Francine Ruel : une femme de cœur et de mots - Les Radieuses

Francine Ruel : une femme de cœur et de mots

Lorsqu’on entend le nom de Francine Ruel, une image nous vient tout de suite à l’esprit : ses magnifiques yeux aussi bleus qu’un beau ciel d’été. Un regard profond à l’image de cette femme aux mille et un talents.

Nous avons récemment pu l’entendre nous parler de son fils, devenu itinérant et du livre Anna et l’Enfant-Vieillard, qu’elle a écrit pour lui et qui s’est vendu à plus de 53 000 exemplaires en… Trois mois. Tout un exploit au Québec!

Bien sûr, cette histoire plus que touchante nous a bouleversés et nous a fait connaître Francine Ruel, la mère.

Une touche-à-tout

Francine Ruel a fait ses études au Conservatoire d’art dramatique de Québec de 1966 à 1969. Elle obtient le prix Jean-Valcourt qui lui permet de voyager en France, en Suisse et en Italie. C’est lors de ces voyages qu’elle commence à écrire. Elle s’installe ensuite à Montréal, où elle enseignera l’improvisation au Cégep de Saint-Hyacinthe et par la suite la scénarisation à l’Institut de l’image et du son.

En plus de sa carrière de comédienne, elle écrit différents genres littéraires, dont le théâtre — elle a d’ailleurs collaboré à l’écriture de la populaire pièce de théâtre Broue, le saviez-vous?

Nous avons pu la voir dans plusieurs séries populaires à la télévision ainsi qu’au théâtre et au cinéma. Depuis maintenant plusieurs années, elle est l’une de nos plus populaires auteures du Québec. Francine a maintenant dix romans à son actif, en plus de l’écriture de nouvelles, de chroniques et de récits. Impressionnant!

Les retrouvailles avec son fils

À la suite de la parution de son livre et de ses nombreuses entrevues, elle a revu son fils. Elle était habituellement toujours en contact avec lui, mais à ce moment-là, elle n’avait pas eu de ses nouvelles depuis six mois. Donc, évidemment, elle était inquiète, n’ayant aucun moyen de le joindre.

Finalement, à la suite de tout ce battage médiatique, il a su que sa mère avait écrit un livre et qu’elle voulait le voir. Il est donc entré en contact avec elle et ils se sont vus. « On ne sait jamais comment ça va aller, ça dépend de son état. La première fois, tout s’est bien déroulé. »

Elle lui a posé la question : « Pourquoi m’avoir laissé sans nouvelles aussi longtemps ? ».Possiblement, dit-elle, parce qu’ils font certaines promesses qu’ils ne tiennent pas. Il lui a dit : « parce que les nouvelles n’étaient pas bonnes ». Il éprouvait sans doute une certaine gêne, une peur de lui faire de la peine. Mais comme le précise Francine Ruel, c’est de ne pas avoir de ses nouvelles, qui lui en a causé le plus.

Au moment de notre entretien, son fils allait passer quelques jours chez elle. Il le fait une fois par année. « On ne sait jamais comment ça va se dérouler, dit-elle. Parfois, c’est l’horreur, parfois il est trop en colère, et ça se passe très mal. La fois suivante c’est super. »

« On essaie de parler de tout et aussi du fait qu’il est encore dans la rue et qu’il veut sortir de là, mais il faut qu’il le veuille et qu’il soit prêt à faire les efforts. »

Elle me raconte que Jean-Marie Lapointe lui a dit un jour : « se retrouver dans la rue ça se fait en un claquement de doigts, mais sortir de la rue c’est vraiment une autre histoire, et c’est vraiment difficile. Il y a beaucoup d’enjeux à affronter, et il faut se reconnecter sur la société, reprendre des repères que tu as perdus. »

« Lorsque je le vois, je le prends où il est et c’est ça qui m’aide. Je ne prends que ce qu’il peut me donner et je ne suis plus déçue. Pour en arriver là, j’ai travaillé très fort sur moi. J’ai écrit ce livre pour lui, je voulais faire œuvre utile. Je l’ai fait pour qu’il voie à quel point c’est un être extraordinaire, talentueux. Il a d’énormes possibilités et il ne le sait pas assez. Il a commencé à lire le livre, mais il le fait très lentement. »

Une femme autonome et libre

Francine Ruel n’a pas d’attentes dans la vie. « Moi, je m’organise! J’ai vécu 32 ans toute seule, mais je me suis toujours arrangée pour ne pas me sentir seule. Quand mon fils était jeune et qu’il allait passer du temps chez son père, j’invitais mes amies. Pas question de pleurer dans mon coin. Lorsqu’on écrit, on est seule, donc je suis habituée et ça ne me rend pas malheureuse, je vais chercher mes joies où je peux les trouver. »

Vieillir un jour à la fois

Je profite de l’occasion pour la complimenter, lui dire que malgré la peine qu’elle vit, je l’ai trouvé rayonnante, les yeux brillants lors de ses récentes apparitions à la télé. C’est avec un sourire dans la voix qu’elle me dit : « Ah le regard ça ne vieillit pas, c’est le reste. J’ai 71 ans, alors vieillir c’est un jour à la fois. Ça ne me fait pas peur, mais bien sûr que je préférais avoir quarante, cinquante ans, mais il faut l’accepter. Il s’agit maintenant d’employer le temps qu’il reste au mieux. Dans le calme, en faisant des choses que j’aime, être avec des gens formidables. Il y a trop de gens qui abdiquent, qui restent braqués devant la télé à ne rien faire et attendent la mort et ça je trouve ça effrayant.

