Oui, pourquoi « Méduse »? Pourquoi, « Le sommeil des loutres », et pourquoi, « Mémoire brûlée »? et que dire de l’attirance vers « Le roitelet », ce drôle d’oiseau que je ne connais même pas.
Ne nous posons pas trop de questions pour « Cannes au XXIe siècle ». Les livres documentaires ont cela de pratique que le titre nous situe. C’est le cas ici, même si l’ajoute des auteurs, les « Marc » — Cassivi et Lussier — nos détectives de la scène cinématographique sont un gros apport. Je termine par un invité spécial… (Surprise!)
Méduse de Martine Desjardins – Édition Alto
Pourquoi ce titre? Je me retiens de ne pas m’exclamer « Ben voyons donc, pour Martine! ». Cette autrice est si particulière que je suis certaine d’être propulsée loin de ma routine. Elle fuse vers des ailleurs d’une manière audacieuse, presque spectaculaire. Je la suis sur Facebook, sinon, je douterais qu’elle existe vraiment et, encore plus, après « Méduse ». Voyez comme la couverture fait dans la dentelle rosée, des méduses y nagent en chœur, c’est si aérien, ce déploiement de nageoires ailées! Avant cette lecture, j’abordais la méduse comme sur la page couverture, la toisant en la félicitant de sa joliesse. Aujourd’hui, je sais que sous son élégante innocence se tapit un monstre qui peut empoisonner l’homme d’un serrement de tentacule.
Attention, dans cette histoire, Méduse est le prénom d’une jeune femme, celle dont personne ne veut, car elle serait royalement répulsive. Même ses parents lui vouent du dégoût. Aussi, son père la placera (il en a les moyens) dans un institut pour jeunes filles malformées. Les bienfaiteurs de l’endroit ont tous les droits et s’adonnent à des jeux cruels avec les pensionnaires. Méduse cache plusieurs as dans son jeu. Elle saura contourner la douleur, mais moins le lecteur qui la transpose sur sa chair tendre. J’ai dû jongler avec l’horreur qu’apporte la cruauté sous forme de jeux. Douleur et jeu, des antagonismes ici ralliés, partagent une intimité malsaine. Les bienfaiteurs sont des hommes, les pensionnaires, des femmes, la matrone qui gère cette cruelle galère n’a aucune pitié et voue un grand respect aux mâles.
L’action n’est pas stagnante comme l’eau d’une mare, Méduse traversera une série d’épreuves, tout en force et en ruse. La tension montera à son paroxysme. Il s’agit de garder la confiance, les mystères s’éclairciront et les fils s’attacheront. On n’ère pas en vain dans ce monde de fable méchante.
Le sommeil des loutres de Marie-Christine Chartier – Édition Hurtubise
Pourquoi ce titre? C’est la faute du premier ministre Legault. ;) Il en a conseillé la lecture, et c’est le « oui » qui a fait pencher la balance, car j’aimais déjà le titre et la couverture. L’autrice? Je ne connaissais pas, mais fait sympathique, chacun de ses titres contient le nom d’un animal : « L’allégorie des truites arc-en-ciel » et « Tout comme les tortues ».
Je comprends notre premier ministre… Qui ne se laisserait pas charmer par une histoire d’amour de jeunes adultes qui fondent leur relation à l’aide d’un ingrédient essentiel : le temps? Qui prend de nos jours le temps de monter les fondations de son couple avec un matériau solide comme de la pierre de rivière : l’amitié? C’est la couche de base et ces jeunes écorchés sauront sans trop le réaliser développer une relation assise sur la confiance. Quoi de mieux que d’allonger sa douleur à côté de celle de l’autre pour qu’un petit miracle s’accomplisse : sentir celle de l’autre avant de sentir la sienne. À deux, progressivement, prendre du recul. Le mot « progressivement » est fondamental, car c’est l’aspect savoureux de cette histoire d’amour.
L’amour naît sans la volonté de le nourrir comme tel, il s’insinue naturellement, s’infiltre par tous les pores de leur peau, envahit leur esprit de son oxygène. C’est une naissance, je dirais même une renaissance à deux, un peu malgré eux. Jack est une vedette en sabbatique et Émilie étudie pour devenir médecin. Les deux travaillent dans une pizzeria là où l’on sue sa vie pour la gagner. Ce n’est pas toujours un salaire que l’on va chercher dans un lieu de travail qui nous est pourtant étranger. Histoire d’amour ennobli par l’apprivoisement.
Le roitelet de Jean-François Beauchemin – Québec-Amérique — LA
Qui me connait saura pourquoi ce titre. Toujours cet auteur autour duquel je tourne depuis le début des années 2000. Grosso modo, ce contemplatif sort un titre par année. Il touche également à la poésie ou la poésie le touche, prenez-le comme il vous chante. Le roitelet aborde les perturbations de l’esprit tirées de cette histoire où un écrivain fréquente assidument son frère atteint de schizophrénie.
Il accepte à ce point la condition de son frère qu’on peut avancer qu’il le cueille comme un fruit mystérieusement exotique. Il est pourtant perturbant de fréquenter, en y investissant tout son cœur, un être si différent de soi, ce qui est admirablement et sagement démontré dans cette histoire pacifique. J.F. Beauchemin témoigne de l’invisible et laisse respirer la nature à travers mers et maux. Il est un des rares écrivains qui arrivent à insuffler des silences entre les mots, entre les phrases, entre les images. Le quotidien revêt des habits de poésie candide. Son style apaise les tourbillons de l’esprit et arrête le lecteur devant les beautés simples comme un firmament étoilé ou le regard d’un chien repu de l’amour de son maître. Il faut savoir que Beauchemin s’accompagne de son chien, d’aussi près qu’un Tintin et son Milou.
