Lecture : Récolte au féminin - Les Radieuses

Lecture : Récolte au féminin

Je ne l’ai pas fait exprès. J’ai pris ma récolte mensuelle entre mes mains, je l’ai tournée, lisant les résumés, les noms des écrivains pour découvrir que, ce mois-ci, j’ai lu cinq femmes. Si encore, ces écrivaines avaient donné la parole à un narrateur masculin, je n’en parlerais pas, mais il est question ici de cinq cœurs de femme ouverts à moi et qui sait, peut-être à vous.

Pratique d’incendie de Kiev Renaud – Leméac

Petit opuscule agréable à tenir dans sa main, léger, presque autant que son propos. Je dis « presque », car nous naviguons sur une vague nostalgique (lourdeur) de l’enfance (légèreté). Plusieurs sujets ont la gravité propre aux enfants, l’autrice étant dotée d’une mémoire fabuleuse des péripéties enfantines qu’elle manipule avec délicatesse y déposant de doux parfums poétiques. Certaines phrases sont à sortir du texte pour les regarder luire à la lumière du jour pour les remettre, après usage, dans le coffret livresque.

J’aurais aimé que cet opus se nomme « Sortie de secours » pour pointer l’attention sur l’obsession de la mort de l’enfant narratrice. Un journal intime est offert de toutes les possibilités de quitter ce monde qui ne tourne pas toujours aussi rondement qu’on le voudrait, enfant. Le journal est porté par un humour savoureux. Je suggère une dégustation à petites doses pour un retour sur la pointe des pieds, y découvrant les dangers de l’enfance : « On peut se brûler sans feu, par exemple avec de l’eau bouillante, potentiellement plus dangereuse que des flammes. Je dois veiller à ce que les enfants ne glissent pas de couteaux dans le grille-pain et gardent leurs doigts loin des sourires béats des prises électriques ». Textes à laisser fondre sous le palais comme les peppermints de nos grands-mères.

La Valse de Karine Geoffron – Les éditions Sémaphore

La valse - livreUne vie lisse et parfaite sans odeur ni saveur forme la trame de fond de la vie de cette femme qui n’est pas nommée. Elle a si peu de personnalité, la perfection en polissant les aspérités. Au fait, comment distinguer une femme parfaite d’une autre? Celle-ci se veut si parfaite aux yeux des autres qu’elle investit toute son énergie à organiser, contrôler, prévoir, afin que jamais une émotion pousse de travers dans son jardin aseptisé. De l’extérieur. Mais de l’intérieur, la mauvaise herbe foisonne. L’autrice est habile pour placer en opposition sa vie extérieure parfaitement prévisible à sa vie intérieure follement agitée.

Page après page, cette femme, et sa froideur, est prise d’assaut par le doute. À partir d’un déclencheur, la séparation de sa sœur avec son mari, sa vie intérieure penche progressivement vers le chaos. La tension psychologique qui monte, le combat serré entre la perfection et la folie sont admirablement menés. Je me suis attachée à cette femme qui vise la perfection pour mieux camoufler sa vulnérabilité. J’ai grandement apprécié ce tête-à-tête intime palpitant comme un cœur affolé, et cela jusqu’à la toute fin.

Là où tombent les samares de Valérie Langlois – Libre Expression

Attention, lorsque l’on pénètre sous l’alcôve de cette histoire, il fait froid, c’est sombrement dramatique et ça sent la solitude à plein nez. J’ai eu un peu peur, je l’avoue. Il y a de ces jours où la lumière est un guide indispensable pour y voir clair, même et surtout, en fouillant la vie des autres. Cette femme a subi de rudes épreuves et continue d’en subir. La résilience d’une femme, si forte soit-elle, et d’une lectrice, si attentive soit-elle, a ses limites, aussi, l’apparition d’un mystérieux coffre laissé en héritage par une mère décédée prématurément ouvre une porte positive. Une quête de soi tournera en aventures du « Je » pour le libérer de certaines rigidités accumulées au fil des épreuves.

