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Maudit confinement…

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Je suis pourtant habituée à être seule.

C’est le lot des artistes qui, dès que tu mets le nez dehors, doivent s’attendre à rencontrer les gens qui les dévisagent. Ça fait partie du métier. Ce n’est pas si désagréable en soit, mais ça implique de devoir se faire un maquillage minimum, de porter un collant pas trop collant, un chemisier propre et des cheveux ramassés, à défaut de ne pas être lavés et « pernamentés » aux deux jours. Hors ce contexte, je le vois dans les yeux de qui me regardent : t’es une pouilleuse décevante! Désolée : what you see is what you get!

On a beau se convaincre — parce qu’on nous le dit parfois avec mépris — qu’on est des gens comme tout le monde, c’est la fonction qui ne l’est pas. Certains confirmeront que ce n’est pas vrai, mais ils vont dépenser une petite fortune pour acheter les revues afin de découvrir nos secrets, nos amours, nos vêtements… en prouvant ainsi le contraire.

Voilà pourquoi, à cause de ces contingences, s’isoler pour un artiste est le ressourcement nécessaire pour continuer à vivre sans paniquer, ce que peu de gens comprennent quand le sourire ou l’approche que vous nous faites n’est pas gratifié spontanément d’une réponse trop chaleureuse au départ. Après tout, si ça fait plus de 50 ans que j’entre dans votre salon, et même si la croyance populaire peut vous faire croire que de l’autre bout de la lentille, j’ai pu vous voir en bobette et sentir combien vous m’appréciez, je ne vous connais pas. Outre l’étonnement, votre regard dégage bien souvent un sens de jugement. Quelle direction ça prend?… C’est « ça » qui régularise notre attitude de « bête traquée » remplie d’appréhension que vous ne pouvez comprendre tout de suite et qui peut ressembler à un rejet. Juré! Ça n’a rien à voir avec vous, mais avec le contexte.

Et voilà qu’est apparu le coronavirus. En ce moment, tout est à l’envers.

Alors aussi seule que je puisse désirer l’être, c’est devenu une situation impossible à vivre. Je veux voir du monde. Beaucoup de monde. N’importe qui, pourvu qu’il ait deux bras, deux jambes et une rangée de dents époustouflantes qui répondra à mon sourire quand je donne le mien. Parce que oui, j’ai envie de vous parler.

Ça fait que contrairement à avant où la conversation avec mes amis intimes m’alimentait suffisamment pour que je ne m’ouvre pas les veines, j’ai une maudite belle approche quand je vais à l’épicerie en ce moment et que je me mets spontanément à approcher… à distance… tout le monde.

Et, pour prendre plus de temps à l’extérieur, malgré l’âge que j’ai et qui fait que je ne devrais JAMAIS sortir, je traine inlassablement dans les allées sans suivre les maudites flèches qui m’obligent, moi qui suis profondément allergique aux directives idiotes, de faire le grand détour pour la « canisse » de sirop d’érable qui est à 10 pieds, mais du mauvais bord! Déjà que je garde mes maudits 6 pieds de distance KÉCÉ que tu veux de plus de moi, chose?

N’importe quoi dans ce sacro saint lieu béni dédié à l’épicerie, histoire de voir du neuf. Je connais maintenant toutes les marques de beurre de peanut et de chips existantes!

À preuve que tout est à l’envers : à la SAQ, on nous demande à voir nos papiers pour nous interdire l’entrée parce qu’on a 70 ans passés et non…, ironie, plus que 18 maintenant…!!!!

À cet endroit encore, oh bonheur, j’ai découvert des alcools nouveaux! Et à la maison, j’ai développé une nouvelle propension à m’étourdir de ce divin nectar tous les soirs vers 6 h en écoutant et en criant à tue-tête les réponses au Le Tricheur… Comme si j’y étais. Comme si j’allais gagner tout cet argent à moi — et pour moi — toute seule.

Mon temps le plus long se passe à faire mon jardin. J’ai déjà &?&*%?$# maudits sacs de feuilles, de branches, d’épines et de cocottes de pins de ramassés… et des muscles d’acier!!!!! J’en ai brûlé autant. Et quand je sors, je sens tellement la fumée de branches brûlées que j’ai peur qu’on ne sorte un extincteur un jour et que l’on m’en arrose.

Je ne regarde que très peu la télé, car je m’exaspère sur les gérants d’estrade qui naturellement ont toutes les réponses que n’ont pas instantanément monsieur Legault et Arruda. Non seulement ma patience est mise à rude épreuve, mais une envie de violence instantanée me tord les boyaux et un vocabulaire qu’on ne me connaît pas naît entre mes lèvres. Personne n’a et n’aura la réponse parfaite pendant encore des mois. Calmez-vous le pompon la gang. Et puis… et puis….

