L’attrait du titre - Les Radieuses

L’attrait du titre

Jusqu’à quel point vous laissez-vous influencer par le titre d’un livre? Pour ma part, ils m’influencent pas mal, surtout si je ne connais ni l’auteur ni le résumé de l’histoire, ce qui m’est arrivé avec « La bienveillance des ours ». Avec un titre si évocateur, si réconfortant, j’embarque et suis prête à aller loin. M’a-t-il transportée aussi loin que je désirais aller? Suspense. Deuxième titre « Enquête chez les Filles du roi » – Filles du roi a clignoté en rouge. Je veux… oui, je le veux, comprendre de quoi étaient faites ces jeunes filles, bonnes à marier le Québec (plus précisément la Nouvelle-France), ensuite un défricheur. Qui étaient-elles pour tout quitter et aller puiser dans cette aventure hors du commun des mortels? Troisième titre « L’œil de Jupiter ». Je connaissais Jupiter, mais pas son œil! Je me permets une blague en douce pour les sens que l’auteur sait donner à un seul mot. Le titre contenait l’espoir de m’égarer l’esprit dans la galaxie, m’envoyant fusionner à plus grand que moi. « Les cibles », le petit dernier, vise une enquête de Maud Graham. L’enquête se présente sous un même et unique canevas, c’est le thème qui change des derniers titres.

La bienveillance des ours de François Lévesque et Virginia Pesemapeo Bordeleau – Éditions du Quartz

Ce titre si attrayant ne pouvait être rédigé par un unique auteur. Pourquoi? Parce que c’est une correspondance! Deux auteurs de l’Abitibi ne se connaissant pas au départ avancent résolument un vers l’autre afin de se découvrir. L’écoute plus que parfaite que l’on retrouve lors des correspondances me frappe et me frappera toujours. Je crois apprécier la correspondance pour cette raison : l’écoute de haute qualité. On tend l’oreille vers l’autre, et on l’entend, dans ses moindres bruissements. Une correspondance arrête le temps et l’assoit pour échanger avec un étranger. Tout vis-à-vis est au départ un étranger. C’est l’effeuillement des mots qui le met à nu. Progressivement, scrupuleusement, langoureusement. C’est ce qui arrive ici, en ce sens que l’écrit d’un résonne dans l’écrit de l’autre. Ils s’entre-découvrent sur le territoire connu de Senneterre. Oui, ce sont des auteurs de l’Abitibi, ce Nord-là dont on aime recevoir les échos. J’ai aimé creuser leur lien en même temps que chacun d’eux. Cependant, l’envers de la médaille est ma désolation, une fois que François Lévesque déclare combien cette correspondance lui est bénéfique, elle s’épuise artificiellement. Si je dis « artificiellement », je signifie qu’elle ne s’est pas épuisée d’elle-même, c’est bel et bien Virginia P. B. qui décide d’y apposer son poing final. Pourquoi? Peut-être par étouffement devant les attentes de son correspondant? Par manque de temps, par manque de jus? Je ne suis que questions, trouvant désolant ce point terminal devant des auteurs venant à peine de réchauffer leur plume.

Enquête chez les Filles du roi de Diane Lacombe – Éditions Québec-Amérique

Le titre m’a attirée par son « Filles du roi ». Ces femmes qui partaient de si loin vers du total inconnu m’ont toujours grandement intriguée. Voyez le poids des mots : Filles du roi annonce une position mystérieusement privilégiée. On ne parle pas de fou du roi, mais de filles! En 1660, les filles ne gagnaient pas le haut du pavé et, pourtant (une fois n’est pas coutume!), le mot « fille » est accolé au mot « roi ». Ces deux mots, se fréquentant effrontément, attisent notre curiosité devant ces héroïnes qui ont bâti notre pays (euh… province!). Préalablement appelés « Filles à marier » (si prosaïque, si banal, presque vulgaire!), c’est à Marguerite Bourgeoys qu’on doit la suprême expression « Filles du roi ». À la lecture de cette liasse de lettres où se découvrent sur le vif les aléas de la vie de ces femmes bien ou mal mariées, on sort convaincu que ces valeureuses méritent leur titre de « Filles du roi ». Elles étaient toutes induites d’une mission : peupler les rangs de la Nouvelle-France. Sans leur labeur, point de Nouvelle-France. L’Histoire en a-t-elle réellement eu conscience? Diane Lacombe se l’est demandé au point qu’elle a pensé inventer des correspondances à ces femmes qui ne savaient, pour la plupart, écrire. Les lettres arrivent goutte à goutte et, bénis soit le manque de papier dans les chaumières, elles répondent toutes au verso de la lettre reçue. Peut-on désirer plus de correspondance que ce jumelage? Je les ai dévorées, tout en les dégustant, afin de ne pas les finir trop rapidement. L’idée de l’auteure est ingénieuse, une des femmes est à la recherche de son fiancé parti en Nouvelle-France depuis quelques années et elle enquête auprès de Filles du roi pour sonder si ce fiancé veut toujours d’elle. Cela fait ressortir en caractère gras le lien solidaire de ces femmes qui sont dans le même bateau : une vie rudimentaire et dure. Chacune d’entre elles nous entretient de la dureté de la vie, rien n’est embelli, rien n’est sublimé et c’est tant mieux. C’est ce que l’on désire avoir « l’heure juste » et c’est ce que nous obtenons. L’impression de fouiner dans les coulisses, dans les pots de chambre et dans les alcôves est grande et rassasie un peu notre curiosité. J’en aurais pris tellement plus! Ces correspondances sont autant de perles rares pour qui veut connaître nos premiers balbutiements de nation.

