Tranche de vie: Jasons de tout… mais finalement de rien! - Les Radieuses

Tranche de vie: Jasons de tout… mais finalement de rien!

Dans une récente chronique lors de l’émission de Pénélope McQuade, la neuroscientifique Mme Sonia Lupien nous parlait du «small talk». Ah, le small talk, qu’est-ce que ça mange en hiver? Je vous explique; le «small talk», c’est cette danse sociale délicate où l’on échange des banalités avec grâce, tout en feignant d’être profondément absorbé par la météo ou les embouteillages sur l’autoroute. Imaginez un instant : vous êtes à une soirée, un cocktail d’entreprise ou, pire encore, coincé dans un ascenseur avec votre voisin que vous ne connaissez que de vue. Voilà que le «small talk» entre en scène, ce héros méconnu qui sauve les conversations de l’embarras du silence. Dites-moi : parmi vous, qui n’a jamais vécu pareille situation?

L’anxiété conversationnelle

Pour certains, ces moments se transforment en véritables crises d’anxiété conversationnelle et ce fardeau insidieux transforme chaque échange en épreuve d’endurance. Imaginez un instant : pour eux, c’est comme se préparer à une expédition en haute montagne, sans oxygène.

Imaginez la scène : dès que vous franchissez le seuil de la porte, une montée d’adrénaline vous submerge. Vous avez l’impression d’entrer sur un ring de boxe, les regards sont des crochets, les sourires des uppercuts. Vous esquivez les premières questions comme un matador face à un taureau furieux. «Comment ça va ?» demande quelqu’un, et là, votre cerveau s’emballe. Vous vous mettez à calculer les milliers de réponses possibles. «Bien, merci» est trop banal, «Pas terrible» risque de plomber l’ambiance, et «Super!» est un mensonge éhonté. Finalement, vous optez pour un timide «Ça va…», espérant que personne ne creuse plus loin!

Les petits groupes se forment, les discussions fusent et vous voilà plongé dans la mer agitée des interactions humaines. Vous flottez, essayant de ne pas couler sous le poids des sujets légers comme la météo ou le dernier épisode de la série à la mode. Vous rêvez d’une bouée de sauvetage, un sujet que vous maîtrisez parfaitement, mais chaque tentative se transforme en naufrage. «Avez-vous déjà remarqué que les nids de poule semblent gouverner nos villes?» Silence. Vous réalisez alors que la population aviaire n’est pas le sujet de conversation le plus fédérateur.

Pas simple le silence

Et puis, il y a les silences. Ah, ces silences! Ceux qui s’étirent et vous mettent mal à l’aise. Votre cerveau devient une usine de scénarios catastrophes. «Ai-je dit quelque chose d’inapproprié?», «Est-ce que j’ai un bout de salade coincé entre les dents?», «Pourquoi personne ne parle?». Vous vous torturez intérieurement, cherchant frénétiquement un sujet, n’importe quel sujet, pour combler ce vide abyssal.

La cerise sur le gâteau, ce sont les moments où quelqu’un vous pose une question directe. C’est le moment de vérité, le face-à-face avec votre anxiété. Vous sentez tous les regards braqués sur vous. Chaque mot devient une pierre lourde à sortir de votre bouche. Votre cœur bat la chamade, votre cerveau se met en mode panique, et tout ce que vous parvenez à articuler ressemble à un vague murmure. «Euh… oui, peut-être…» Ce qui, convenons-en, n’est pas la réponse la plus brillante.

Les heures passent et vous commencez à sentir la fatigue. L’anxiété conversationnelle est une épreuve épuisante, elle vous draine de toute énergie. Vous regardez discrètement votre montre, espérant que le moment de partir soit proche. Lorsque, finalement, l’heure de la délivrance arrive, vous vous levez, souriez poliment, et filez vers la sortie comme si vous étiez en quête de liberté.

De retour chez vous, épuisé, mais victorieux, vous vous promettez de ne plus jamais refaire ça. Pourtant, au fond de vous, vous savez que la prochaine invitation sera acceptée, et que l’anxiété conversationnelle sera de nouveau au rendez-vous. Parce qu’au fond, ces moments de stress et de maladresse font aussi partie de la vie, et avec un peu de chance, ils deviendront de belles anecdotes à raconter.

Ainsi va la vie de ceux qui, avec humour et résilience, affrontent chaque jour les défis de l’anxiété conversationnelle parce que le «small talk», c’est comme un trampoline émotionnel : ça ne mène nulle part, mais ça nous fait sauter d’un sujet à l’autre sans jamais toucher le fond.

Martin Gaudreault, artiste-photographe et scribouillard

Tant qu’à y être

Le départ de Caroline Dawson m’invite à vous suggérer à nouveau ce livre magnifique : Là où je me terre — Édition Remue-Ménage. «Valparaiso, décembre 1986, tremblement de terre entre les quatre murs d’une maison. Un homme et une femme annoncent à leurs enfants qu’il faut tout laisser derrière et fuir le Chili de Pinochet. C’est Noël, la petite Caroline a sept ans et elle aura la nausée durant tout le voyage. La fillette atterrit à Montréal. En plus de la neige dehors, il y a le tapis rouge vin de l’hôtel Ramada qui accueille les personnes réfugiées en attente de papiers. Entre l’exil, les fantômes du passé et le jeu des différences, la petite Caroline camouflera sa furieuse envie de vivre pour ne plus détonner et devenir une immigrante modèle.» Bon repos, chère Caroline.

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