— Je suis membre du jury pour les prix Gémeaux — 40 émissions à regarder, et de belles surprises.

— Je pense à faire une émission « cours de création » sur internet (comme je les fais parfois pour les groupes qui me le demandent) pour ceux habiles de leur main, ou voulant le devenir. Le croiriez-vous, je peux vous apprendre à faire des étoiles magnifiques et scintillantes avec les rouleaux intérieurs de rouleaux de papier de toilette. S’il faut en croire la photo des paniers sortant du Costco et au nombre que vous avez acheté, votre arbre de Noël sera près en juin. Ceci dit, ça me fait penser à vous demander : suis-je la seule à refuser d’aller acheter du papier de toilette en ce moment? J’ai tellement peur de passer pour une névrosée que l’achat de 2 rouleaux me semble suspect. Je les cache sous mon manteau, quitte à me faire accuser d’essayer de faire un vol. C’est préférable à « folle furieuse », il me semble!

Et voyons ce qui me reste à faire…

— Brûler les lettres de mes anciens amoureux — 3 sacs bien pleins passés à la déchiqueteuse : Check! — et renvoyer aux « amis du passé », encore célibataires, les plus belles, histoire de leur faire réaliser ce qu’ils ont laissé tomber! Ça s’appelle la vengeance au cœur de l’Indien! Que ça fait du bien!

— Réaliser que tout ce que fait Ricardo n’est pas si pire et pas si compliqué, mais que j’aimerais qu’il invente une recette qu’on sert directement sur le comptoir de la cuisine ou sur la table… laver la vaisselle… Pu capable! J’avais déjà vu un restaurant quelque part qui faisait ça. Génial!

— Ah oui, réassortir tous mes bas orphelins! Je ne savais pas que j’avais tant de chaussettes. Ce que je ne comprends pas par contre est pourquoi il m’en reste tout de même 4 ou 5 où jamais je n’ai pu récupérer l’autre!!!! Ça et le mystère de la Caramilk : même combat!

Et puis le téléphone sonne : seriez-vous disponible pour écrire des textes pour Les Radieuses?

— Vraiment? Combien de mots?

— 1500 environ

— Seulement. Eille j’ai deux mois de parlotte à récupérer, moi! Et les sujets?

— Ce qui vous plaît

— Yehhh! tout me plaît!

J’y ai pensé. J’ai rencontré tellement de gens intéressants dans ma vie. Ils sont tous dans un métier de communications. Pourquoi ne pas parler d’eux? Vus de l’intérieur; vous aurez de belles surprises aussi. Et puis… et puis, si je m’ennuie, ou que quelque chose d’autre me surprend… je vous en ferai profiter. Pourquoi pas?

À bientôt donc… Écrivez-moi… ça aussi ça me rend très volubile.

Je vous partage aussi ma recette « découverte confinement » nectar nouveau!

  • De la vodka :  une once
  • Une giclée de liqueur de litchi (de marque Soho)
  • Une gicle de Triple sec
  • Remplir le verre de jus de canneberge blanc
  • Y ajouter de vrais litchis en canne
PS. Vous pouvez remplacer le triple sec par le jus des litchis en canne. Santé!

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9 Responses

  1. Ça fait du bien de lire ça se matin trop drôle ? et inspirante , si ont pouvaient écrire en ce moment , tout ce qu’ont vie et ressent ?

  2. Merci . Très agréable à lire et c’est vrai que nous sommes plusieurs qui souffrons De confinementite aiguë.

    J’espère que de bonnes nouvelles mais ……….

  3. Madame Ouimet comme on dit dans le métier « je vous aime d’amour ». Je veux vous voir, vous entendre. J’ai hâte de lire la suite. Je suis certaine que vous avez beaucoup à offrir.

  4. J’adore comment vous écrivez: c’est vivant, sympathique et agréable! Merci et au plaisir de vous lire à nouveau très bientôt…

  5. Danielle, vous m’avez fait sourire. A propos, moi aussi, je me sens un peu mal à l’aise d’acheter du papier de toilette. J’ai un peu le même feeling que vous quand je vais faire mon épicerie.
    Ah et que vous écrivez bien.
    J’ai eu 69 ans pendant la pandémie. Ce chiffre me donne le tournis. Moi qui pensais naîvement que je ne vieillirais pas, que je serais éternelle! Oh illusion de la jeunesse!
    Ecrivez-nous, nous aimons vous lire.
    Bon déconfinement Danielle.

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