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Tout le monde aime Michel Louvain

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C’est un réel tsunami de tristesse et de stupéfaction qui s’est abattu sur la population depuis la nouvelle de la mort de Michel Louvain.

Photo-souvenir de Danielle Ouimet

C’est peut-être parce que ses fans ont le même âge que ses succès, mais on dirait que son départ a fait sonner une cloche dans nos têtes, comme un tic-tac qui est venu nous rappeler que notre tour viendra aussi. Avouez-le, on le croyait et on le voulait éternel!

Quand j’étais adolescente, je faisais du gardiennage dans le but unique d’avoir de l’argent pour m’acheter ses disques. Pendant que les enfants dormaient, j’écoutais la radio et j’écrivais les paroles de ses chansons pour pouvoir les chanter « avec lui » à sa prochaine audition radio-télé.

Le 14 février 1960, voici ce que j’écrivais dans mon journal intime :

Aujourd’hui est un grand jour, je vais voir Michel Louvain chanter au Jesù, son patois est « caline », sa chanson préférée est « Ay! mourir pour toi » je vais m’amuser à l’école et leur faire croire que je suis allée dans sa loge!

J’avais 14 ans! Un peu plus tard cette année-là, Michel Louvain faisait son premier voyage en Europe. Mon père nous avait amenées, ma cousine Suzanne et moi, le voir partir à l’aéroport de Dorval. Plus débrouillardes que les autres, nous étions passées par la soute à bagages pour nous retrouver au pied de l’escalier de son avion, dans l’ultime but d’être les dernières à l’embrasser.

Car, malgré qu’il eût 24 ans à l’époque, je SAVAIS que c’était moi qu’il allait marier. J’en étais persuadée… tout comme les ¾ de la faune féminine du Québec de l’époque d’ailleurs. Mais MOI, il ne pourrait jamais me résister…!

Photo-souvenir de Danielle Ouimet

Et puis… et puis… j’ai eu 16 ans, j’ai rencontré Pierre Lalonde, et mon mariage venait de changer de bord, mais pas mon estime pour mon idole.

Bien qu’on ait très souvent travaillé ensemble, je ne peux pas prétendre avoir été une amie intime. Mais en vieillissant, nous sommes devenus suffisamment proches pour se parler à cœur ouvert et sans réserve lorsqu’on en avait l’occasion. De par sa rareté, chaque moment devenait alors un cadeau.

Photo-souvenir de Danielle Ouimet

Michel c’était la probité incarnée. Sa plus grande qualité, celle qui selon moi supplantait les autres, était la grande fidélité envers son public. Puis, venait celle qu’il s’accordait à lui-même.

Il se donnait le luxe et le courage d’aller à contre-courant et de ne faire que ce qu’il aimait, car autrement cela aurait sonné faux chez lui et donc aussi, auprès de SON public.

S’il existe un métier qui exige de savoir s’adapter aux tendances pour se faire aimer et rameuter un nouveau public, c’est bien celui-là! Mais pour Michel, c’était impossible, il ne le voulait pas. Du moins, pas à tout prix.

Photo-souvenir de Danielle Ouimet

Michel savait qui étaient ses fans, son public cible, ceux qui ont grandi avec lui et ça lui suffisait. Tous ceux qui venaient « en plus » et tardivement étaient un cadeau de la vie et au lieu de trouver ça normal, il s’en étonnait.

Évidemment, faire ce métier veut dire se créer un rôle et certains croient que ce faisant votre vraie nature cesse d’exister. Est-ce que Michel avait des défauts? Évidemment. Il n’était pas un modèle de patience! Comme toute personne élevée pour n’atteindre que la perfection, ses exigences envers lui-même prenaient souvent plus de place que celle du gros bon sens.

Photo-souvenir de Danielle Ouimet

Et puis, non, il ne parlait pas de sa vie privée.

Aurait-il dû parler de son homosexualité alors qu’il était conscient du prix qu’il aurait à payer pour le faire? Tout d’abord, il y aurait eu un impact sur sa popularité à une époque où l’hystérie accompagnait chacune de ses sorties.

Mais, en dehors du soulagement personnel d’avouer publiquement cette « vérité », il savait surtout que d’en révéler davantage donnerait l’occasion à ses détracteurs de le juger inutilement et détournerait les regards de l’essentiel : ce qu’il avait à donner.