Il faut bouger, il faut être en vie, il faut découvrir; tous les arts sont à portée de mains et c’est ça qui nous fait grandir, qui nous fait réfléchir, qui nous fait avancer. Nos bobos, bien, il faut les soigner. Moi, je me force à marcher avec mon chien, je me force à aimer les quatre saisons. Le temps passe si vite.

Son unique regret

Récemment, je parlais avec une jeune fille qui doutait de tout, moi si j’ai un regret c’est celui d’avoir douté trop longtemps, c’est tellement du temps perdu!

On peut se remettre en question, mais douter tout le temps ce n’est tellement pas productif. Je vois des photos de moi; à l’époque je me trouvais énorme et aujourd’hui je me regarde et j’étais maigre.

Parfois, j’osais pas trop avancer et je réalise que j’avais tout pour le faire. Mais avec les années qu’il nous reste, on a plus de temps à perdre. On choisit nos batailles et on ne se bat pas contre tout. Je n’ai pas envie d’être quelqu’un de frustré. C’est pour ça que la création pour moi est formidable, c’est pour ça que je suis en création tout le temps. Quand je n’écris pas, je me prépare à jouer, quand je ne joue pas j’enseigne. Je peux même faire les trois en même temps! J’ai une vie bien remplie et je ne m’ennuie jamais. »

Plus de femmes mûres à l’écran

Je lui ai fait remarquer que nous ne voyons plus beaucoup de femmes de son âge à l’écran. « En effet, dit-elle. C’est effrayant, on est d’abord bébé, ensuite enfant, adolescent, jeune adulte, adulte plus vieux et après on devient âgé et très âgé, c’est ça une société. Mais on ne le voit pas à l’écran. Les gens un peu plus âgés sont nés avec la télé et on va mourir avec la télé. Cela ne nous empêche pas de regarder des choses sur notre tablette ou notre ordi ou notre téléphone. Il faut apprendre tout cela. » C’est du moins ce que Francine Ruel fait, elle se considère très techno. « Nous on écoute la télé, mais pour les producteurs, les commanditaires, le public cible est plus 20/30 ans. C’est à eux que l’on doit vendre des choses. Donc, il n’y a plus de modèles de personnes âgées à la télévision. On ne sait pas ce que c’est avoir 80, 90 ans; ce serait bien de les voir à la télévision.

Mais comme disait Simone Signoret « aux petits ou grands écrans, les hommes murissent et les femmes vieillissent ». Voilà, qui dit tout. « On ne veut pas voir de vieilles à l’écran, c’est comme si les hommes avaient quelque chose à dire, mais pas les femmes, et pourtant. »

« Indécrottable » optimiste

Malgré ce que Francine Ruel vit avec son fils, elle se qualifie « d’indécrottable » optimiste. « Moi, je pense tout le temps que ça peut marcher, qu’on peut y arriver. Je me lève le matin, j’ai mal au genou et je me dis, j’ai mal, mais je vais y arriver quand même. On m’a appris à lâcher prise sur ce qui ne m’appartient pas. C’est le tournant que j’ai fait l’année dernière, en réalisant que toutes les décisions, les gestes que j’ai faits pour mon fils n’étaient sans doute pas les bons puisque rien n’a changé; j’ai compris qu’il ne fallait plus que je fasse cela. Je suis disponible pour lui, mais je ne trouve plus de solutions, mais c’est très difficile à faire.

Dorénavant, mon fils va prendre ses propres décisions, donc ce seront les bonnes, lui ne sera pas déçu et moi non plus. »

Un peu de calme pour 2020

« 2019 aura été une grosse année à plusieurs points de vue; en 2020, je souhaite me déposer un peu. » Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne va rien faire. « J’ai un projet d’un conte pour tous. J’irai encore dans plusieurs salons du livre à travers le Québec et je donnerai des conférences pour parler de ce que je vis avec mon fils. Avec tous les témoignages que j’ai eus, je sais que je ne suis pas la seule à vivre une telle situation. C’est un sujet lourd à transporter parce que ce je vis est difficile, je rencontre des gens qui se confient, on échange, on essaie de se consoler comme on peut. »

Pour terminer notre entretien, j’ai souhaité à Francine Ruel une année de calme et de repos. Mais pour le repos, j’ai mes doutes; cette femme transporte une énergie remarquable. J’espère tout de même que 2020 sera une année qui lui apportera la paix du cœur. Celle qu’elle mérite pour tout le travail accompli pour elle et tous ceux qui vivent cette triste réalité.

3 Comments
  1. C une Femme superbe en dehors comme en dedans,elle dégage une énergie qui nous rechauffe le coeur et l’âme et,je l’admire beaucoup .Je lui souhaite le Bonheur du Coeur et que son fils trouve le chemin du retour avant son depart.Nous restons toujours inquiet pour nos enfants,je la comprend.

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