L’œil de Jupiter de Tristan Malavoy – Éditions Boréal

Est-ce le titre qui m’a attirée? Cette fois, c’est l’auteur. Mon goût va naturellement pour les auteurs qui ont tâté de la poésie et s’il s’y ajoute des aptitudes pour la musique, ma mise est sûre : le style m’élèvera. Ce fut le cas ici. Une histoire contemporaine, une autre au dix-huitième siècle, les deux se déroulant en Louisiane, lieu déterminant qui réunit le passé et le présent. L’histoire contemporaine se concentre sur un professeur en perte de motivation appelé à visiter la Nouvelle-Orléans, en quête d’informations. Il y rencontre une mystérieuse femme qui accentue la couleur de cette ville aux allures bohémiennes. Si depuis toujours, vous désirez mettre les pieds dans l’état de la Louisiane et sa part de mystère, c’est l’occasion de partir avec Tristan Malavoy. Vous serez accompagné d’un guide plein de ressources, n’oubliant aucune facette, aucune ambiance, aucun racoin. L’histoire du passé m’a gardée en appétit, à un point tel que l’alternance des chapitres m’a quelquefois dérangée! C’est ce qui arrive lorsque l’auteur fait voyager d’une histoire à une autre et que j’en préfère une. L’histoire d’Anne Gisé, qui échoue sur le continent en 1792, à moitié morte, m’a vivement captivée. Sa spectaculaire résilience, ses solides ressorts, son inventivité, ses paradoxes, son bébé, j’ai tout souffert avec elle. Pour continuer d’évoluer, elle aura à pardonner, et cette saine odeur nous consolera des affres affreuses de la nature humaine.

Les cibles – Une enquête de Maud Graham de Chrystine Brouillet – Éditions Druide

Titre concis qui appelle l’ultime question : quelles seront ces cibles? Ces cibles sont les homosexuels et j’ajouterais les femmes. L’amorce du roman et son personnage borné, vulgaire, violent ont immédiatement soulevé mon indignation. L’autre personnage au beau vernis aussi. Une forte, une intense, une vorace indignation. J’ai eu le temps de me dire : comme la romancière n’y va pas avec le dos de la cuillère… plutôt avec la hache! Un outil qui saccage sans demi-mesure. J’étais contente d’être projetée dans un nid foisonnant d’émotions, attelée pour vivre un long voyage sur les dents, en tremblant de tous mes viscères. Le lecteur a quelques meurtres à se mettre sous la dent et il en est le complice. Par conséquent, il connaît la vérité pendant que l’équipe d’enquêteurs, Maud Graham en tête, fouilleront les sillons laissés par la vérité. À partir du moment où l’enquête démarre, après environ un quart de pages lues, je me suis calmée, trop calmée. Je savais. Le suspense tournait uniquement au niveau du « comment ». L’auteure ne camoufle plus ses meurtriers. L’a-t-elle déjà fait? Je ne sais pas, ne l’ayant pas lue à ses débuts. De quelle manière, l’écheveau se défilera pour révéler les bas instincts de ceux qui s’abrogent le droit d’enlever la vie? Après une entrée en matière aussi féroce, aussi palpitante, rentrer dans la routine d’un corps policier m’a un peu ennuyée. Pas complètement bien sûr, mais le contraste avec le début est si accentué, qu’à mon sens, il ne pouvait en être autrement. Évidemment, des détails se rajoutent, on se repaît des soupers entre collègues, on décortique, on tâtonne, on jongle avec Maud Graham, comme c’est notre loisir de le faire. Mais, c’est tout. L’émotion forte est avalée et, vers la fin, depuis longtemps digérée.

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