Maladie est un mot qui fait peur. Il vient avec cette aura obscure et cette peur bien répandue et tellement humaine qu’est celle de la mort. Il est si normal de voir ces réalités comme des entités épouvantables desquelles nous ne souhaitons jamais nous approcher, car, après tout, nous sommes en incessant contact avec elles. En plus, plus nous prenons de l’âge, plus nous les observons de près ces entités, chez nos proches, chez nos pairs, chez nous aussi, peut-être même.
En 2019, après plusieurs semaines de symptômes très invalidants et de tests éprouvants, j’ai reçu une nouvelle que jamais je n’aurais pensé recevoir, surtout pas à 29 ans : j’ai la sclérose en plaques. Si vous n’êtes pas familières avec cette maladie, eh bien il s’agit d’une maladie incurable dégénérative du système nerveux qui touche 1 Canadien sur 400. Les images qu’on voit de ceux qui en sont atteints ne sont pas toutes joyeuses. Fauteuils roulants, cannes, corps affaiblis et fatigue extrême ne sont que quelques-uns de la mer de symptômes et conditions possibles quand on vit avec cette maladie auto-immune. Épeurant : oui. Angoissant : certainement. La fin du monde : pas nécessairement.
Cette nouvelle réalité m’a fait l’effet d’une grande douche glacée. Tout d’un coup, toute ma vulnérabilité de fragile être humain, que je souhaitais ignorer, m’était servie bien en face, sur un plateau terni. Tout d’un coup, la mort ne me semblait plus à dix mille lieues de mon présent. Tout d’un coup, j’étais malade.
Au moment de mon diagnostic, d’importants symptômes entravaient non seulement mes activités quotidiennes, mais aussi ma joie de vivre, ma passion pour la vie et ma confiance en moi. En effet, que devient-on quand nous ne pouvons faire partie intégrante de la société? Que sommes-nous quand partager nos passions, prendre soin des autres ou participer activement à nos communautés devient impensable? Comment ne pas se décourager quand on sent notre corps nous échapper? À ce moment-là, mon petit corps fatigué présentait tellement de symptômes que le pronostic n’était pas très lumineux : la chaise roulante a été mentionnée comme une avenue future, mais pas si lointaine. Décourageant, vous dites?
Chaque épreuve, petite ou immense, se présente dans nos vies bien souvent accompagnée d’une période plus ou moins longue de deuil. C’est le deuil de notre vie «d’avant». Cette vie telle qu’on la connaissait avec, bien sûr, ses hauts et ses bas, ses élans de bonheur et ses tristesses, mais cette vie si chère à laquelle nous étions habituée.
C’est ici que dans toute épreuve on la rencontre : la croisée des chemins. C’est le croisement du rang du désespoir et du découragement avec la route de la résilience et du revirement. La première est malheureusement plutôt facile à emprunter. C’est la route en pente descendante, celle dans laquelle on se met à courir si vite qu’on en perd nos repères aussi bien que l’équilibre. C’est celle qui nous laisse le plus de chances de nous faire encore plus mal. La deuxième route est la plus ardue. Elle demande une dose immense de courage et de force intrinsèque. Elle demande des efforts considérables et tellement de compassion et de patience.
La route de la résilience et du revirement, aussi exigeante soit elle, est celle qui, au final, nous amènera le plus de douceur et de paix. C’est à travers cette voie que j’ai trouvé la force de me relever, de retrousser mes manches et de tirer le meilleur de ma nouvelle situation, aussi effrayante et incertaine soit-elle.
Au pire de ma forme, je ne voyais littéralement plus clair, j’avais des étourdissements épouvantables, mon équilibre était précaire, le côté gauche de mon corps fonctionnait mal, je ne pouvais marcher sans l’aide de quelqu’un ou de quelque chose. Quand j’ai consciemment fait le deuil de ma vie «d’avant», quand j’ai décidé que je n’allais pas me laisser dériver vers la pente descendante, j’ai choisi d’être bien. Je me suis remise sur pied en quelques mois, par moi-même et avec le support de mes proches, et je vis maintenant, pour l’instant, sans aucun symptôme.
Je sais que la maladie est toujours là. Je sais que la fin de la vie est possible. Je sais que je ne suis pas invincible. Mais je sais aussi, maintenant, que j’ai la force de me relever et de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour être bien, tout simplement. Je choisis de voir cette épreuve qui ne me quittera plus jamais, comme un cadeau m’invitant à revoir mes priorités, reprendre le pouvoir que je ne pensais même pas posséder et surtout, à prendre soin de l’être magnifique, fragile mais si fort, que je suis.
La maladie, parfois, se dépose à nos portes comme un cadeau bien mal emballé. Un cadeau épineux et souvent triste, qui fait mal au corps, à l’esprit et au cœur. Si on lui en laisse la chance, si on s’en laisse nous-même, la chance, c’est un doux et important cadeau que l’on pourrait découvrir. À travers les épines et les ronces, il y a l’amour de soi, la compassion, la patience, la confiance, l’espoir et une force interne immense qui nous est accessible. Si on s’en laisse la chance.
Alors, les très chères Radieuses, à l’aube de la saison des fêtes, je vous souhaite toute la douceur du monde. Je vous souhaite de prendre soin de vous et d’aborder chaque épreuve (ou presque) comme des cadeaux maladroitement emballés. N’oubliez pas que le beau, la lumière et la douceur sont partout, même dans les plus épineux endroits.
Câlins,
Andy
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2 Responses
je vous comprends ayant cette maladie, depus 50 invalidante.
Quel parcours depuis un an!! C’est toujours avec émotion que je te lis. Je salue ta force et je te souhaite , à toi et à ton amoureux, de la santé , de l’amour et encore plein de projets pour 2022. Tu es une battante, tu es une « vieille âme « .
Continue.❤