Mémoire brûlée de Scott Thornley – Boréal NOIR
Pourquoi ce titre? À cause de ma curiosité face à de nouveaux joueurs; Boréal lance une collection « noire » et un nouvel inspecteur entre dans la danse. La réputation de l’inspecteur MacNeice le précède puisqu’il a déjà connu du succès en Ontario. Autre point intriguant, l’auteur, designer graphique de profession, a sorti son premier roman à l’âge de soixante ans à la suite de cauchemars récurrents. En dix ans, il s’apprête à sortir son cinquième, ce qui sous-entend que le filon est bon et le personnage d’inspecteur sympathique et étoffé. Tout pour intriguer les amateurs de polars qui sont de plus en plus nombreux.
Une violoniste jeune et belle est retrouvée dans une position étudiée dans ses moindres détails. Le meurtrier envoie un message clair, mais à qui? L’inspecteur MacNeice se sent interpelé, car feue son épouse était violoniste. Ce procédé pour tuer sa victime sort des sentiers battus. La manière est hautement technique et exige un outil peu commun. Rares sont les personnes qui en ont l’expertise. Un défi à la hauteur d’une équipe, à commencer par un duo, car l’inspecteur est accompagné d’une valeureuse coéquipière. Il agira en gentleman avec celle-ci qui ne restera pas insensible à son charme.
Avez-vous remarqué combien les inspecteurs sont généralement des hommes attractifs pour ces dames? Même si j’ai trouvé le déroulement de l’enquête plutôt convenu, les mobiles un peu tirés par les cheveux, c’est une intrigue solide et je suis prête pour une prochaine enquête. On parle certainement d’une valeur sûre, aucune bavure, l’histoire se tient et un nouvel inspecteur est né.
Cannes au XXIe de Marc Cassivi et Marc-André Lussier – Édition Somme toute
Pourquoi vouloir en apprendre sur les coulisses de ce prestigieux événement qu’est le Festival de Cannes? La réponse est simple : « par curiosité ». Ce festival, une institution indétrônable, irradie sa popularité à travers le monde entier. Les deux « Marc », ces mordus qui couvrent ce festival depuis deux décennies en ont long à dire.
Le livre est divisé par années (20) de festival, autrement dit, on le consomme par bouchée, en compagnie d’un Marc (Lussier) ou de l’autre (Cassivi). Ces journalistes québécois, férus de cinéma, nous exposent comment les journées du festival se déroulent. En lisant entre les lignes, cela nous en donne une bonne idée. À travers les anecdotes qu’ils soulèvent ou les informations autour d’un film sélectionné, on apprend aussi que les journalistes ne sont pas parmi les fêtards.
Après l’ingestion de certains films, avalés, mais pas toujours complètement assimilés, ils doivent sortir un papier attendu par leur journal. Chaque chapitre contient une édition, on épluche les films récipiendaires et l’on a le droit à quelques faits inusités : la longueur de l’ovation, les mots de remerciement, les pleurs, les déceptions, les fâcheries, les tractations des jurés. Certains extraits d’interviews nous sont aussi offerts. À la fin du chapitre, si l’on a égaré un ou l’autre titre, nous avons droit à une fiche avec la mention précise des prix.
Si vous vous attendez à un florilège de cancans de Cannes, vous serez peut-être déçu, ce sont plutôt de sages échos de coulisses destinés à des cinéphiles. Si vous suivez le cinéma américain, français et québécois et êtes ouvert à l’international, vous glanerez plusieurs infos à rajouter à votre culture cinématographique. Ah oui, l’accent est mis sur notre cinéma et ses artisans (Arcand, Dilan, entre autres). Je ne suis pas une fervente cinéphile et j’ai trouvé mon compte dans ce bouquin qui englobe avec aisance deux décennies de cinéma. Le fait que ces journalistes (ordonnés!) aient partagé leurs cahiers de notes nous renvoie une idée d’ensemble, favorisant un pas de recul sur notre septième art.
La Planète du Héron Bleu : 3 ans pour sauver la biodiversité de Jean-Pierre Rogel – Éditions La Presse — Collaboration spéciale : Marc Simard (MARSI)
C’est ici par chapitre que Jean-Pierre Rogel nous introduit dans la belle biodiversité qui caractérise notre planète. Dans les deux premières parties, c’est en nous présentant des exemples patents de ce qu’est cette biodiversité. Des animaux, des lieux et des plantes qui luttent sans cesse pour assurer la pérennité de leur espèce respective. Ce labeur se fait toujours dans un équilibre du milieu, dans une « collaboration » entre les divers éléments qui y cohabitent. Mais voilà, la bête humaine est là sans cesse qui en gruge la moindre parcelle au profit de son confort et de ses luttes. Par contre, certains, et beaucoup même, ont flairé l’hécatombe. La biodiversité ne va pas bien et c’est à l’humanité de la soigner. La troisième et dernière partie nous convie donc à constater que tout n’est pas noir foncé. Que des individus et des institutions s’y penchent jusqu’à tout mettre en œuvre pour panser les plaies. Qu’ils solutionnent pour le présent et pour le futur des leurs et des nôtres.
La Planète du Héron Bleu est une nécessité. On devrait tous lire ce livre et le relire, s’en souvenir et tâcher de mettre en pratique les principes que Jean-Pierre Rogel nous présente. La pandémie, cette satanée pandémie, n’est rien aux côtés de ce qui nous attend si nous persistons à agir comme si la norme était le béton et l’essence. Aimons la biodiversité. Chérissons-la. Faisons en sorte que nous lui laissions la place qui lui revient quand bien même elle serait plus vaste que celle qui nous revient. Serait-ce perdre que de la laisser gagner? Jean-Pierre Rogel ne le pense visiblement pas.
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