Songe d’une nuit d’été - Les Radieuses

Songe d’une nuit d’été

Chronique d’une catastrophe annoncée!

Été 1965, été de mes 8 ans. Je passe toutes mes vacances d’été avec ma grande sœur Diane au chalet de notre grand-mère maternelle à Val-Barrette tout près de Mont-Laurier. On est vraiment dans le fin fond du bois, là où il y a des ours parfois qui se disputent avec nous les framboises qu’on va cueillir avec grand-maman Rose quand il fait beau.

C’est un été comme les autres, rempli de promesses et de belles découvertes. Quand il pleut, je lis la Comtesse de Ségur, Les malheurs de Sophie et Les petites filles modèles. Le reste du temps, je le passe au bord de l’eau ou plutôt sur l’eau. Car j’ai une passion dévorante qui se nomme ramer. Ramer, ramer, ramer même quand la chaloupe de grand-maman est attachée au quai. Je rêve de partir à l’aventure avec cette chaloupe qui prend un peu l’eau. Je dois enlever sans cesse l’eau qui s’accumule au fond de la chaloupe à l’aide d’une boîte de conserve vide qui fait partie de l’équipement de base de ce magnifique bateau à rames qui me permettra un jour d’aller faire le tour du lac Vert et de ses petites îles que je vois au loin et qui m’appellent.

Quand je ne suis pas sur l’eau, je joue au magasin général avec ma sœur. C’est elle qui s’occupe du magasin parce que c’est l’ainée et qu’elle a la bosse des affaires. Je m’y rends pour acheter des petites pierres, du sable ou des feuilles qu’elle fait semblant de peser et d’emballer dans un papier qu’elle referme soigneusement et me remet. Je fais semblant de payer et on recommence le manège à l’infini.

Il y a aussi ces moments où l’on se rend parfois toutes les deux dans la bécosse située au fond du terrain près du lac pour fumer une cigarette qu’on a volé à grand-maman. Une Peter Jackson d’une longueur interminable. On risque de s’étouffer à chaque bouffée qu’on inspire et d’être prises en flagrant délit. Grand-maman ne nous demande jamais pourquoi nous allons toujours faire pipi en même temps. On est tellement fières de la déjouer à chaque fois.

Et puis un jour, ma sœur a une idée de génie. Fini le magasin général, fini de ramer dans 3 pouces d’eau. C’est plate à la longue et on a besoin de relever de nouveaux défis! Elle a trouvé une activité qui va nous tenir en haleine pour un bon bout de temps. Elle a vu ça dans un film comique avec Louis de Funès, un acteur français aux mimiques irrésistibles.

On va provoquer des cascades dignes de Rémi Julienne. Il faut tout d’abord trouver une GROSSE roche qu’on va placer au beau milieu de la route et y dessiner une flèche qui pointe en direction du lac. Quand les voitures verront cette flèche, elles prendront sûrement la direction indiquée, celle du lac. Et nous deux, bien cachées dans le fossé, on va se bidonner.

On a fini par trouver une roche qui convenait à notre plan diabolique. Comme elle était assez lourde, il a fallu la rouler jusqu’à la route. On s’est installées ensuite aux premières loges pour guetter notre première victime qui est arrivée après de longues minutes car la route qui fait le tour du lac n’est pas très fréquentée. Une voiture a fini par arriver et a vu la grosse pierre qui lui barrait le chemin. Un monsieur en est descendu en prononçant des mots qu’on entend d’habitude à l’église. Et c’est là qu’il nous a aperçu ma sœur et moi cachées dans le ravin en contrebas de la route. Il nous a demandé si c’était nous qui avions fait ça et si oui, il allait avertir notre père ou notre mère, celui des deux qui serait disponible pour nous passer un savon que nous ne serions pas prêtes d’oublier. À ce moment-là, j’ai bondi de notre trou avec le cœur qui me sortait de la poitrine et j’ai crié que c’était ma sœur la grande coupable et que je n’étais que témoin de l’événement. Je ne pense pas qu’il m’ait cru une seule seconde. Ma sœur en a profité pour déguerpir elle aussi et aller se cacher dans le chalet de grand-maman qui ne s’était aperçue de rien heureusement.

On a jamais su si cette grosse pierre aurait pu provoquer une cascade digne d’un film de James Bond ou d’un Fast and Furius… Je peux seulement vous dire que les jours suivants on a recommencé à jouer au magasin général et moi à ramer dans 3 pouces d’eau. Je pense qu’il y a des gens qui l’ont échappé belle!

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