Tranche de vie : Les mots de passe - Les Radieuses

Tranche de vie : Les mots de passe

Ah! les mots de passe, ces petites clés numériques qui nous compliquent la vie autant qu’elles la simplifient. J’ai l’impression que chaque fois que je dois en créer un nouveau, c’est comme si on me demandait d’inventer un code secret capable de rivaliser avec la sécurité des codes nucléaires. Mais ce qui est encore plus drôle, c’est que malgré toute l’ingéniosité qu’on peut mettre à créer ces mots de passe, ils finissent tous par être aussi oubliés qu’une vieille promesse de commencer un régime le 1er janvier.

Je me souviens de la première fois où j’ai dû en inventer un. C’était quand l’Internet commençait à prendre racine dans nos vies. Le premier mot de passe que j’ai créé, c’était «1234». Oui, je sais, aujourd’hui ça paraît risible, mais à l’époque, je me sentais comme un génie de la cryptographie. Je me disais que personne ne penserait à essayer une combinaison aussi simple! Mais bon, à voir la tête de l’expert en sécurité informatique qui a failli s’étouffer de rire quand je lui ai raconté ça, j’ai vite compris que j’étais dans le champ. Pourtant, cette simplicité n’était pas le fruit du hasard. Non, non. C’était la peur de l’oubli, cette vieille compagne qui nous suit partout.

Protéger de l’invisible

Je me rappelle le sentiment étrange de devoir choisir une combinaison secrète de lettres et de chiffres, comme si je devais soudainement protéger quelque chose d’invisible, une part de moi. Le mot de passe, une invention récente, est rapidement devenu une clef pour ouvrir les portes de nos vies modernes. Mais à bien y réfléchir, cette nécessité de verrouiller et de se protéger ne date pas d’hier. Elle plonge au plus profond de notre psychologie collective.

Choisir un mot de passe, c’est comme choisir de quelles façons se protéger des dangers du monde extérieur. D’une certaine manière, nos mots de passe sont des réflexions de nos peurs et de nos insécurités. Il y a une part de méfiance dans cette action, une prise de conscience que l’on vit dans un monde où ce que nous possédons, même de manière immatérielle, peut nous être volé. Derrière chaque combinaison cryptée, il y a cette petite voix qui nous dit de rester sur nos gardes. On choisit un mot de passe, non pas pour se simplifier la vie, mais pour se protéger des autres, comme on érigeait autrefois des remparts autour des villages.

Dans cette métaphore, nos peurs sont bien présentes. Le mot de passe nous rappelle que le monde n’est pas un espace de partage inconditionnel. C’est un lieu où nous devons constamment nous défendre, garder notre jardin secret fermé à double tour, car une intrusion peut être fatale. La peur de l’intrusion, du piratage, du vol de notre identité numérique est un reflet des peurs plus profondes qui nous habitent. Il y a quelque chose d’existentiel dans cette idée de protéger nos données, comme si protéger nos informations, c’était protéger notre âme. C’est aussi une danse délicate entre la peur de l’oubli et le besoin de sécurité.

Jongler avec la vie numérique

Mais en même temps, ces mots de passe représentent aussi nos réussites, nos victoires sur la complexité de la vie moderne. Apprendre à gérer une multitude de mots de passe, c’est un peu comme apprendre à jongler avec les aléas de l’existence. Cela demande de la discipline, de l’organisation, et une forme de résilience. Nous évoluons dans un monde où tout semble devenir de plus en plus compliqué, et réussir à retenir, ou à bien gérer ces combinaisons multiples, c’est une victoire contre l’oubli, contre la désorganisation mentale. Ce petit moment où l’on parvient à se souvenir de notre mot de passe — sans avoir à le réinitialiser pour la énième fois — est une petite réussite en soi. C’est comme retrouver une vieille clef qu’on croyait perdue.

Une leçon subtile sur l’art du partage…

Le mot de passe est aussi une leçon subtile sur l’art du partage. Dans un monde où nous sommes constamment connectés, où nous exposons généreusement nos vies sur les réseaux sociaux, il est paradoxal que nous ressentions le besoin d’ériger ces barrières numériques. Pourtant, elles sont nécessaires. Elles nous obligent à faire des choix : décider ce que nous laissons entrer dans notre cercle intime et ce que nous gardons pour nous-mêmes. Partager, certes, mais avec discernement. À l’image de nos relations humaines, nous ne dévoilons jamais tout. Nous gardons toujours une part secrète, protégée, derrière des portes que seuls nos mots de passe verrouillent. Ils nous permettent de préserver un peu de mystère, un peu de contrôle sur ce qui nous appartient. C’est un acte de souveraineté sur notre propre monde.

Malgré tout cela, combien de fois avons-nous pesté contre ces règles de sécurité de plus en plus contraignantes? À chaque nouvelle exigence — majuscules, chiffres, caractères spéciaux —, c’est un nouveau casse-tête. Mais face à ces contraintes, nous trouvons toujours des solutions. Nous inventons, nous apprenons, nous nous adaptons. Car, comme dans la vie, notre véritable force réside dans cette capacité à nous ajuster, à jouer selon de nouvelles règles. C’est cette souplesse, cette résilience qui nous permet d’avancer et de continuer à maîtriser l’équilibre délicat entre ouverture et protection.

Nos mots de passe ne sont pas simplement des combinaisons de lettres et de chiffres. Ils sont une métaphore de la vie moderne, avec ses défis, ses peurs, ses succès, et son besoin constant de résilience. Ils nous rappellent que, même dans ce monde numérique, nous restons profondément humains, avec nos forces et nos faiblesses, et de cette quête incessante d’équilibre entre sécurité et partage. Mais au fond, les mots de passe, c’est un peu comme nos stratégies pour affronter la vie. On se complique l’existence, on empile les couches de protection, on construit des murailles… pour finir par tout oublier ou perdre le fil. Et c’est là qu’entre en jeu la résilience. Parce que oui, si la vie m’a bien appris quelque chose, c’est qu’on finit toujours par devoir réinitialiser un mot de passe.

Alors, la prochaine fois que je devrai en créer un, je le ferai avec un sourire. Parce que, malgré les frustrations qu’ils peuvent causer, les mots de passe ne sont que des petits défis de la vie moderne. Et avec un peu d’humour et beaucoup de résilience, on finit toujours par trouver la bonne combinaison… ou la réinitialiser.

Martin Gaudreault, artiste-photographe et scribouillard

Tant qu’à y être

Le Cerveau numérique : organisez votre vie numérique, gagnez du temps et libérez votre espritJulien Gueniat – Éditions EYROLLES – Des conseils pour retrouver de la disponibilité mentale et améliorer sa productivité en utilisant les outils numériques afin d’organiser les informations : projets, taches, agenda, contacts, entre autres. Trois applications de gestion sont présentées : Notion, Obsidian et Workflowy. Des codes QR donnent accès à des éléments complémentaires : quiz, vidéos et exercices.

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