Emma, dans la mi-trentaine, ne se connaît pas, ce que sa mère a depuis fort longtemps pressenti. En poussant la note, on pourrait quasiment conclure que la mère est morte pour donner naissance à sa fille. Cette quête nous mènera en Écosse, ce pays affectionné par l’autrice (La dernière sorcière d’Écosse) et sa découverte favorisera des rencontres édifiantes. Le lecteur s’est vite senti moins seul avec l’éplorée et les rebondissements familiaux, car oui, elle y a de la famille, réchauffent le cœur jusqu’à ce qu’il sue de bonheur. Bien entendu, le chevalier, même sans cheval blanc, rôdera autour de belle jeune femme qui mérite sa part de lumière. Un roman assez convenu, mais qui s’accueille dans la douceur d’un mieux-vivre.

Les saveurs de la tentation de Marthe Saint-Laurent – Les éditeurs réunis

Une voix intérieure m’a poussée vers ce titre, et heureusement, car je vous avoue ne pas aimer du tout le style de couverture. J’ai l’impression que la photo annonce un roman « savon », et le titre, à mon avis, ne le rachète pas. Encore une leçon d’apparence, il ne faut pas toujours s’y fier. Ce sont des indices, mais pas une finalité, car j’ai bien aimé ce roman. Une histoire sensuelle dans laquelle on se dépose en toute confiance. Le style de Marthe Saint-Laurent est aussi bienveillant, épicurien, qu’esthétique.

Vous aimez consommer l’amour comme un plat de gastronomie fine? Vous serez enchantée! Un prince charmant, envoûté par cette femme œuvrant dans la publicité, est un exceptionnel chef cuisinier, et pas pour des salles à manger entières, uniquement pour sa dulcinée, puisqu’il est retraité. On a toujours cru qu’on séduisait l’homme par son estomac, il est temps de réaliser que la femme également en a un, en plus de palpitantes papilles gustatives. L’autrice y aborde l’engagement amoureux, et pas que sur le bout des lèvres, elle fouille le sujet à fond, au point où des pistes de réflexion sont semées ici et là.

Encore là, les rôles sont inversés, ce n’est pas l’homme qui reste, hésitant, sur le quai de l’engagement avant de plonger, c’est la femme. Ah oui, j’oubliais! Si, à vos yeux, la Provence, et ses parfums enivrants, est un endroit des plus attrayants, l’autrice vous y amène avec sa constante joie de vivre.

Les vertiges du cœur de Nathalie Roy – Libre Expression

J’espère que je ne vous apprends rien, Nathalie Roy est une valeur sûre de notre littérature. Son talent lui donne l’option du projet à longue haleine, ou pas. Ce titre, qui n’amorce pas une série à ce qu’il me semble, nous propose une incursion dans l’univers du droit. Catherine, cinquante-six ans, est reçue avocate, ce qui n’est pas si courant de retourner aux études après avoir élevé trois enfants. Tout aussi particulier, lorsque c’est ton propre mari, avocat prestigieux qui a généreusement payé tes études.

Justement, la question se pose; l’a-t-il aidé par amour ou pour mieux la contrôler lorsqu’elle sera avocate? La question se pose dès le début puisqu’il la veut dans son cabinet, mais Catherine en a décidé autrement. Celle-ci, tout feu tout flamme, tient à ne rien devoir à son conjoint, peut-être qui sait, afin de tester leur amour. Elle s’éloignera de lui, physiquement, allant travailler dans un bureau à Sherbrooke. Est-ce que la distance aura raison de leur amour? Un homme, de tempérament discret rôde autour de son caractère bien trempé. Nous sommes à l’ère de l’indépendance dans le couple et cette histoire pousse le principe dans ces derniers retranchements.

À mes yeux de femme d’un autre âge, il ne me serait jamais venu à l’idée de m’exiler volontairement afin de ne pas vivre le quotidien avec mon homme. L’amitié pèse fort dans la balance de cette histoire et je reste surprise de rencontrer des personnages carencés en amis, obligeant l’autrice à susciter des coups de cœur amicaux afin de fournir des alliés au personnage principal. Une histoire bien attachée qui surprend à certains égards, ce qui me fait dire qu’il serait intéressant d’en faire un sujet de discussion dans le cadre d’une soirée amicale.

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