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Tranche de vie : La dérapeuse

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Cette expression n’est pas de moi, mais elle est apparue dans mes souvenirs comme le sous-marin explorant les abysses des fonds marins. Elle est plutôt d’un bon voisin, qui, un jour, avait fait une vilaine chute se cassant l’avant-bras. Dans sa bienveillance et aussi en remerciements des soins prodigués, il appelait sa physio; sa dérapeuse. Par la qualité de ses soins, cette spécialiste de la santé physique avait su lui éviter bien des maux et peut-être une mise au rancart inattendue.

La dérapeuse

La multiciplité des évènements malheureux des dernières semaines m’a ramené à ce mot sorti du nulle part. Les gars ne vont pas bien, c’est évident, ça crève la lunette d’approche. Je n’accuse pas, mais, comme nous tous, je constate, je fais le constat, j’essaie tant bien que mal de comprendre.

En ce qui me concerne, j’ai eu recours à une dérapeuse de l’âme, lire ici une psy. Ben oui, le gars a ben de la misère à gérer ses émotions, perdu dans ses pensées pas toujours ensoleillées. À cette époque, je ne m’étais pas brisé l’avant-bras, mais c’est dans mon esprit qu’il y avait cassure. Les os, c’est dur, c’est tangible. C’est recouvert de tissus humains qui composent la charpente humaine. Les émotions, les pensées noires, ça fragilise toutes les charpentes autant des petits que des grands. J’ai été chanceux dans l’histoire, je n’ai pas eu à remonter bien loin pour comprendre ce qui n’allait pas. J’ai été entouré, surveillé par des gens bienveillants. Il faisait vraiment noir dans la chambre à développement du film de ma vie. Pas de plan précis, mais l’effleurement des embruns sur le ressenti des émotions.

À ma première consultation, j’avais plutôt l’air d’un chien battu, ne sachant pas trop par quel bout de la lorgnette pogner la patente. C’est Guy Corneau, psychanalyste, qui précise que « Dans notre culture, en l’absence de modèles paternels adéquats, je veux dire par là de figures paternelles compréhensives et affectueuses, les hommes, au lieu de se développer positivement en rapport avec la sensibilité paternelle, se développent négativement contre l’image maternelle. Ils procèdent ainsi pour ne pas être assimilés aux femmes. »

Pour ma part, j’ai été chanceux, mon paternel avait de la bienveillance et de la compréhension dans la maisonnée. Malgré tout, c’est fort la pensée, il demeurait, dans mon esprit, qu’un homme, ça devait être fort, stoïque, loin de ses émotions, capable d’en prendre, d’endurer. J’avais le sac émotif plein, un poids indescriptible sur les épaules du gars supposément fort et imperturbable. Mais je me disais que je ne devais pas être le seul homme à qui cela arrivait.

Ma thérapeute a su aller directement au but, me mettant le miroir en pleine face. Elle n’a pas remis en question le côté masculin de ce que j’étais, elle m’a fait comprendre l’importance de nommer les émotions, de prendre exemple sur le paternel et de vider le sac si lourd sur mes épaules. Une vraie révélation, j’avais la possibilité d’exprimer mes frustrations, mes colères, mes déceptions et de me confronter à moi-même. Quel beau voyage intérieur dans un tout-inclus de l’expérientiel qu’aucun séjour dans des contrées lointaines ne pourra jamais remplacer.

Les boys, être un homme, être masculin, ce n’est pas une maladie honteuse.

Tu as le droit de ne pas bien aller, de vivre des tempêtes, de te remettre en question, ce n’est pas de ta faute de ne pas savoir quoi faire avec ton sac si lourd sur ta clavicule du désespoir. Mais n’hésite pas, parle à tes amis, tes collègues, ton voisin, tu as le droit de prendre le haut-parleur et de faire monter les décibels du parlement psychique.

S’il vous plaît, ne cherchons pas de coupable, juste un constat, notre société a un mal de vivre et les hommes en font partie. Dans la formidable série savamment animée par le gars de par chez-nous, Dany Turcotte, des gars ordinaires, des experts, des travailleurs, des chercheurs trouvent les mots pour bien décrire la réalité masculine actuelle des hommes. Les filles, écoutez ça avec vos hommes, pas besoin d’aller à l’époque de nos pères, un jeune homme (dans le début trentaine) explique brillamment sa réalité masculine actuelle et confesse qu’il n’avait aucune idée de ce qu’était le rôle d’un homme. Notre société joue un rôle fondamental afin de conscientiser et de faire évoluer les mentalités, et ce, dès le plus jeune âge.

Ça ne vient pas tout seul cette affaire, ça va nous prendre des excités du bocal pour changer la chansonnette du désespoir masculin. Nous avons besoin de gars, de leaders masculins, de mentors qui vont nous servir d’exemple, de gars qui parle en gars, ben oui, ça se peut et pas seulement en thérapie. Quelquefois, on conjugue les mots d’église, je le sais que ce n’est pas élégant, mais pour certains l’expression du mal de vivre passe justement par le Saint-Esprit.

L’empathie, la compassion, les confidences, l’écoute, la patience, ce ne sont pas juste des affaires de filles, c’est aussi de notre affaire, les gars. On finit par l’apprendre, même si ça nous prend plus de temps. Ce n’est pas par manque d’intelligence, c’est seulement qu’on ne le comprend pas tout le temps. Faites-moi confiance les gars, quand on se découvre et que l’on démontre sans pudeur nos failles, nos blessures et nos faiblesses, c’est là que, rapidement, l’on devient, un maudit bon gars!!!

À la revoyure!

Martin Gaudreault

Tant qu’à y’être…

À écouter : Du côté des hommes – Canal Savoir

Parue très récemment : La masculinité antitoxique, ce que tout homme bienveillant devrait savoir – Michel Dorais – Édition du Trécarré – 231 pages (pas encore lue, mais si l’éditeur en a une copie de trop, je suis preneur…)

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Une réponse

  1. Quel beau témoignage il faut le publier dans les journaux pour encore plus de visibilité! Merci pour ce très bel article.

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