Septembre est presque à nos portes avec la liste de to do qui s’allonge, les achats pour la rentrée et la reprise des activités. Il est facile de se laisser emporter par les défis de carrière, les succès à tout prix, la réussite de nos petits mousses, de notre couple… le feu roulant, quoi! Le quotidien peut devenir un hypnotiseur de grand talent.
Je me suis laissée étourdir dans ce cercle envahissant qui est devenu une spirale descendante. Ce voyage m’a beaucoup appris cependant!
Comme à vélo dans une montée
Dernièrement, lors d’une randonnée à vélo, je roulais sans trop d’efforts dû à un faux plat descendant à peine perceptible. Quelques coups de pédales me suffisaient pour avancer rapidement. Je me laisse prendre par cette agréable facilité. Je prends plaisir à apprécier le décor qui défile devant moi. En contrepartie, je savais très bien que le retour serait plus difficile puisque l’aisance ferait place à une persévérance dans l’effort.
L’épuisement professionnel, c’est un peu comme une longue randonnée à vélo où les efforts sont soutenus en montée. Comme à vélo, il faut continuer, JE dois continuer malgré la fatigue. En milieu de travail, multiplier les efforts est bien perçu. S’acharner et vouloir se dépasser : une habitude.
Revenons au vélo : m’arrêter pour marcher à côté de mon vélo n’est même pas une option. M’arrêter est synonyme d’échec et d’abandon. Continuer est signe de force et de détermination qui se conjugue bien avec la réussite. Je suis le rythme, je veux performer, je veux me classer et peut-être me surclasser. Mais pourquoi? J’avais donc bien besoin de preuves… j’avais donc bien besoin de me rassurer…
Je me suis formée à la dure
Ce poste, je l’avais convoité. Après avoir pédalé pendant quelques années dans toutes sortes de conditions, je me suis essoufflée, je me suis fatiguée. Comme à vélo dans une pente abrupte, je suis à bout de ressources, mes jambes ne suivent plus la cadence. Je suis constamment en mode cardio. Je poursuis ma route en « focussant » sur les aires de repos qui s’apparentent pour moi aux prochaines vacances, aux prochains congés, aux week-ends de trois jours. Le travail a toujours été source de plaisir et de reconnaissance pour moi. À ce moment de ma vie, il avait plutôt l’allure d’un supplice.
Mes limites sont atteintes
Visiblement, cette année-là, les vacances de Noël n’ont pas été suffisantes pour recharger mes batteries. Par ce matin de janvier 2015, il fait très froid. Frôlant la dépression, l’anxiété au max, j’ai la certitude de pouvoir continuer, de poursuivre, de m’adapter encore plus, mais en vain. J’ai ma prescription médicale d’arrêt de travail en main, mais je ne la veux pas! J’avais encore cette vague impression que les choses s’arrangeraient, que mon énergie reviendrait. Je faisais fausse route en pensant ainsi! Il est parfois difficile d’accepter l’évidence.
Ce matin de janvier, en mettant la clé dans la serrure je ressens un serrement à la gorge. Je nie les messages de mon corps et j’entre tout de même dans l’édifice. Dans l’ascenseur ma respiration s’accélère. Soudain, je sens que je perds le contrôle. C’est impératif, je dois sortir dehors, j’étouffe. J’ai chaud, j’ai peine à respirer et je crains la perte de conscience. Je ne comprends plus ce qui m’arrive. Je saurai plus tard que j’étais en crise de panique. Pourtant, mon corps m’avait envoyé ses signaux d’alarme. Des signaux sous forme d’anxiété, de fatigue intellectuelle et émotionnelle, de troubles de sommeil, de difficultés de concentration, d’irritabilité, de cynisme, de ruminations du travail dans ma vie privée, de colère refoulée, d’isolement alors que je suis de nature sociable, d’erreurs et d’oublis de toutes sortes, des douleurs cervicales et dorsales. Quel cocktail!
Je m’absentais de plus en plus, j’étais éteinte, négative, j’avais perdu ma joie de vivre, mon sourire, mon enthousiasme et mon dynamisme. Je prônais le plaisir et le mieux-être au travail comme une valeur importante, mais le boulot était devenu pour moi qu’un avantage financier.
Quand le corps reprend ses droits
Parfois, jouer la carte de la force et nier l’évidence des symptômes dépressifs amène le corps à se rebeller. C’est ce qui m’est arrivé ce matin-là. Mon corps m’imposait ses règles. Il m’imposait de prendre une pause. Dehors, le froid de janvier me calmait soudainement, je me sentais libérée d’une pression que l’habitude avait masquée. Aussi étrange que cela puisse paraître, je m’étais habituée à ce déséquilibre et à ce mal-être. On donne souvent beaucoup d’importance à ce qui n’en a pas.
Mais j’ai culpabilisé… parce que je n’ai pas su tenir le coup, parce que je laissais mes collègues avec un surplus de tâches, parce que malgré mes connaissances en matière de santé psychologique au travail, je me retrouvais vidée de mon énergie. Belle leçon de vie!
Une amie m’a dit à ce moment-là que j’étais semblable à une comptable qui ne peut se permettre de faire faillite. Quelle belle analogie! Se retirer à cause d’un trop-plein est considéré comme une faillite émotionnelle et psychique dans une société avide de performance. Pour moi, c’était une délivrance!
Renouer avec soi
L’état de fatigue amène avec lui ce réflexe de s’isoler des autres soit par honte ou par cet effort supplémentaire d’être avec l’autre… ce qu’il faut empêcher. Mes proches, mon entourage, mes amies ont été d’une aide si précieuse. Des rendez-vous où se mélangeaient de belles discussions teintées de rires, de tendresse et d’empathie. Des rendez-vous où je me sentais appréciée pour qui je suis. J’avais cette permission d’être moi, sans plus, sans performance, sans artifice.
Et pendant ce temps de pause
Cette période de pause se veut un retour à soi obligatoire. Les épreuves nous offrent toujours cette occasion de réflexion positive qui invite à une plus grande compréhension, une vision plus large des événements. La douleur est formatrice. S’éloigner de soi fait mal!
Pendant ce temps de pause obligée, j’ai appris à calmer mon esprit par la méditation et la prière. J’ai renoué avec l’art par le mélange des couleurs, l’art abstrait, les mandalas et les dessins spontanés. J’ai repris l’exercice physique qui me procurait du bonheur à petites doses. Je me suis également engagée dans une démarche de développement de carrière qui fut très révélatrice. C’est souvent en allant au fond de soi qu’on arrive à refaire surface. Quel bel égoïsme thérapeutique!
Et pendant ce temps de pause je me suis fait un ami qui m’a tout appris de moi. Notamment sur ce que j’aime, ce que je veux, ce qui m’anime, ce qui me fait vibrer, ce qui me nourrit et fait naître la joie en moi. Sans jugement, il m’a conseillé, il m’a accueilli, il m’a compris, il m’a permis de m’aligner, il a pris soin de moi.
Il a pédalé avec moi, il m’a permis de m’arrêter en chemin, il m’a permis de reprendre mon souffle et d’ouvrir grande la porte de mes rêves.
Au bout du compte, si ce n’est pas tant le travail qui mine notre énergie, que se passe-t-il vraiment alors? Je vous pose la question.
Merci mon ami qui m’a tout appris de moi!!
Merci mon burnout, je t’aime!!
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