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Tranche de vie : L’ange qui marche

Écrit par

M. Louis Lemieux
Ce texte a été composé dans le cadre de la deuxième édition du concours «Quand la sagesse s’exprime» en collaboration avec Chartwell, résidences pour retraités. En tout, 6 textes seront publiés. Il est le troisième des textes que nous vous présenterons au cours des prochains mois.

C’est l’hiver et je suis triste. Attablé devant une fenêtre, mon regard se fige devant les myriades de flocons blancs qui viennent s’échoir sur le sol.

C’est l’hiver et sexagénaire, je rêve à ce déménagement le 1er décembre au Manoir Archer situé à Ste-Foy. Difficile, toutefois, ce sera de quitter les Cantons-de-l’Est et toutes les belles années passées là.

Enfin… C’est l’hiver et je suis excité, car les déménageurs sortent de mon condominium boîtes et meubles qui garnissent les espaces vides de leur camion.

Avec ma soeur, nous roulons sur l’autoroute 55 et puis sur l’autoroute Jean-Lesage vers Ste-Foy. Je suis volubile et je parle pour deux. Nous arrivons au fameux manoir. Les attirails de mon «new home» jonchent le plancher.

Alors que je m’apprête à entrer chez moi, les déménageurs payés, une voix forte provenant du couloir se fait sentir.

— Hey salut toi! T’arrives? Je viens de voir tes neveux partir.

— Oui, Madame!

— Je suis vraiment contente, car il y a quelques logements de libres dans ce couloir. Bienvenue au Manoir!

— Je vous remercie.

— Je te laisse. Tu dois avoir fort à faire.

— L’important, c’est de faire mon lit afin de bien dormir.

— Salut!

— Bonsoir à vous!

Arborant un sourire amusé, elle m’envoie une salutation de la main avant d’entrer chez elle.

Bel accueil s’il en est un, la dame, probablement octogénaire, m’a adopté. Il y a comme un courant positif qui émane entre nous deux. Après, j’entre dans mon lit et je m’endors comme un enfant.

Le lendemain matin, j’arpente timidement les couloirs et les lieux communs du gros bâtiment. La dame, assise près de la salle à manger, me hèle.

— Tiens, salut toi!

— Bonjour Madame!

— C’est quoi ton nom?

— Philip

— C’est «cute» comme prénom.

Elle poursuit :

— J’aime beaucoup marcher avec mon déambulateur çà et là dans la résidence. Je peux marcher des kilomètres chaque jour.

— J’aime beaucoup la marche également. Enfant, grand-papa m’a initié et j’ai adoré. Les trains également.

— C’est un des plus grands plaisirs dans la vie que la marche

— Je suis d’accord. J’ai hâte de me dégourdir dans cette belle neige.

— Ce midi, c’est de l’aiglefin.

— Super!

— Le cuisinier nous concocte toujours de bonnes choses.

Me sentant ainsi apprivoisé par cette jolie dame aux yeux d’un bleu profond, j’arbore rues et boulevards En pleine pandémie, rares sont les piétons sur les trottoirs. Les rues quasi-désertes, je me crée des points de repère.

Chaque jour, je la rencontre au même endroit et elle me présente des gens. Quelle joie de la rencontrer, de l’écouter!

Ce matin, elle me fait un plan sommaire des lieux et des activités les plus prisées.

Tel un ange, elle me sourit et reprend sa marche. Et chaque fois que nous nous rencontrons, elle s’arrête toujours et on parle de tout et de rien. Certaines confidences sont partagées de part et d’autres.

Je pense que la pulsation régulière de sa marche fait qu’elle sème amour et paix, donnant de la vie au Manoir.

En tous les cas, elle venait cimenter, en quelque sorte, mon appartenance dans l’édifice où j’avais jeté mes pénates.

J’espère vivre maintes années ici. J’apprends à respirer, à vivre chaque jour comme étant un cadeau et elle apporte l’encens et la myrrhe pour saupoudrer le tout.

Oui, j’ai tendance à être distrait. Elle me rapporte un bas ou un caleçon oublié à la buanderie de l’étage.

Fière, oui, mais dotée d’une belle simplicité, je réalise à quel point son amitié a changé tout plein de choses dans ma vie! Par son exemple, j’ai réellement appris ce que c’est que de vivre pleinement «un jour à la fois» et «vivre ici, maintenant».

J’ai appris à écouter au lieu de prendre le plancher et de partir sur des envolées verbales devenues inutiles ici. Elle m’a appris également tout plein d’autres choses.

Et l’ange poursuit sa marche, ne craignant ni vents ni marées.

«Il ne sert à rien de courir vers une belle amitié. Les hasards sont rares. Lorsque l’élève est prêt, l’ange apparaît. Il s’agit de lui faire une place.»

Louis Lemieux, résident du Chartwell Manoir Archer

Ce texte a été composé dans le cadre de la deuxième édition du concours «Quand la sagesse s’exprime» en collaboration avec Chartwell, résidences pour retraités. Près d’une centaine de résident.es ont écrit une tranche de vie ou une sage réflexion dans le cadre de ce concours. Cette réflexion est le troisième des six textes qui seront publiés dans notre magazine.

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