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Tranche de vie : Le chansonnier sans sonnette

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Voici une anecdote tout en légèreté. Après tout, c’est l’été!

J’adore les oiseaux. Au printemps, l’arrivée de ces visiteurs saisonniers annonçant la renaissance de la nature m’émerveille toujours. Mes mangeoires sont offertes toute l’année, mais mon « buffet à ciel ouvert » est encore plus varié durant l’été, en plus d’un point de ravitaillement destiné aux colibris.

Les oiseaux, une belle surprise

Je me souviens de mon premier été dans ma demeure. Dans un quartier récent où l’on trouvait peu d’arbres aux alentours, un jour, oh surprise!, un imposant geai bleu se percha sur la rampe de ma galerie. Comme les oiseaux se faisaient rares dans mon secteur, c’était un spectacle impressionnant.

Je me souviens (qui ne s’en souvient pas?) de la pandémie. Pour le télétravail, j’avais installé mon bureau devant une grande fenêtre. De l’autre côté, j’avais aménagé un coin pour accueillir les oiseaux, positionné juste au bon endroit, de façon à ce que je puisse voir mes hôtes lors de mes pauses d’écran.

Un jour, en levant les yeux, j’ai vu un colibri s’abreuver du nectar de mes fleurs grimpantes rouges. Il y est demeuré assez longtemps pour que je puisse l’admirer. Comme le dirait le journaliste vulgarisateur scientifique Charles Tisseyre, c’était un spectacle fa-sci-nant!

En plus de mes jumelles, mes guides d’observation des oiseaux sont toujours à la portée de la main. Et l’application Merlin, qui permet de reconnaître les espèces par leurs gazouillis, est ouverte sur mon cellulaire. Je jubile lorsque l’enregistreur de l’application répertorie un nouveau spécimen dans la liste de mes « chansonniers ».

Il y a quelques années, je me suis demandé quel était cet oiseau duquel émanaient d’étranges bruits. En fait, j’ai longtemps douté qu’il s’agissait bel et bien d’un oiseau, puisque les sons que je percevais s’apparentaient plutôt au grincement d’une corde à linge sur sa poulie, ou à une scie circulaire à l’œuvre sur un deux par quatre en bois traité. J’avais l’impression que, tour à tour, chacun de mes voisins refaisait sa terrasse en entier en un temps record!

Mais un jour, je l’ai vu. Il s’est posé sur le câble électrique qui court de ma maison jusqu’au poteau de ma cour arrière. Oh qu’il était beau! Sur fond de bleu violacé et de vert métallique, des centaines de couleurs à la fois miroitaient au soleil sur son dos.

Un étourneau sansonnet

Après quelques recherches, j’ai appris qu’il s’agissait d’un étourneau sansonnet. Moi qui m’étais toujours imaginé cet oiseau comme un volatile noir et terne, je m’étais royalement fourvoyée! Mais pourquoi n’a-t-il pas de chant caractéristique et émet-il autant de sons insolites? En fait, l’étourneau peut apprendre et reproduire aussi bien les vocalises d’autres espèces d’oiseaux et d’animaux (incluant l’humain) que des bruits de son environnement. De cette manière, il peut s’y fondre, mais son but réel est de partager le plus possible de sons avec ses pairs, ce qui favoriserait les liens sociaux de l’espèce. C’est ainsi que des groupes se distinguent des autres colonies d’étourneaux. Bref, j’aurais pu le surnommer le « André-Philippe Gagnon des oiseaux », imitateur légendaire, mais je l’ai finalement baptisé « l’étourneau chansonnier »!

D’après mes lectures, oui l’étourneau est beau et singulier, mais il a aussi la réputation d’être… très tenace. Voilà que ce printemps, j’entends un jour dans ma salle de lavage des piaillements très clairs. Je me dis que des oisillons sont sans doute nés dans mon tuyau d’évacuation de sécheuse. J’avance l’appareil et constate que le tuyau est perforé. Je prends le temps de le retirer délicatement pour le sortir à l’extérieur et voir ce qui s’y trouve. Après l’avoir vidé, je ne détecte aucune trace de vie à l’intérieur, que des brindilles et des bouts d’herbe.

