Livres: Des suggestions qui sortent de l'ordinaire! - Les Radieuses

Livres: Des suggestions qui sortent de l’ordinaire!

J’en ai quatre de ces lectures à peu près inclassables. J’ai « Réparer Philomène » de Pierre Gagnon, ce roman en pièces détachées, comme des pièces d’automobile à examiner sous le capot ou sous le châssis. « Ta mort à moi » de David Goudreault. Déjà, d’annoncer l’auteur annonce la couleur unique, ambitieuse, curieuse. Passons à « Une fille pas trop poussiéreuse » de Matthieu Simard dont le titre annonce une fin du monde poussiéreuse, le discours remportant la palme de la bizarrerie. « Ce qu’elles disent » de Miriam Toews révèle une prémisse horrible, un viol collectif. Le roman en fait peu état, l’importance étant mise sur la parole de huit femmes mennonites. Un huis clos ouvert sur ces femmes meurtries qui auront à prendre en 48 heures une grave décision : quitter leurs hommes, se battre ou les endurer.

Réparer Philomène de Pierre Gagnon

J’aimerais faire honneur à ce titre pour son style envoûtant. Je dis bien « j’aimerais », mais il est difficile pour moi d’encenser le cœur de l’histoire pour cause amnésique. L’histoire se présente en paragraphes de différentes tailles, passant d’une phrase à une page, maximum deux, et chaque chapitre s’annonce par un seul mot, se prenant pour le titre. J’ai dévoré ce bouquin en 50 minutes et le mieux qu’il pourrait m’arriver est de le relire, comme on relie la poésie pour s’en imprégner par tous ses pores de peau. Après quelques semaines, j’ai voulu le survoler afin de me souvenir des tenants et aboutissants et j’ai éprouvé la nette impression de le lire pour la première fois. Ce roman possède la magie d’une relecture à neuf, ce qui n’est pas à dédaigner. Nous sommes dans les années 60, le président Kennedy vient de mourir sous la balle d’un furieux quidam. Chaque ligne dégage la fin de l’insouciance de cette décennie, peut-être parce que la voix qui la narre est celle d’un gamin de 8 ans qui voit ses parents s’éloigner un de l’autre, pour bientôt se séparer. Roman aéré, hautement fragmenté et aussi imagé que sait l’être la poésie.

Ta mort à moi de David Goudreault

À un auteur comme David Goudreault, on demande beaucoup. Je suis arrivée avec mes attentes, hautes, denses, concrètes. J’exigeais la même magie que « La bête. Intégrale » où le personnage, théoriquement détestable, m’avait charmé. Cette confrontation à « Ta mort à moi » m’a même permis de réaliser pourquoi j’ai éprouvé autant d’indulgence à l’égard de « La Bête » vile et stupide. L’homme, même affublé de tous les défauts, cherchait désespérément sa mère et sa quête idéalisée, candide à souhait, m’avait attendri. Tandis que Marie Maude n’est pas habitée par une quête, bien au contraire, c’est de quasi-indifférence face à la vie dont il est question au début du roman. Ce qui l’habite, c’est le reflet que lui renvoie son miroir, qu’elle qualifie de laid. Dès son jeune âge, la vie passe sur son dos comme de l’eau sur le dos d’un canard. Elle ne s’attache pas, ce qui la propulse dans divers milieux, hors du pays, hors des liens de sang, expérimentant même une vie cloîtrée par choix, et quelques années plus tard, par obligation (la prison). Durant le premier deux tiers du roman, j’ai été aussi égarée que le personnage, tandis qu’au dernier tiers, je me suis attachée à cette maison ouverte et généreuse pour les gens marginaux. Ce à quoi je n’ai jamais cru est la fibre poétesse de Marie Maude. Et, à mes yeux, comble de l’invraisemblance : devenir riche et connue avec un unique livre de poésie… aussi bien parler de science-fiction! J’ai beaucoup aimé les solides personnages secondaires, crédibles, malgré leur franche étrangeté.

Une fille pas trop poussiéreuse de Matthieu Simard

Matthieu Simard nous a pondu un roman apocalyptique qui se veut, d’après la quatrième de couverture, une œuvre comique. On y aborderait, toujours d’après le texte de présentation, l’amour. Vrai pour l’amour, quoique la relation la plus aimante dure le temps d’une poussière tombant négligemment du firmament. Pour ce qui est de l’humour, il est fin, coupé au couteau dentelé et sa lame aiguisée par le sarcasme. Ce n’est pas un roman à rire, mais à sourire jaune foncé. L’ensemble de l’œuvre se veut une farce existentielle moderne, une critique sociale disjonctée. À vous de voir si vous aimerez vous désensibiliser devant autant de morts qui, avant de se transformer en poussière, attirent la poussière. Tout est poussiéreux, filles, femmes et enfants, également les hommes quoiqu’on en parle moins. Tout le monde est soit amputé, agonisant ou malade, mais pas le narrateur qui tient le coup, probablement parce qu’il est resté enfermé chez lui un long moment au début de l’apocalypse. Qu’est-il arrivé à cette bonne vieille terre qui n’est plus illuminée par le soleil? Vous avez le droit de vous poser la question même si vous n’obtiendrez pas de réponse. Le mieux qu’il pourrait arriver de cette lecture est qu’elle fasse réfléchir, ce qui ne m’est pas arrivé. Je ne me suis pas sentie concernée, dommage. J’aurais aimé me marier avec les personnages comme je l’ai toujours fait avec les romans de Matthieu Simard. Un rendez-vous un peu manqué pour moi, mais que je recommande tout de même, car les leviers du (sou)rire varient grandement d’une personne à une autre.

Ce qu’elles disent de Miriam Toews

Roman lourd par son propos qui est resté gravé sur mes neurones. J’ai dû m’habituer à cette parole donnée aux femmes de la colonie Molotschna, ne serait-ce que parce que leurs us et coutumes se tiennent loin de ma réalité. C’est une colonie illettrée et, à cause de cela, elles doivent demander à un homme extérieur de rédiger ce qui sera nommé un « procès-verbal ». Miriam Toews a exacerbé le côté « procès-verbal » en faisant un compte-rendu pointilleux de chaque parole émise, chaque hésitation, chaque avancée, chaque recul. Elles sont huit femmes qui n’ont pas du tout l’habitude de s’exprimer, alors encore moins de se positionner. Et elles ont à le faire, absolument, car elles sont victimes de violence perpétrée à leur insu pendant la nuit où elles sont droguées et violées par les hommes de la colonie (oncles, cousins, voisins…). On part donc de points nébuleux pour progressivement les éclaircir et affiner le discours pour arriver à prendre une grave décision : quitter leurs hommes (avec les enfants), se battre ou les endurer. Avec les confidences et les aveux ressurgissent des émotions qui ne paralysent pas, mais qui dirigent plutôt vers une solution salvatrice. Il est beau de voir poindre la force de ces femmes, progressivement, comme un lever de soleil éclairant peu à peu la ligne de leur horizon.

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