Je suis toute mêlée… - Les Radieuses

Je suis toute mêlée…

Es-tu vieille? Non, je ne pense pas, est-ce que moi, je suis vieille? Non, je ne pense pas. Mais on parle toujours et plus encore depuis le début de la pandémie de « nos aînés ». Est-ce que je suis une aînée? Ah oui, mais j’appartiens à qui? Le gouvernement parle toujours de « nos aînées », c’est bizarre, ils ne sont pas jeunes, jeunes eux-mêmes? Je suis toute mêlée, on n’est pas toujours l’aîné de quelqu’un d’autre? C’est bien relatif tout cela.

Je sais que je ne suis plus une jeunesse, mais franchement, ma vie n’est pas tellement différente de ce qu’elle était lorsque j’avais quarante ans. Bien sûr, mon corps a vieilli, parfois je suis plus fatiguée, mais dans ma tête tout fonctionne très bien. Oui, je suis vraiment confuse, ici on parle de « nos aînés » dont il faut s’occuper et ailleurs on vient d’élire à la tête des États-Unis un homme de 78 ans. Avouez que c’est mêlant. Même entre nous « nos aînés », on est tout mêlés. Certains jouent au vieux, d’autres vieux jouent aux jeunes, surtout physiquement. Puis, bien sûr, encore une fois c’est plus difficile pour les femmes. Les femmes doivent bien se « conserver » comme ils disent. Les petits cheveux gris de monsieur sont charmants alors que ceux de madame sont désarmants. Ah! Je suis encore plus mêlée.

Est-ce que tous les aînés vivent en CHSLD? Non, pas du tout, au contraire, les « vieux » vivent en majorité dans leur maison. Il y a aussi ceux qui ont décidé de vivre dans les belles tours de monsieur Soleil à un prix qui coûte la lune et le soleil, mais ces aînés-là ne sont pas malades dans la majorité des cas. Non, mais c’est vraiment mêlant.

On n’est pas toujours le vieux de quelqu’un?

Sérieusement, moi, je n’en peux plus; j’ai l’énergie que bien des jeunes n’ont pas. L’espérance de vie est rendue à 83 ans pour les femmes, c’est quand même pas mal, j’ai comme plus de 20 ans devant moi. Me semble que ça fait long à être vieux, pas vrai ?  Rien pour m’aider à me démêler.

Plus sérieusement, qu’est-ce qui se passe avec l’âge? Trop jeune pour avoir mon vaccin sur la rive sud, assez jeune pour garder mes petits-enfants, oui, oui, la vice-première ministre l’a dit, sa mère de 63 ans garde ses petits-enfants. Si on arrêtait de parler de « nos aînés » pour parler de ceux qui sont malades et vulnérables. Oui, il y a plus de personnes âgées qui sont malades, mais il y a des gens de tous âges qui ont des maladies dégénératives, des déficiences, etc. Eux ont besoin d’aide. Mais on met tout le monde dans le même panier et on finit par se demander si on est vieux.

C’est comme dire, « nos jeunes » ne font pas attention; ce sont eux qui transmettent le virus, ils sont inconscients. Les jeunes ont toujours leur téléphone en main, ils sont plus capables de parler, ils n’ont rien à dire? C’est qui ça, « nos jeunes » ? Ils ont 12, 15, 20, 30, 40 ans, êtes-vous mêlés vous aussi, les jeunes ? À quel âge, vous ne serez plus jeunes? Trouvez-vous ça agréable de vous faire mettre dans un clan? Êtes-vous tous des inconscients, des sans-mots ?

Non, mais c’est insidieux tout cela et forcément ça influence le regard que l’on porte sur nous. Une amie me disait l’autre jour : « On dirait qu’on n’ose plus se lancer dans quelque projet que ce soit de peur d’être trop vieux. » Elle a bien raison; cette semaine, une jeune professionnelle de 34 ans m’a demandé d’aller magasiner avec elle pour ses choix de vêtements, le lendemain j’accompagnais une amie un peu plus jeune que moi et elle me disait : « Pourquoi tu n’offres pas tes services de styliste ou de magasineuse. » Bien non, voyons, je suis trop vieille. Je fais partie de cette gang qu’on appelle « nos aînés » qui semble ne plus avoir d’avenir. C’est fou, ça s’infiltre en nous, à notre insu.

J’ai pourtant des amies pas si jeunes qui travaillent très fort; elles ont de grosses jobs comme on dit, et elles sont encore importantes dans la société. Je pense que c’est pour cela qu’elles n’arrêtent pas d’ailleurs; c’est presque triste. Parce qu’une partie de moi trouve ça vraiment cool de vivre sans agenda rempli, sans l’obligation de me lever tôt le matin et de me lancer dans le travail. J’ai encore moins envie de vivre toute la pression qui vient avec cela; j’ai donné comme on dit.

La société a besoin d’un wake-up call; on a besoin les uns des autres, alors, il ne faut pas faire de groupes : les vieux et les jeunes. Non, moi j’apprends beaucoup des jeunes, ils m’initient à plein de choses et à l’inverse, je transporte mon expérience qui peut assurément les aider.

Ce n’est pas mêlant, on est qui on est, on est en forme, on est jeune, on est vieux, on fait ce qu’on aime, peu importe.

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2 Comments
  1. Merci pour cet article qui traduit tout à fait ma pensée, surtout depuis ce « nos aînée ». J’aurai bientôt et e ne veux pas être l’aînée de personne. C’est infantillisant, n’est-ce pas?…

  2. Franchement, très bon article! J’ai le même âge, suis retraitée depuis 1 an et je partage tout à fait votre réflexion.

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