Je l’avoue : j’ai été bénie des dieux! - Les Radieuses

Je l’avoue : j’ai été bénie des dieux!

On me dit souvent que je suis belle et vous savez quoi? Quand je mets de côté la barrière de la gêne et de la retenue, j’ai envie d’y croire!

Dès l’enfance, dès l’apprentissage du langage, on te dit que tu es belle. Ici, la phrase n’a aucune résonance, car la comparaison ne fait pas partie tout de suite des critères à évaluer.

Mais, lentement, l’enfant remarquera la « cause à effet ». Lorsqu’on lui tend un cadeau, une récompense en lui soulignant « c’est parce que t’es tellement beau », s’insinue immédiatement une notion qui lui confirme qu’il a un don naturel avec lequel il pourra éventuellement faire du troc. Et l’envie de séduire en étant « que beau » fait partie de l’entraînement des choses à utiliser en cas de dissension. Bébé comprend alors bien vite combien de batailles peuvent être gagnées par un magnifique sourire fait à papa, maman, sans avoir rien à faire de plus que de plaire.

Adolescente, la beauté, ou ce que tu penses qu’il en est, est le seul critère qui mène à tout : la mode, le changement perpétuel, les flirts… Et ça marche. C’est l’apothéose. Tu seras choisie parce que t’es d’abord différente, unique, ce qui te rend terriblement belle. Tous les efforts pour y parvenir t’y font croire. Et les erreurs sont des coups de poignard qui t’obligent à une autocorrection pour être plus séduisante.

À vingt, trente, quarante ans, au moment où la carrière s’impose, la donne n’est plus tout à fait la même. S’il est vrai qu’on te choisira plus souvent parce que tu es plaisante à regarder, viennent alors cependant les critères absolus de bonification. On te veut surtout efficace, solide, accessible et ta beauté devient en quelque sorte le porte-étendard de la personne qui t’engage. Ta magie opère. D’une belle personne on dira que le patron a du pif — tu lui feras vivre ses fantasmes. Et s’il s’entoure d’une personne au physique plus ingrat, ça lui fera dire… oui, mais elle est tellement efficace!

Cependant, comme dans tout, autour de la cinquantaine tout passe, se lasse et casse. Une erreur de parcours, une ride de trop, une paupière plus lourde, une silhouette arrondie, on te le reprochera comme si tu n’étais plus que « devenue passable », et tes actions ont avantage à te rendre indispensable. Ce qu’on ne fera jamais comme remarques sur un homme du même âge. De toute façon, il n’admettra jamais que ces mêmes travers chez lui, au même âge, puissent servir de rejets et ne pas plaire! Les belles sont condamnées à l’éternelle jeunesse. Et c’est toujours « l’œil » de l’autre, uniquement celui-là, qui souvent te fait vieillir et t’oblige à convenir que tu as des rides et de l’embonpoint.

Commence alors la ronde des obligations de changements : les dépenses de botox pour certaines, les crèmes dispendieuses pour d’autres, les recherches de solutions… sans solutions. Et cette industrie, sachant la dépendance que tu y apportes, te le fera croire comme étant une application infaillible… pour s’en mettre plein les poches. Par ailleurs, autre démérite, celle qui passera par le botox et la chirurgie pourra aussi se voir taxer de femme superficielle.

Et survient alors la quête libératrice et tellement attendue du compliment bienfaisant. Mais même s’il vient joliment ce compliment, la critique aura fait son œuvre, tu n’y croiras plus. L’enfant a perdu son pouvoir, l’adolescence a foutu le camp, l’adulte est soudainement devenue moche.

Véronique Cloutier m’avait dit un jour qu’elle avait adoré ce que je lui avais répondu en interview quand s’inquiétant justement de cette phrase quelque peu lapidaire qu’on me réserve souvent à l’effet « qu’à mon âge » on me dit « encore » belle, j’avais répondu : mais j’ai tout simplement la beauté de mon âge! Car en effet chaque âge a sa beauté.

Belle, oui, mais…

En effet, il est très agréable de se faire dire qu’on est jolie, mais vous savez chères Radieuses ce que j’aurais préféré entendre? On m’a appris qu’il était tellement plus important de se faire dire que j’étais bonne dans ce que je faisais.

Mais ne soyons pas hypocrites : est-ce que la beauté sert à avancer dans la vie? Certainement.

C’est même un critère dominant. Et là aussi – mais le saviez-vous? – une étude faite chez les bébés montre que de privilégier la beauté c’est à la base innée. On nait avec cette reconnaissance d’une façon naturelle. L’enfant au berceau sait déjà voir la symétrie parfaite d’un visage plaisant, ce qui le fait sourire en la voyant. Par ailleurs, il peut se mettre à pleurer si l’expression défavorable qui se présente à lui lui déplait. Combien de parents ont eu à s’excuser de ce constat émis généreusement par un enfant qui ne s’impose pas de censure et se met à hurler quand ça ne fait pas son affaire!

Je n’y puis rien, c’est ma mère qui m’a faite!

Comme me le disait souvent un ami français : « la beauté, ça ne se mange pas en salade », il n’y a donc pas vraiment d’usage pragmatique à ce fait.