C’était le seul luxe qu’il se payait : avoir une vie privée, mais surtout de protéger du mieux qu’il le pouvait celui qu’il aimait. Comment l’en blâmer? À une époque où l’on a l’indécence de raconter maintenant ses parties de jambes en l’air en pleine télévision, je rappelle que c’est ça aussi l’élégance : savoir se taire sur l’inutile.

Photo-souvenir de Danielle Ouimet

Radieuses, laissez-moi vous raconter une anecdote qui m’a beaucoup étonnée et qui m’a montré sa vulnérabilité, me le rendant encore plus attachant.

J’étais invitée à une émission à caractère un peu intellectuelle qui fait appel aux événements du passé. Michel avait aussi été approché comme invité. Je l’appelle pour lui communiquer mon bonheur de l’y voir et à ma grande surprise il me dit qu’il n’ira pas! « Et si l’on me pose une question et que je ne sais pas quoi répondre… ? »

J’ai dû lui expliquer que ce n’était pas une émission piège, qu’on n’exigeait pas de lui la perfection. Rassuré, il est venu et l’émission fut un grand succès, un peu comme tout ce qu’il touche… Pensez à la chorégraphie Gangnam style qu’il a exécutée parfaitement à la demande d’Éric Salvail! À 78 ans, il a non seulement appris la danse, mais aussi les paroles en coréen!

 

Voici un extrait étonnamment lucide d’un entretien que j’ai fait avec lui.

« Depuis les 30 dernières années, je suis très surpris de ce que la vie me réserve. Plus qu’à mes débuts. Parce qu’au tout début, et depuis le Colisée de Québec où j’ai connu une gloire instantanée, j’avais perdu le fil de la réalité. Ça allait trop vite à l’époque. Je ne réalisais pas ce qui m’arrivait. J’enchaînais le travail et je n’avais aucun moment pour l’introspection.

Je flottais dans cette réalité que bien peu de gens avaient la chance de vivre. En même temps, comme on me reconnaissait partout, je savais que je ne pouvais pas me permettre de faire n’importe quoi (…) Je me suis privé. »

Je vous laisse sur les paroles de Michel ainsi qu’un de mes souvenirs précieux avec celui que j’ai connu et que j’ai aimé depuis mes 14 ans…

« Si j’ai une journée à moi, je ne sors pas, ne me rase pas, et je reste en jogging. J’écoute la musique que j’aime, je relaxe à la maison, je suis un pantouflard.

(…) Je suis aussi un homme de maison. J’ai mes outils, je n’ai pas peur de prendre un marteau ou une scie, me salir et régler les problèmes reliés à une réparation ou un aménagement. Je joue dans la terre, je peins, rien ne m’énerve. Je finis par trouver des solutions pour chaque problème. Il y a qu’une seule chose qui me donne de l’aversion… même si je me débrouille, je ne suis pas bon en cuisine. »

En effet, un jour, il m’appelle : « On a besoin de toi! Viens en début d’après-midi, on prendra le cocktail après! ».

Cette visite, c’était pour aider sa voisine qui faisait près de 80 pots de ketchup maison dans le jardin. À la chaîne, on pelait, cuisait, broyait et empotait la précieuse recette. Et vers les 17 heures, j’ai eu droit au plus merveilleux gin tonic qu’il m’est encore donné de boire aujourd’hui. Seul Michel en avait la recette…

Michel Louvain faisait l’unanimité dans la colonie artistique.

La preuve? L’Assemblée nationale lui a rendu hommage. Il a eu droit — et c’est très rare — à une minute de silence, initiée par une Dominique Anglade, alors vêtue « de bleu » pour l’occasion!

Pourquoi le monde aime-t-il autant Michel Louvain?

Simplement parce qu’il est l’image de la simplicité, de la persévérance, de l’altruisme et du bonheur simple. Les avait-il toutes ces vertus? Probablement pas, mais elles étaient présentes chez lui, non pas pour l’image, mais bien par respect de l’admiration qu’on lui vouait.

Photo-souvenir de Danielle Ouimet

Ce respect — l’avez-vous remarqué — qui n’existe plus beaucoup aujourd’hui et qui sera fort probablement enterré avec lui, grand Prince au charme suranné, mais oh combien apprécié!

Salut Michel,

Danielle

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2 Responses

  1. Wow merci beaucoup pour ce bel entretien, ça nous rappel que nous recherchons tous la même chose le bonheur dans la simplicité ?

    Ce qui sera mon mantra pour quelque temps : savoir se taire sur l’inutile, en cet ère… nous en avons plus que besoin

    Merci madame Ouimet et les Radieuses, vous faites ma journée ?

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