J’ai eu la main heureuse. Des titres palpitants, suffisamment pour que je suspende ma vie, prenant un congé de moi! Certains diraient que je suis carrément boulimique, ayant dévoré une demi-douzaine de titres, tous captivants, ce qui explique ma vitesse de lecture. Commençons par un livre « jeunesse », plus qu’aimé, je l’ai admiré pour son intelligente pertinence. Vous voulez faire un cadeau à un ou une ado dans la quinzaine? L’albatros et la mésange de Dominique Demers est tout indiqué, le roman ayant amplement gagné son prix du gouverneur général en 2019. Mirages sur la Vallée-de-l’Or de Claire Bergeron, une histoire en or qui tient fermement ses personnages hauts en couleur. Dans Civière 41, l’auteure Catherine Cloutier Charette aborde la maladie mentale avec son franc-parler découvert dans le blogue « L’emmèredeuse ». Je termine par la cerise sur le sundae avec trois tomes de Mélanie Calvé relatant l’histoire d’amour de William et Éva au début des années 90 au cœur de la région de Salaberry-de-Valleyfield.
L’albatros et la mésange de Dominique Demers
L’auteure a utilisé un procédé simple et efficace, donnant à tour de rôle la parole à une adolescente, enfant unique et choyée par ses parents, ensuite un ado, ainé d’une grosse famille profondément catholique. Dans le premier quart du livre, on apprend à les connaître, chacun de leur côté, jusqu’à un chassé-croisé entre les deux. À l’aube de l’apparition de la sexualité dans leur vie, ils sont confrontés à la dureté de la vie. L’adolescente poussera loin l’expérimentation de l’amour et en sortira meurtrie. Nous découvrirons si ses blessures sont allées jusqu’au traumatisme. L’adolescent, lui, souffre de sa différence, allant jusqu’à s’identifier à un zèbre et ses tâches uniques en leur genre. Il a pris en aversion la religion, particulièrement celle de son père. Pour calmer ses tourments, il visitera un mentor qui l’aidera à désamorcer sa colère. Il apprendra à connaître l’adolescente, la qualifiant de sauterelle, ce qui lui confère un attrait indéniable. Le jeune homme n’aime pas les animaux, il les vénère (!), plus particulièrement les oiseaux. Les deux ados s’apprennent plein de choses, et au lecteur par la bande. Leur apprivoisement se cueille délicatement, comme la Rose du Petit Prince. La jeune fille suit son stage à la garderie de la mère de l’adolescent, la présence constance de la smala familiale donne beaucoup d’entrain à l’histoire. Plusieurs principes de vie sont soulevés dans la joie et la bonne humeur, comme la valeur donnée à un fœtus, la place de la religion, les êtres qui se sentent différents, de même que le consentement dans une relation sexuelle. Une histoire racontée avec doigté qui nous appelle à conscientiser le sens donné à notre vie, en y diffusant une douce et pénétrante lumière. Je recommande chaudement cette lecture, autant aux adultes qu’à la jeunesse (à partir de 14 ans).
Mirages sur la Vallée-de-l’Or de Claire Bergeron
Sur la quatrième de couverture, on présente l’histoire en ces mots : Polar romantique sur trame historique. J’adhère à cette définition qui englobe le tout. Cette auteure en donne toujours plus que le lecteur en demande. On ne le lui reprochera certainement pas! L’intrigue se déroule en Abitibi dans les années cinquante autour d’une jeune autochtone de 25 ans qui s’exile pour offrir à son garçon d’une dizaine d’années de poursuivre ses études. Un professeur fuyant son ex-conjointe arrive dans ce patelin avec un garçon du même âge. On s’en doute, les garçons se lieront d’amitié tandis que se joindra à eux une Sophie délurée, mais qui camoufle un secret honteux. Ces trois mousquetaires traversent l’histoire des adultes et leurs trahisons et, couronnant le tout, un meurtre. Où il y a meurtre, dorment assez souvent des questions d’argent… ou d’or! En ces années-là, la perspective de gisements d’or échauffait les esprits. L’histoire est bien tournée, son rythme est soutenu et l’intrigue tient le coup jusqu’aux dernières pages. J’ai aimé cet amalgame d’enjeux d’adulte se mixant à ceux des plus jeunes. On peut presque parler de roman familial! Plusieurs thèmes sont abordés de front : l’inceste, de graves préjugés envers les autochtones, la maternité, la bourgeoisie, l’enseignement, l’abus de pouvoir, les trahisons. Je dirais même que c’est le roman de toutes les trahisons! Les personnages sont variés : notaire, médecin, enseignant, concierge, infirmière, serveuse, prêtre. On ne s’ennuie pas! Après deux romans de cet acabit (référence : Le crime de sœur Marie-Hosanna), je peux annoncer que, si la tendance se maintient, je coiffe Claire Bergeron de spécialiste d’histoires à intrigue soutenue. Si vous cherchez un roman d’ambiance, ce n’est peut-être pas le bon titre, mais si, pour vous, l’action est essentielle, vous serez comblée.
