Roman familial de Maxime Olivier Moutier
Trois tranches de vécu découpées par Maxime Olivier Moutier. Il arrive que l’on choisisse un livre pour son résumé, son style ou son titre, d’autres fois, son auteur. Eh bien voilà, je le clame, j’ai choisi Roman familial pour l’auteur. Moutier est gage pour moi d’originalité, d’audace, de déconvenues. Il a la dégaine flamboyante, cet auteur. Et il provoque. C’est d’ailleurs son dada. Vous lirez trois moments pigés de son enfance entre 1970 et 1980. Déjà, vous n’aurez pas de difficulté à vous sentir au cœur de cette décennie. Un voyage dans le temps bien réussi, pas besoin d’apporter vos bagages, l’auteur fournit les vêtements, les anecdotes, le décor, l’ambiance. Un tout-inclus!
Cette collection III chez Québec Amérique est dirigée par Danielle Laurin, l’ex-critique littéraire. Elle demande aux auteurs qui se prêtent à l’exercice de jongler avec le vrai et le fictif. Déjà, cette requête me fait bien rire, car elle ne saura jamais qu’est-ce qui est vraiment vrai, de ce qu’il ne l’est pas du tout. Seul l’auteur le sait… et encore! Certains conteurs, à force de répéter une histoire, finissent par la transformer et ne plus se rappeler de la première et vraie version. L’oubli, je ne pense pas que ce soit le cas de l’auteur et psychanalyste Moutier qui, déformation professionnelle oblige, chérit ses souvenirs d’enfance comme des clés de trésors.
Personnellement, sur les trois histoires, j’ai adoré celle avec la mère et la fille qui vivaient au sous-sol. J’aurais beaucoup donné pour qu’on me la certifie du sceau de la véracité. Les deux autres, vraies ou fausses, j’étais moins regardante, surtout celle avec la gardienne portée sur le sexe. C’est fou combien l’exagération, ça sonne faux, même si ça peut être vrai. Ça vous tente de jouer au jeu de la vérité, vrai ou faux? Allez, gâtez-vous!
Un lien familial de Nadine Bismuth
Sachez-le, Nadine Bismuth est une auteure expérimentée qui tient ses personnages et histoires à brides abattues. Elle sait où elle s’en va et nous y amène d’un style alerte. Ce roman parle de vies de couple sur plusieurs notes, touchant à toute la gamme des émotions. C’est de l’amour conjugué à un temps plus que présent avec de la séparation, de l’adultère, de la fidélité, du sentimentalisme masculin, du carriérisme féminin, des horaires débordés, de l’enfant unique. Ce roman, où le détail tient le haut du pavé, vous parlera à satiété de relations de couple à notre ère moderne.
Vous nourrissez une indulgence naturelle pour les aléas d’une femme trompée qui tarde à le réaliser assez pour transformer sa vie? Vous avez votre roman! Et si, en plus, vous aimez la rénovation de cuisines, alors là, vous exulterez. Il y a même un succédané d’enquête policière en coulisses. De la trame tragique pour étoffer le tout, des fois que l’on trouverait la vie trop jojo. Le roman est assurément touffu, la matière ne manque pas.
J’ai apprécié l’audace de l’auteure pour déjouer le convenu, j’ai aimé certains personnages et certains couples, apprécié la rénovation des cuisines (chacun ses goûts!), mais j’ai souvent eu l’impression de suivre un téléroman ou une longue chronique sur la séparation des couples. Le style est intelligent, les remarques pertinentes, mais avis aux rêveurs, ne vous attendez pas à une œuvre magnifiée par l’imagination et la divagation.
Terminal grand nord d’Isabelle Lafortune
Ce premier roman, un polar dans la ville peu connue de Schefferville, est chargé de plusieurs intrigues et de plusieurs personnages. Comme il se doit, un enquêteur bûche avec ce qu’il y a d’indices pour découvrir le meurtrier de jeunes sœurs innues, trouvées dans un sentier de motoneige. On comprend que certains meurtres de femmes innues ont été ignorés dans le passé ce qui fait que, cette fois, Émile Morin est mandaté par le gouvernement pour aller au fond de l’affaire. L’enquêteur a pensé voyager avec son ami écrivain, qui a jadis habité les lieux, afin de l’aider à y voir plus clair. Se présentent donc deux histoires; l’enquête, et les souvenirs de l’ami qui renoue avec son passé, douze années auparavant.
La majorité des conversations se déroule dans le bar de l’hôtel où les deux amis ont leur chambre. L’ami écrivain est le narrateur de l’histoire, au je, même si habituellement, dans un polar, c’est l’enquêteur qui tient les ficelles de l’histoire. Cette particularité m’a dérangé, m’empêchant de m’attacher à l’enquêteur et, par conséquent, à l’enquête. Malgré tout, j’ai fourni l’effort pour poursuivre ma lecture, j’avais à cœur de laisser la chance à l’auteure, d’autant plus que les personnages sont intéressants, diversifiés et colorés. Passent sous nos yeux, des femmes et hommes politiques, des policiers, des Innues, des hommes de pouvoir, sans compter des femmes au caractère fort, dont Marie qui a jadis eu une histoire d’amour avec l’écrivain.
L’enquête se mène laborieusement, avec cette impression que tout le monde s’en mêle, ce qui fait que l’enquêteur en vient à jouer un rôle de second plan, malgré toute sa bonne volonté de lève-tôt. Le tête-à-tête avec lui m’a manqué et, à mon avis, l’histoire s’en trouve diluée. Pour tout dire, j’aurais aimé que les deux personnages soient fondus en un seul! Un fantasme que j’assume.