Jean-Pierre Coallier, que j’adore, disait, dans un grand éclat de rire : « La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a ». J’aurais préféré qu’il se garde cette phrase pour lui, car il ne la ressortait que quand je faisais une bêtise.

J’ai même accepté comme un compliment et avec humour, dans tout ce que ça comporte d’ambiguïté, cette phrase prononcée il y a bien longtemps par l’animateur Edward Remy : « Danielle, c’est la bonne à tout faire sur le plateau! » Imaginez!

Oui, j’acceptais toutes les tâches qu’on donnait souvent qu’aux « belles femmes », comme m’envoyer auprès du chanteur populaire qui apprécierait l’envoi de la « plus belle » des intervieweuses comme d’un compliment et d’un cadeau à sa présence, mais aussi pour le séduire, lui donnant alors le plaisir de flirter et de s’assurer d’une interview soudainement remplie de rond de jambes, de sourires et de déclarations nouvelles pour plaire d’abord à cette dernière. Serge Lama, que j’adore et qui me le rendait bien, était le champion de ce genre de comportement. Or, c’était la seule façon d’apprendre si je voulais garder ma place et si je voulais parfaire mon métier.

À travail inégal… salaire inégal!

J’ai coanimé, sur une période de 10 ans, l’émission Toute la ville en parle, avec différents animateurs (Edward Remy, André Robert, Pierre Couture).

Alors qu’ils ne venaient en studio qu’une fois semaine pour enregistrer les enchaînements, faire l’ouverture et la fermeture de l’émission, je devais couvrir les déplacements, les textes, l’enregistrement en studio, fournir mes costumes pour un tout petit peu plus que la moitié du salaire que ces derniers ne recevaient. Sans compter que c’est à moi que revenaient les sorties en dehors des heures de studios pour couvrir les artistes qui ne pouvaient se présenter à la station.

On m’a d’ailleurs montré la porte, car j’avais osé demander une augmentation de salaire après… dix ans! De plus, il était fréquent qu’on m’ajoutait de nouvelles interviews sans prérecherche à lire et sans aucun temps de préparation. Ce qui veut dire que sur place je devais demander à l’artiste la raison de sa présence et composer une entrevue plausible avec des renseignements glanés sur place. Gênant!

Un soir, les ayant prévenus à l’avance d’un engagement très rémunérateur et à heure fixe hors des studios, je décidai de quitter le plateau laissant le soin à Edward Rémy de faire le difficile et très désagréable travail supplémentaire qu’on me demandait de faire, à ma place. Les deux éléments — départ et demande d’augmentation — ont fait sauter le « presto » de leur patience. Entre vous et moi, je ne crois pas qu’on aurait fait ça à un homme. Je fus remplacée sur-le-champ.

Assez belle pour faire valoir le show, pas assez bonne pour faire un salaire égal…

Ce fut mon lot sur une longue liste d’émissions par la suite. Mais là n’est pas le propos de ce billet.

C’est là que j’ai appris que la beauté pouvait te faire gagner une place convoitée, et te la faire perdre aussi. Pourtant, j’ai accepté de faire le double d’efforts pour ce métier, car je savais que plus tard, avec l’expérience acquise, je pourrais refuser ce qui n’était plus acceptable. Les belles femmes, il en pleut dans ce milieu. Perdre sa place et être remplacée sur-le-champ tient à bien peu de choses.

C’est là où se démarquent les ambitieuses, les têtues, les femmes faites pour le métier.

… et ça aussi, on sait te le reprocher. Ambitieuse? Dans la bouche de certaines personnes — homme et femme d’ailleurs — avoir envie de succès et de réalisation revient à dire qu’on est égocentrique, acariâtre, profiteuse, arriviste.

Pour chaque minute à profiter de sa beauté, une femme ambitieuse le paie en sarcasmes, en fausses vérités, en défis à relever, en préjugés, en attaques personnelles, en gestes douteux et j’en passe.

En deux mots… et plus.

Bizarrement, on donne plus aux belles à cause d’un attribut qu’elles ne peuvent contrôler, faisant abstraction de ce qu’elles sont capables de faire ou de ce qu’elles aimeraient devenir : crédibles et bonnes.

Et puis, un jour, la beauté passe fort heureusement en deuxième. Mais que de travail pour y parvenir! La nature étant ce qu’elle est, dans tous les domaines, l’offre et la demande est là.

Puis, un jour, quand pour le plus merveilleux des plaisirs, les hormones font tout autant se pâmer un homme sur ta beauté, un peu comme dans la chanson de Ferland où l’on se liquéfie sur chaque parole de « T’es belle » comme s’il la chantait pour nous, et que, bien au-delà de cette considération, quand il valorise en deux trois phrases l’immense respect qu’il accorde aux réalisations que tu as accomplies (autres que sexuelles, on s’entend! LOL!) c’est là que tu te dis que même si le travail et la vigilance étaient le moteur de tous les sacrifices, le parcours en valait la peine.

Et t’aimes cet homme… d’amitié ou d’amour, peu importe. Mais enfin, t’aimes. Parce que oui, là t’es belle.

La différence? L’attitude. Pensez-y.

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