«De tous les événements inattendus, le plus inattendu, c’est la vieillesse.» — Léon Trotski
Quand on parle des âges, on entend souvent que la vingtaine est le plus bel âge. Pour ma part, à cet âge, je n’avais pas le contrôle de ma vie : j’étais la fille de…, l’épouse de…, la mère de… Mon plus bel âge est plutôt arrivé avec mes 50 ans.
J’avais encore suffisamment de confiance en mes capacités physiques et en mes moyens intellectuels pour entreprendre des projets. J’avais plus de temps, car je n’avais plus de responsabilités familiales. J’étais suffisamment expérimentée pour accomplir ce que je souhaitais achever, dont oser proposer mes essais à des éditeurs et prendre soin de mon jardin où je suis si bien. Je me sentais dans la période idéale de ma vie.
Vieillir…
Sans m’y préparer, le temps, tapi dans l’ombre, a sournoisement bondi sur moi. Sans m’en prévenir à l’avance, il a sauvagement accompli son œuvre. Il m’a vieillie! Contre mon âge, les preuves du processus de vieillissement se sont cumulées. J’ai perdu des cheveux et ils ont grisonnés. Il y a eu les rides, le teint plus terne, le contour du visage et les paupières qui se sont effondrés. L’épreuve du miroir ne m’a rien pardonné. J’avais beau afficher un sourire de façade, me sentir vieillir ne m’était en rien réjouissant.

Un visage humain n’est pas comme le vin, il ne s’améliore pas avec l’âge. Me désespérer ne me ferait aucun bien, alors je me regarde de moins en moins! De toute évidence, la beauté n’est plus de mes attributs et je n’ai définitivement plus l’allure gracieuse d’une ballerine. Je dois l’avouer, je ressens un petit pincement de jalousie lorsque passe une charmante jeune femme au maintien royal et que les yeux de mon amoureux s’illuminent et qu’il frôle l’arythmie! Il reste qu’il est celui qui, avec tendresse, m’entoure de ses bras et prend soin de moi les jours où je suis dans la tristesse.
Pour écrire sur un âge précis, je crois qu’il faut le vivre. J’y suis! J’avance dans les 70 ans et je ne peux l’ignorer, mon corps est indéniablement attiré vers le sol. Je grossis de partout, même des pieds! Le gras trans s’est agglutiné en moi! Une partie de ma garde-robe n’est plus à ma taille et c’est à regret que je me suis départi de mes plus beaux vêtements et, tristement, de mes plus beaux soutiens-gorges et de mes plus belles chaussures!
Le confort
À notre époque, la belle allure vestimentaire exigée autrefois n’est plus de rigueur. On n’a tout simplement plus le temps pour l’élégance; de plus, elle semble perçue comme une fausse représentation. La haute couture et les griffes coûteuses ne sont plus les codes vestimentaires qui font loi. Même les marques de luxe confectionnent aujourd’hui des vêtements décontractés.

Puisqu’il n’y avait plus personne pour me regarder et qu’au quotidien mon calendrier mondain était vide, j’ai adopté le code vestimentaire populaire, soit le pantalon yoga ou sport, les chandails sans forme à capuches, les chaussettes de laine et les souliers de jogging. À la défense de cette mode « relaxe », le pantalon moulant sert de gaine aux kilos en trop autour de la taille et permet même le chocolat. Le capuchon camoufle les cheveux, les chaussettes sont chaudes et les souliers de marche sont vraiment plus confortables que les hauts talons.
Pour être de mon époque, je n’ai toutefois pas poussé l’adaptation jusqu’à teindre mes cheveux orange ou violet. Je n’ai eu recours ni au tatouage ni au piercing et pas de chandail qui pendouille d’un seul côté ou qui laisse le ventre paraître, pas non plus de veste de cuir noir à clous argentés ni de casquette devant derrière. Habillée ainsi, je me sens parfois coupable de haute trahison! Certes, l’habit ne fait pas le moine, mais, pour la féminité, on repassera.

Bien évidemment qu’une apparence décontractée n’égale pas nécessairement un manque de substance, néanmoins, je crois encore que s’habiller avec élégance reste un art et, qu’en certaines circonstances, une mise soignée dénote le respect envers les gens et envers soi-même. Je continue de penser que la magie symbolique opérant, un vêtement dans lequel on se sent belle peut augmenter la confiance en soi et peut-être même soigner momentanément le corps et l’esprit. L’ajout d’un vêtement ou d’un accessoire ne modifie pas notre identité profonde, mais, pour un moment, il peut changer notre état d’esprit et notre humeur. Pour les grands soupers et les grandes sorties, afin que mon miroir me complimente un tout petit peu, je m’offre le plaisir d’agencer de façon esthétique mes vêtements et je reviens à un style habillé.
La tendresse et les petits plaisirs
Malgré que l’érosion accablante de l’âge soit là, il me reste la compagnie des êtres que j’aime et qui m’aiment; grâce à eux, vieillir n’est pas l’obstacle majeur à la tendresse. Il me reste aussi la joie d’admirer les beautés de notre monde et le plaisir d’écrire pour vous.