Peut-être, est-ce parce que je vois les années défiler de plus en plus rapidement que la fin de ma vie me semble irréversiblement s’approcher de moi. Ou, peut-être, est-ce le fait de vivre avec cette compagne incurable qu’est la sclérose en plaques qui me fait tournoyer autour de ce sujet sensible, mais universel de la mort.
L’autre jour, j’étais tout bonnement dans un doux lieu que j’aime beaucoup fréquenter, perdue dans mes pensées, quand tout à coup, un grand vertige m’a prise. Pas un vertige physique de tête qui tournoie et d’envie de m’évanouir, mais un grand vertige de vie ou de mort. Je ne sais pas exactement ce qui a déclenché ces pensées vertigineuses, mais j’ai vu la fin de la vie, de la mienne surtout. Ça ressemblait à un grand arrêt, un immense trou pas nécessairement noir, mais juste vide, un grand sommeil dont je ne me réveillerais pas, une halte sans retour de… tout! Un vertige, dites-vous!?
Le souffle coupé et le petit cœur en genre de choc, j’ai longuement respiré et, au lieu de prendre peur et d’éluder toutes autres pensées connexes, j’ai plongé dans l’océan infini de mes pensées pas exactement douces. Je me suis sincèrement demandé: «mais à quoi ça sert, alors, tout ça, si la fin est aussi… finale?». «Comment est-ce qu’on peut vivre, bâtir, créer, aimer, semer, bûcher si ça peut se terminer aussi abruptement que ça a débuté?». Pas exactement de tout repos, comme questionnements existentiels, je sais. Mais n’est-ce pas le genre de questions qui nous taraudent ou nous hantent tous un peu, parfois?
La mort, aussi inévitablement tragique soit-elle, est partie intégrante de la vie. Je pense que, peu importe nos allégeances religieuses ou croyances personnelles, il est sain d’y réfléchir au moins un peu, afin d’orienter, même inconsciemment, nos choix, nos gestes, nos pensées.
La mort, je crois que c’est aussi beau et aussi laid que l’automne.
Un mélange doux-amer de feuilles colorées qui tranquillement sèches et s’envolent au vent, avec l’intention naturelle de laisser la vie renaître des branches alors dénudées. La mort laisse la place à la vie. La mort laisse éventuellement le soleil irradier à travers les bras squelettiques des arbres dépouillés. La mort fertilise le sol et ajoute de l’engrais pour que du beau repousse au printemps.
Sachant que nous avons tous une date d’expiration, bien inconnue soit-elle, nos vies pourraient, je crois, servir à embellir tout (ou presque) ce que nous touchons, afin que, quand nous les quittons, le monde soit juste un peu mieux que quand nous y sommes entrés. Nos vies ne servent pas à rien. Nos vies servent à améliorer ce et ceux qui les entourent. Nos vies servent à changer le monde, notre monde, à petite, moyenne ou grande échelle, dans la mesure de ce qui est possible et accessible pour nous. En réalité, simplement le fait que nous soyons là, ici, maintenant, change déjà le monde!
Que nous soyons, vieux, jeunes, grands, gros, poilus, malades, handicapés, en pleine forme, frisés, non-binaires, parents, grands-parents, à la retraite ou au travail, nous changeons le monde. Nous le changeons par nos actions, nos pensées, nos gestes, nos attentions, nos rires, nos histoires, nos choix, nos rencontres, nos voyages, nos projets… Nous le changeons et l’améliorons à notre façon. Et, peut-être qu’en en prenant conscience, ici, maintenant, nous pourrons diriger nos vies intentionnellement pour que le monde soit encore un tout p’tit peu plus beau, même quand nous n’y serons plus.
Saviez-vous que vous changiez le monde, très chères Radieuses? Que ferez-vous pour le rendre encore mieux?
Une réponse
Chaque nuit quand je dors je meurs à cette journée et chaque matin je renaît à une nouvelle vie.