Civière 41 de Catherine Cloutier-Charette
Roman délicat qui aborde de front la maladie mentale. Pour être plus précis : la bipolarité. L’auteure est connue sur les réseaux sociaux, c’est la voie forte du blogue L’emmèredeuse. Je suis allée fouiner pour y découvrir une sacrée belle plume, ce qui a excité mes attentes, lesquelles se sont avérées déçues dans la première partie du roman. Faut dire, à la décharge de l’auteure, que les troubles de l’humeur sous l’angle de la colère passent difficilement dans un roman. Cette affirmation ne sort pas d’un livre savant, c’est moi qui l’affirme, c’est donc à prendre avec de gros grains de sel de mer. Je recommence et conjugue au « je ». J’ai trouvé difficile de prendre contact avec cette agressivité non expliquée, non enrobée, non excusée. Elle est à prendre telle quelle avec ses incohérences, son cahot, sa confusion. Je me souviens avoir éprouvé un malaise indéfinissable. Faut dire que la colère et moi ne faisons pas bon ménage, j’ai toujours besoin que l’on me l’explique (!), mais une personne bipolaire s’égare dans celle-ci, de là l’incapacité à faire passer l’essence de son message. Je crois bon de préciser que le personnage se fait quitter par son amoureux, si c’est bouleversant pour une personne en pleine forme, cela doit être infernal pour une personne avec des troubles de l’humeur. Heureusement, la deuxième partie du roman m’a réconciliée, réconfortée même, l’auteure me prenant par la main pour m’amener visiter les méandres de sa guérison. J’ai reconnu là une personne qui a passé un moment cauchemardesque et j’ai fermé Civière 41, en paix avec cette maladie et ceux qui la portent.
William et Eva – tome 1 : À un fil du bonheur – Tome 2 : Le magasin général – Tome 3 : La prohibition de Mélanie Calvé
Une trilogie que je ne suis pas prête d’oublier par son histoire d’amour marquante par sa durée, son réalisme et son romantisme de bon aloi. Le pivot de cette saga si bien menée est le couple William et Eva, duquel on tombe éperdument amoureux. Ils amorcent leur vie amoureuse dans le village de Salaberry-de-Valleyfield au début des années 1900. Au départ, les deux travaillent à la Factory, Montreal Cotton qui règne en maître sur cette ville ouvrière. Dès le départ, la magie est au rendez-vous, j’ai cru à ce couple au-delà du possible, au-delà du plausible. Suivre un couple passionnément amoureux dès ses premiers balbutiements et ne jamais être déçu n’arrive pas tous les jours. L’édifice de leur amour est solide, aussi imposant qu’attendrissant, sans jamais être exagérément « fleur bleue ». Ils traverseront les diverses épreuves que l’on rencontre dans une vie, à commencer par celles inévitablement apportées par les enfants. La progéniture les testera et pas à peu près. Je ne peux passer sous silence un procès qui aura cour et dans lequel Eva témoignera dans le but que justice soit rendue pour la maltraitance d’une enfant, Laura. Le magasin général, ce cadeau que William fera à sa tendre épouse aura ses hauts et ses bas, surtout durant la Première Guerre. De belles envolées sont imputables à l’amitié solide entre deux femmes, une mal-aimée de la société, une amérindienne et Eva au caractère bien trempé. Dans ce roman, toutes les femmes ont du caractère, même celles qui en ont un « mauvais », comme la sœur d’Eva, Émilienne. Celle-ci ne donne pas sa place pour faire rebondir l’action. La marée est toujours haute avec elle! Un caractère aux couleurs vives et foncées. Pareil à la vraie vie, certaines personnes ont le don de nous faire sortir de nos gonds! En notre siècle, elle aurait probablement été diagnostiquée bipolaire, mais dans le temps, on faisait avec ces crises traitées comme des caprices de la nature humaine.
Je me suis posé la question; pourquoi avoir tant aimé cette saga? La réponse est toute simple, l’homme dans le couple est celui qui a le beau rôle (c’est rare dans notre littérature, je trouve), il s’efface pour laisser vivre les rêves de son épouse, comme celui de gérer un magasin général. En ce début de siècle, les femmes fortes étaient légion, et dans cette saga, c’est évident. J’ai également beaucoup apprécié la confiance que l’auteure s’est faite en résistant à l’envie de poignarder le couple. Assez souvent, lorsque l’histoire s’étend sur quelques tomes, à bout de souffle, certains auteurs ne résistent pas à la tentation de faire disparaitre un personnage pour repartir une autre histoire. Ici, Mélanie Calvé a laissé vivre son couple, et cela pour mon plus grand bonheur.
3 Responses
Merci pour toutes ces suggestions de livres. La trilogie est sur ma liste, j’ai un faible pour ces romans historiques québécois.
bonjour Mme Landry,
Je viens de terminer un roman d’aventures jeunesse sur les baleines. À travers de fantastiques péripéties, le sujet traite d’écologie et de science. J’aimerai pouvoir vous faire parvenir mon communiqué de presse. À quelle adresse je peux le faire?
Merci
Christine Valois
Josée, je me vois ravie de vous avoir donné des (bonnes) idées de lecture. Si jamais vous aimez l’autrice autant que je l’ai aimée, ces jours-ci, elle en sort un autre Anaïs. Elle est passionnée, passionnante et prolifique.
ous m’en donnerez des nouvelles, j’aimerais savoir jusqu’à quel point vous avez aimé !
Bonne lecture !