Nancy et moi sommes amies depuis notre adolescence. Nous habitions le même quartier et fréquentions les mêmes écoles. L’an passé, il était venu pour elle le temps de « re-traiter » sa carrière, donc de bifurquer vers d’autres avenues. Je lui remets, pour l’occasion, un carnet souvenir que j’ai confectionné spécialement pour l’occasion. On y retrouve des pages parsemées de photos d’elle et de nous deux, des anecdotes, des textes qui relatent des pans de vie et qui décrivent une carrière qui s’achève. En tournant la dernière page du carnet, elle me dit stupéfaite et émue : « Mais c’est toute une vie! ».
À travers la vie de Nancy et de la mienne, j’ai pris conscience de toute l’évolution qui jalonne notre existence, tout le chemin parcouru tantôt rocailleux, cahoteux, sinueux tantôt heureux et ensoleillé nous convie à embrasser les privilèges de l’âge.
La cartographie émotionnelle
Après toutes ces années de vie commune avec moi-même, je me suis vue sous tous les angles et dans toutes sortes de circonstances. Les discours enflammés de jadis ont laissé place à plus de tempérance et de tolérance. Non pas que mes convictions soient disparues, toutefois, il y a derrière le filtre de l’âge cette insouciance consciente et volontaire qui amène une sagesse. Tout aussi flamboyante, je me sens aussi plus posée, plus réfléchie, plus assurée dans mes décisions, dans mes choix et mes réflexions.
Je me rappelle, à une certaine jeunesse, combien l’importance d’avoir raison faisait figure de valeur qui pouvait créer à l’occasion des « guéguerres » d’idéologies. Comme l’âge nous permet de nous affiner et de nous raffiner, on choisit de ne plus s’assombrir dans le drame, les disputes et les conflits. On relativise et on analyse l’amplitude que l’on accorde aux choses, aux gens, aux situations.
On m’aime… on ne m’aime pas!
De nature sociable, agréable et humaine, je me suis souvent oubliée pour conserver des relations interpersonnelles harmonieuses. À bien y penser, c’était un peu inutile puisque ça effritait mon énergie, mon temps, ma santé mentale et physique. Il n’en demeure pas moins qu’une main sur la bouche, je taisais souvent ce qu’il aurait fallu exprimer. Et quand j’arrivais à le faire, mes mots se bousculaient parfois de manière peu élégante.
J’ai appris à communiquer bien heureusement, et je m’en porte tellement mieux! Savoir adresser nos messages de manière claire et précise, nos compliments pour autrui comme nos plaintes ou divergences d’opinion aussi est un gigantesque apprentissage de la vie.
Aujourd’hui, je ne porte plus la responsabilité de l’affection que l’on peut me porter ou pas. J’ai abandonné ces luttes et ces recherches incessantes d’approbations. Je n’ai plus de temps à perdre avec ces manigances ou ce théâtre social pour qu’on daigne m’inclure. Je me range plutôt du côté des relations pas compliquées, des rencontres et des discussions enrichissantes. Je me nourris à ce qui goûte bon, à ce qui est bien et à ce qui m’élève. Je tente le plus possible de faire de ma vie un refuge sûr où seules les personnes qui vibrent en concordance avec moi sont bienvenues.
La beauté n’a pas d’âge
Je regarde les jeunes se réaliser, se forger d’expériences de toutes sortes. J’ai eu aussi cet âge-là avec toute l’énergie et la fougue pour défoncer des portes afin d’accéder à une carrière, de voir grand, de m’accrocher à une cause qui me tenait à cœur, de vivre mes passions. Mes 20, 30 et 40 ans je les vivais oui, mais sans vraiment les apprécier puisque ma jeunesse m’était due. À cet âge, on a toute la vie devant soi alors pourquoi s’en faire lorsqu’on peut facilement faire des projets pour l’avenir?
Aujourd’hui, mon miroir me renvoie un visage s’affaissant un peu. De plus près, de petits plis, quoique charmants, se sont installés aux abords de mes yeux. Sans fausse modestie, je me sens plus belle que jamais, plus épanouie et plus confiante. Par surcroît, au grand jamais je ne rangerai ma coquetterie au fond d’un placard parce que ma coquetterie n’a pas d’âge et que mon placard regorge de tenues plus flamboyantes les unes que les autres.
Et par-dessus tout, je me sens plus, mais tellement plus heureuse. Heureuse d’être en vie, d’être au monde, de me sentir exister.
Exposer sa vulnérabilité
En écrivant pour vous, chères Radieuses, j’enlève le voile de possibles jugements et je me dévoile. Je m’affiche telle que je suis avec mes failles, mes travers. Je soumets à votre œil mes revers et mes travers, mes échecs, mes appréhensions. Je vous invite aussi dans mes parts de bonheur, de plaisir et de joies. Je me fais voir au grand jour en fait.
De nature plus pudique, j’ai souvent voté pour plus de retenue et de retrait. Mais voilà qu’à un moment donné tu te dis que tu n’as plus rien à perdre et que d’exposer ta vulnérabilité est tout simplement une façon d’être plus authentique et d’abandonner cette façade qui dicte ce qu’on doit être à la face du monde.
En terminant, Meryl Streep résume bien que grandir en âge nous invite à prendre des décisions qui reflètent l’authenticité et cette liberté de choisir nos luttes. Elle s’exprime ainsi :
« Je n’ai plus de patience pour certaines choses, non pas parce que je suis devenue arrogante, mais tout simplement parce que je suis arrivée à un point dans ma vie où je ne veux plus perdre de temps avec ce qui me blesse ou avec ce qui me déplaît! »
Comme ce privilège de l’âge n’est pas donné à tout le monde, vivez-le pleinement, vivez-le intensément!
Vous aimerez aussi :
Une réponse
très beau texte