Le hasard a organisé mes lectures ce mois-ci. Une fois qu’elles furent terminées, j’ai réalisé que mes trois lectures provenaient de la même maison d’édition « Libre Expression ». Fameux, n’est-ce pas! Je ne sais pas si vous vous êtes déjà penchée sur l’unicité des maisons d’édition, peu le font, retenant avant tout titre et auteur, suivi de près par la page couverture et la synthèse de l’histoire. Chaque maison d’édition a une personnalité propre, et d’en connaître les grandes lignes peut nous fournir encore plus de munitions pour choisir une œuvre plutôt qu’une autre. Autrement dit, j’éprouve plus d’affinités avec certaines maisons d’édition qu’avec d’autres. Au départ, nous ne le réalisons pas pleinement. Et puis, on en vient à le remarquer, si on y porte le moindrement attention. Prenez plaisir à noter les maisons d’édition qui vous attire!
J’ai donc choisi « Le cœur pendu » de Maude Michaud, qui, et je l’ai appris après mon choix, serait une suite de « Pieds nus dans la gravelle ». Nul besoin d’avoir lu ce dernier pour se jeter dans « Le cœur pendu », j’en suis la preuve vivante. À noter que Maude Michaud est la cofondatrice de « La parfaite maman cinglante », on ne se surprendra donc nullement d’y trouver le thème de la maternité. Mon deuxième titre « La mariée de corail » est le fruit d’une auteure que je connais, Roxanne Bouchard. Il s’agit d’une enquête menée tout en douceur autour de la péninsule gaspésienne. Dernier titre d’une auteure, Nathalie Roy, dont j’ai lu l’œuvre presque en entier « J’ai choisi janvier ». Ce roman prend des allures personnelles dans le sens que son père a lui aussi choisi une date pour quitter la planète Terre. Le sujet de l’aide médicale à mourir est abordé avec doigté et délicatesse, nous illuminant plus que nous déprimant.
Le cœur pendu de Maude Michaud
Roman sur la maternité, à commencer par le bébé tout neuf qui vient bouleverser une vie. En parallèle, un deuil fondamental; la mort de l’amoureux et de sa fille. L’accident n’est pas relaté sous ce titre, mais au précédent. Ce deuil demeure cependant l’axe central de l’histoire puisque la narratrice s’adresse à l’amoureux décédé. La narratrice se trouve par conséquent à jeter une teinte gris foncé sur les joies de la maternité. La jeune mère est seule… ou se veut seule devant l’avalanche de tâches propres aux soins d’un nourrisson. Elle éclipse les propositions d’aides possibles. Heureusement, sa mère va finir par s’imposer et son père, s’infiltrer. Récemment, j’ai lu « Un espace entre les mains » sur le même thème et à peu près le même ton dépassé, à la limite d’un post-partum carabiné. Ce concours de circonstances a atténué mon appréciation du style vif et résolument moderne de Maude Michaud. J’imagine que les personnes qui viennent de vivre les aléas de la maternité vont apprécier Le cœur pendu (si joli titre!) plus que moi.
La mariée de corail de Roxanne Bouchard
La deuxième enquête de Joaquin Moralès. Oui, ce titre englobe en douceur une enquête qui s’infiltre à travers les mailles des mœurs des pêcheurs gaspésiens. Le maître d’œuvre, Joaquin Moralès, est un enquêteur sympathique qui ne se prend pas au sérieux. L’auteure a donné congé aux clichés propres aux enquêteurs, ce dernier se présentant en homme des plus ordinaires qui accomplit son travail consciencieusement. Son fils lui rendant visite à l’improviste a des comptes à régler avec son père. Finalement, il se laissera prendre dans les filets de la pêche en haute mer et le litige entre le père et le fils se réglera rapidement et avec subtilité. L’enquêteur est en instance de divorcer, sans trop en avoir conscience. Depuis qu’il a déménagé ses pénates en Gaspésie, les visites de sa femme se font rarissimes, elle est occupée ailleurs. Il est donc sensible au charme féminin.
Vous entrez dans ce roman comme vous entrez en vacances, sans soucis, respirant la mer, tâtant la ligne (poisson), regardant voguer paisiblement les voiliers des pêcheurs. Si vous aimez les histoires de pêche, vous serez royalement servi. C’est juste si on ne vous donne pas la recette pour apprêter tel type de poissons. On se laisse avaler tout entier par l’œuvre, accordant son tempo avec celui de l’auteure, qui prend son temps pour avancer l’enquête. Dans cette romance, l’endroit où est campée l’action est crucial et y confère tout son charme. L’enquête aurait eu lieu à New York que cette lenteur aurait pu apparaître lourde, mais pas sur les côtes de la péninsule gaspésienne. L’auteure connaît la vie des pêcheurs à fond et n’est pas avare de partager son savoir. On a droit à des détails stratégiques. Roxanne Bouchard nous donne l’impression d’avoir grandi dans cet environnement. La mariée possède son propre navire et pratique le métier de pêcheuse professionnelle du homard. Elle a dû se battre pour faire sa place dans cet univers masculin marqué par une compétition féroce. Quelle femme! J’aurais aimé la connaître vivante. Déjouée par le jeu implicite de trouver l’assassin, j’ai fermé la couverture avec l’impression de sortir de vacances.
J’ai choisi janvier de Nathalie Roy
Sachant d’emblée que l’axe central du roman est un sujet d’actualité : l’aide médicale à mourir, j’ai eu la surprise d’y découvrir divers thèmes tout aussi intéressants. Cette loi nouvellement adoptée au Québec laisse à une personne le droit de choisir la date et l’heure de sa mort. En théorie, tout va, personne n’est contre la vertu, mais lorsque l’évènement survient dans ta famille immédiate, la pilule peut être amère. J’en profite pour mentionner que l’auteure Nathalie Roy sait de quoi il en retourne puisque son propre père a choisi cette option. En partant, le sujet inspirait l’auteure qui y a ajouté d’autres thèmes : la paternité, l’adolescence, le pardon, la soloparentalité (enfanter sans présence du père dans la vie de l’enfant), l’amour extra conjugal. Comme toujours, l’écriture est fluide, les propos abordés avec une légèreté qui respecte le drame sans s’y appesantir. Nathalie Roy est une valeur sûre de notre paysage littéraire québécois.