Je vais vous raconter une histoire vraie.
J’étais une petite fille inquiète; je me souviens qu’à partir de l’âge de 5 ans, j’étais inquiète lorsque je partais pour l’école, j’avais peur que ma mère ne soit pas là à mon retour, j’avais peur de mon professeur de première année, elle criait très fort, et encore aujourd’hui je n’aime pas les gens qui crient, ça me fait peur. Ma petite enfance s’est déroulée sous le signe de l’inquiétude. J’étais timide, retirée un peu, je n’aimais pas attirer l’attention.
Inquiète, toujours inquiète, les mains moites, le cœur battant, j’espérais l’arrivée de mon père à 17 h 30, pas plus tard; j’espérais l’arrivée de mon frère qui sortait parfois, mais pas tellement. S’il n’était pas là à minuit, j’allais rejoindre ma mère pour lui dire et je me couchais avec elle jusqu’au moment où je l’entendais entrer. Ouf, je pouvais alors dormir.
C’est fou, jamais vraiment relaxe. Devenue adulte, l’anxiété s’est poursuivie, mais heureusement, une petite force intérieure m’a poussée à continuer, à poursuivre une carrière, à avoir une vie normale. J’ai eu mes filles, j’ai été inquiète, mais pas trop; l’anxiété s’est imposée en crise d’eczéma. Des pieds à la tête pendant des années. Trop sensible, trop touttttte, vouloir faire plaisir, ne pas vouloir décevoir.
Et puis, voilà, la vie passe; on vit bien, malgré tout, on trouve des façons de faire semblant, d’avoir l’air sûre de soi. Je me retrouve même à travailler dans l’univers des médias, je fais des rencontres impressionnantes, je lève la tête et j’essaie de faire comme si, comme si je n’étais pas gênée, comme si je n’étais pas anxieuse… Comme si j’avais confiance en moi, mais dieu que c’est exigeant.
Voilà qu’à ma jeune soixantaine, je combats toujours cette anxiété si méconnue, si méprisée, si bafouée. Je veux crier lorsque certaines personnes disent, ben voyons, c’est rien, ben oui, moi aussi, il y a des choses qui me stressent. Non, non, d’abord, il y a une différence entre le stress et l’anxiété. Le stress, c’est normal et nécessaire. Il y a du bon stress et du mauvais stress. L’anxiété est une vraie maladie, ben oui… comme dirait l’autre une maladie, pis après…
Pouvez-vous vous informer, lire, chercher, écouter…
On a une belle vie, une belle maison, une belle famille, ben oui, mais malgré tout cela on peut être anxieux et c’est très souffrant.
N’ayez pas pitié, non, non, soyez ouverts, intéressés, ouvrez vos horizons, ne pensez surtout pas qu’être anxieux, c’est être faible. Bien au contraire, pour vivre sa vie avec cette difficulté, il faut être fort. Soyez, au contraire, contents de vivre avec ces personnes; elles sont vraies, elles sont aimantes, elles sont bonnes. Je n’essaie pas de me vanterhi hi, mais pour avoir lu abondamment sur le sujet, je sais que les anxieux sont des personnes ultra sensibles, intuitives et attentives.
Pourquoi je vous raconte tout cela? C’est parce que tous les préjugés autour de l’anxiété m’énervent.
Parce que lorsque tu dis que tu souffres d’anxiété, souvent, la personne dit : Ah oui, moi aussi je suis nerveuse. Ça, ça m’énerve parce que ce n’est pas exactement ça.
Ça m’énerve parce qu’encore en 2021, dans un monde si ouvert, où on ne peut plus prononcer tel mot, telle expression, il faut encore expliquer que l’anxiété, celle qui paralyse parfois, celle qui fait mal, est une maladie, une vraie. Ce n’est pas contagieux, soyez sans crainte, mais c’est héréditaire et ça c’est dommage et ça m’énerve…
Je poursuis mon chemin, je profite de la vie, je fais du ski, je joue au golf, je ris, je m’occupe de ma famille, même anxieuse… Il y a des solutions. La première est sûrement d’en parler, alors voilà, j’ai fait mon coming out.
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7 Responses
Merci, chère Christine, pour ton commentaire très pertinent ou je me suis reconnue un peu. En effet, alors qu’il avait tout juste 6 ou 7 ans, Jean-Sébastien me disait souvent « Maman t’es trop inquiète ». Et j’ai passé ma vie à m’inquiéter pour lui pour aucune raison valable. Je fus diagnostiquée ayant un trouble anxieux mais je me refuse encore à prendre des médicaments. Je suis nouvellement grand-maman d’une petite Flavie (6 semaines) et mon inquiétude s’est transmise à cette magnifique petite fille pour aucune raison puisqu’elle choyée et bien entourée.
Wowwww, c’est mots de ton texte je les repasse sans cesse dans ma tête depuis tant d’année, on avance on fonce on fait semblant mais au dodo de nous ça gruge…hier j’ai quitté mon travail en cours de journée car cette anxiété m’epuise et parfois elle me fouette avec un grand coup de fatigue extrême, ma tête est épuisé mon corps le reflète…à 58 ans c’est mon combat quotidien…l’anxiété…. Merci de ton coming out ce matin il m’a fait sortir des mots que je garde en moi, merci
Je me suis reconnue moi aussi; j’avais beau expliquer aux gens que j’étais une personne excessivement timide mais j’avais tellement bien jouer la personne sûre d’elle que personne ne me croyait
. Je suis à ma retraite et en faisant le bilan de ma carrière je réalise que j’étais un imposteur: une fonceuse pas très sure d’elle ; une personne sereine mais vraiment angoissée; une personne qui faisait face à des conflits quotidiennement alors que je recherchais la paix et la bonté.
J’ai très mal fini ma carrière a cause de ce « faire semblant: FIBROMYALGIE, fatigue chronique , anxiéte.
Maintenants j’essaie d’être moi-même et je retrouve une relative sérénité .
Pas: malgré tout ma carrière m’a apporté beaucoup de satisfaction
Merci a vous de se temoignage rempli de sens et de verite! Ehoui! Encore des prejuges, on se dit bien ouvert a cette maladie de l anxiete …ben non encore des fois on me dit de « respirer » grrrr. Or j ai jamais cesse de respirer meme que je respire mieux que 90% de population… mais la vie chemine et continue avec beaucoup d outil pour reussir. Je me felicite de chaque pas reussi et prend du recul quand je sens que cela me bloque. Je suis intense et vit la vie avec l emotion pure, on me dit encore de « respirer ». Bref je repire et dis merci a la vie chaque matin ❤
Mon histoire racontée par une inconnue, je me sens moins seule…
Ton « coming out » me touche beaucoup. L’anxiété, c’est moi aussi, c’est des milliers de gens … Comme toujours, tes textes sont vrais et font du bien. Merci. ????
Oui, ça énerve que cette maladie soit malheureusement transmissible. Plus souvent qu’autrement mal jugée et mal comprise par autrui la personne qui souffre d’un trouble anxieux; mais ceux et celles qui la côtoient apprécient ses nombreuses qualités humaines, comme tu dis si bien.
Merci, ça me rassure tellement dans mon anxiété que je vis depuis toujours. Merci d’avoir choisi tous les bons mots pour expliquer clairement ce qu’on vit. Ça ne change pas ma réalité, mais ça fait du bien quand même.