réussite de ce qu’on croyait peu probable ou un rêve enfouit. L’estime de soi demande un investissement de soi dans une sortie de zone de limite. Seulement là le sentiment d’estime personnelle prendra racine.

« Trouve ton pourquoi », « sois la meilleure version de toi », « reste positive », « écarte les émotions négatives ». Il y a aussi l’obligation de « trouve ton X » quand dans les faits cette démarche peut prendre de nombreuses années parce qu’il nous faut vivre des expériences pour se réinventer… La vie ne se résout pas à coups de manettes de jeux vidéo.
Ralentir pour mieux se retrouver
Le discours du développement personnel impose cette obligation au bonheur et à l’allégresse constante. Les réseaux sociaux en sont la preuve exposant que le beau et l’esthétisme. Prendre soin de soi, ce n’est pas d’ajouter, mais plutôt de soustraire. C’est retirer les écouteurs, éteindre les écrans, couper les notifications sur notre téléphone. C’est de créer le vide et ne plus fuir, ne plus s’enfuir. C’est d’écouter le vide qui nous parle, nous donne des indications probablement inconfortables, probablement nauséabondes, mais combien instructives puisque c’est le vrai contact à soi.
Le vrai chemin, il se trouve là. Dans le silence. Dans l’inconfort. Dans l’honnêteté.
À s’ambitionner d’être en croissance constante, on finit par ne plus avoir le droit de simplement être. Fatiguée, perdue, en colère et vidée. On nous invite parfois à la lumière, au beau, à la magie, mais on oublie que c’est souvent dans l’ombre que se fait le vrai travail.
Prendre soin de soi, c’est arrêter. S’arrêter pour mieux saisir ce qui obstrue!
Un regard bienveillant
Prendre soin de soi, ce n’est pas de multiplier les couches de vernis sur une vie qui craque de l’intérieur. Ce n’est pas faire semblant d’aller bien sous prétexte de méditer dix minutes le matin. Ce n’est pas faire taire le chaos intérieur en écoutant un podcast de développement personnel pendant qu’on s’effondre et que notre vie s’effiloche.
Prendre soin de soi, c’est regarder en face ce qu’on évite depuis des mois, des années parfois. C’est reconnaître la fatigue qu’on nie, le mal-être qu’on maquille, les émotions qu’on a plutôt appris à taire pour réussir à tenir debout.

C’est prendre rendez-vous avec ses contradictions, ses doutes, ses blessures. Pas pour les résoudre tout de suite, mais juste pour les écouter et pour ensuite les comprendre. C’est leur faire de la place et leur chuchoter à l’oreille : « Je te vois, je te sens, je t’entends. » C’est là que prend racine le « prendre soin », c’est dans ce regard-là.
Les morceaux du casse-tête
C’est aussi faire des liens entre les portions de sa vie. Pourquoi ce schéma revient encore et comment le démanteler? Pourquoi cette colère revient encore ici, comment je peux affirmer ma limite avant d’en avoir trop enduré? Pourquoi je me sens toujours seule, même quand je suis entourée? Je ne parle pas ici d’être dans l’introspection continuelle, je parle tout simplement de faire de la place à ce qui émerge, les prises de conscience de son état intérieur. Et, c’est ça, prendre soin de soi.
C’est aussi revisiter ses valeurs. Faire le tri de celles qu’on nous a inculquées pour ne choisir que celles qui font sens pour soi, celles qui nous rapprochent le plus de ce qui nous sommes ou ce que nous souhaitons devenir.

Prendre soin de soi, c’est écrire dans un joli carnet. Écrire pour se poser, se déposer, pour comprendre ou juste respirer autrement. Pas pour publier. Pas pour être lu. Juste une rencontre avec soi en toute simplicité. C’est certain qu’à certains moments ce sera moche, flou ou inconfortable. Et c’est exactement pour ça que l’écriture, c’est si précieux!
Il m’a fallu cesser de penser que de prendre soin de moi c’était un projet où devenir la meilleure version de moi-même était impératif. Il m’a fallu cesser de vouloir devenir pour simplement être, me rencontrer où je suis, et ce, sans performance, sans pression, sans stress, sans promesse de l’ultime changement.
Peut-être que c’est là, dans cette permission d’être, que le vrai prendre soin commence.
Je vous souhaite continuer de vous divertir, mais aussi de vous engager à vraiment développer de la considération pour vous-même avec toute la bienveillance du monde.