Une découverte surprenante

De retour à l’intérieur pour replacer mon tuyau, mon fils m’avise qu’il y a un oiseau perché sur les armoires de la salle de lavage! Mais d’où vient-il? Il se terrait sans doute dans le passage intérieur de ma sécheuse. C’était un étourneau sansonnet! Le pauvre, il virevoltait sans arrêt, privé de tout point de repère. Il a finalement créé son propre piège en se réfugiant dans la douche, ce qui nous a permis de le récupérer à l’aide d’un filet de pêche pour le diriger vers une fenêtre toute grande ouverte.

Pendant cette « opération sauvetage », je me suis souvenue que, quand j’étais plus jeune, il est plusieurs fois arrivé qu’un oiseau ayant osé se percher sur la cheminée aboutisse… dans le poêle à bois. Je me rappelle ce vent de panique qui s’emparait de toute la famille, mobilisée pour le faire sortir. Je me souviens aussi (et ma mère certainement davantage) des traces laissées par le passage de l’intrus, le battement de ses ailes ayant eu pour effet de couvrir de suie les murs du sous-sol.

Je reviens à mon aventure plus récente avec l’étourneau chansonnier. En attendant de remplacer mon tuyau d’évacuation et d’inspecter ma trappe d’aération extérieure, je pousse la sécheuse au mur pour éviter que l’oiseau maintenant en liberté n’entre à nouveau. Le lendemain matin, mon fils et moi entendons encore des sons en provenance de la salle de lavage, près de la sécheuse, puis, après quelques minutes, plus rien…

Une semaine plus tard, au moment d’une nouvelle corvée de lessive, je perçois une odeur forte et nauséabonde près de la sécheuse, laquelle s’accentue lorsque j’ouvre sa porte. Je n’y observe rien de particulier, mais je m’affole un peu. Je vois déjà des bactéries et des champignons envahir ma propriété, la maladie s’installer dans mon foyer…

J’use de techniques conseillées sur le web pour tenter d’enrayer l’odeur : du bicarbonate de soude et du café pour l’absorber, du vinaigre, des vaporisateurs en tous genres, un ventilateur dirigé vers la fenêtre. Et je m’attaque immédiatement au nettoyage complet de la sécheuse.

Une fin insoupçonnée

J’insère mon bras dans le tuyau intérieur. Mon chiffon frôle alors un gros truc assez mou, que je retire aussitôt. Moi qui m’attendais à sortir l’une de ces fameuses chaussettes qui disparaissent mystérieusement après la lessive, j’ai finalement exhibé… un oiseau. Mort. Un étourneau. Il était donc revenu, fidèle à sa réputation de têtu.

Je suis sonnée par ce que je viens de voir. Piteuse, je me débarrasse de l’animal (en me déclarant coupable d’un chef d’accusation pour meurtre au premier degré d’un oiseau chansonnier). Je me précipite pour régler le ou les problèmes à la source pour éviter d’avoir à revivre ce fâcheux épisode. J’ai minutieusement nettoyé l’évent extérieur rempli de branches et d’autres matériaux de fortune apportés par le volatile de façon qu’il se referme toujours bien.

On dit que l’étourneau sansonnet est tenace et, dans l’un de mes guides sur les oiseaux, on mentionne même clairement que les entrées (par effraction) de sécheuses sont l’un de ses lieux de prédilection pour nicher.

Cette histoire me fait penser au titre d’une émission déjantée de Bruno Blanchet des années 90, N’ajustez pas votre sécheuse. Eh bien moi, je vous recommande le contraire : ajustez-là, ou plutôt tendez-y l’oreille et jetez-y un œil annuellement, à votre sécheuse! Assurez-vous aussi de tenir sa porte et son entrée extérieure bien fermées, car « l’étourneau chansonnier » n’annonce pas son arrivée et ne sonnera surtout pas à votre porte avant d’entrer.

Je l’ai d’ailleurs renommé l’étourneau « sans sonnette ».

Bon été!

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