Mme Marilyn Hébert
Ce texte a été composé dans le cadre de la deuxième édition du concours «Quand la sagesse s’exprime» en collaboration avec Chartwell, résidences pour retraités. En tout, 6 textes seront publiés. Il est le deuxième des textes que nous vous présenterons au cours des prochains mois.
Cette histoire commence à l’automne 2018, à la piscine de notre résidence Chartwell Manoir Saint-Jérôme. Sept autres femmes et moi, on se trouvait là pour un cours d’aquaforme. On était presque prêtes à commencer nos exercices quand soudainement la porte de la piscine s’ouvre et une femme entre. « Est-ce que vous acceptez des personnes très âgées ici? », demande Alice Bertrand, avec un sourire aux lèvres.
« Mais bien sûr, soyez la bienvenue. » Un peu curieuse, je lui demande : « Quel âge avez-vous? » « Quatre-vingt-treize, en novembre », répond-elle, toujours en souriant. Et tout en acceptant qu’on la tutoie en dépit de son âge vénérable, Alice descend les marches dans l’eau, se place proche de moi, et suit tous les exercices selon mes directives, même si elle a des difficultés à bien voir et bien entendre. De plus, elle applique aux exercices la respiration apprise dans un autre cours, la gymnastique douce. En peu de temps, Alice devient la « chouchoute » de tout le groupe.
La petite Alice a grandi à l’ère de la Bolduc. Les paroles du « R-100 » la faisaient rire beaucoup, et le dirigeable la faisait rêver, les yeux vers le ciel. Mais la vie a des moments de grande tristesse aussi. À l’âge de dix ans, son père bien-aimé est tombé d’un arbre en essayant de couper une branche, et il est mort là sur le trottoir, en laissant six enfants orphelins de Papa.
Des années plus tard, Alice marie un policier qui, comme tous les policiers à cette époque-là, fait son travail en marchant, surtout sur la rue Frontenac. Elle me confie avoir beaucoup aimé cet homme, même s’il ne lui a « jamais donné aucun bijou ni même un bouquet de fleurs »… Ils ont eu ensemble sept enfants, quatre garçons et trois filles, dont l’une est décédée très jeune – un deuil jamais terminé.
Après le décès de son mari, son fils André l’a invitée à faire un voyage avec lui. Non, pas en dirigeable, mais en avion! Elle s’est montré une compagne de voyage tellement agréable et enthousiaste qu’il l’a invitée treize autres fois! De tous ces voyages, que ce soit en Europe, aux États-Unis ou en Asie, Alice garde surtout des souvenirs d’un voyage en Thaïlande où une masseuse lui a marché sur le dos — sans lui faire le moindre mal — et où assise sur un éléphant, elle a mis ses pieds de chaque côté de ses oreilles! Mais c’est sans doute à la Fontaine de Jouvence, en Italie, où elle a bu le secret de l’énergie qui a marqué sa vie jusqu’à maintenant. Imaginez-vous, l’an passé à quatre-vingt-seize ans, elle marchait de sa résidence jusqu’au IGA, presque une heure aller-retour! Et même si elle devient plus sage, elle continue de marcher au moins une demi-heure chaque jour, et à une bonne vitesse.
Dernièrement, lors d’une de mes visites chez elle, un jour assez frais du mois de septembre, Alice me racontait que Pierre, un de ses fils, venait de lui téléphoner en lui disant : « Maman, ne mets pas ton bikini aujourd’hui », un deux-pièces qu’il lui avait donné lors d’un de ses voyages. Le sens de l’humour, le rire, des traits de sa famille!
Récemment, Alice a pris l’autobus Chartwell pour aller à la brasserie « Dieu du Ciel », à Saint-Jérôme. C’était un vendredi, le jour où elle a l’habitude de boire un verre de bière avec seize croustilles, pas une de plus, pas une de moins! Ça, c’est la Alice qu’on aime! Ah! J’ai presque oublié de vous dire : la piscine est fermée pour réparations majeures, mais Alice reste toujours notre chouchoute, de sorte qu’en novembre prochain, nous célébrerons ensemble son quatre-vingt-dix-septième anniversaire!
Marilyn Hébert, Chartwell Manoir Saint-Jérôme
Ce texte a été composé dans le cadre de la deuxième édition du concours «Quand la sagesse s’exprime» en collaboration avec Chartwell, résidences pour retraités. Près d’une centaine de résident.es ont écrit une tranche de vie ou une sage réflexion dans le cadre de ce concours. Cette réflexion est le deuxième des six textes qui seront publiés dans notre magazine.
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Une réponse
Très intéressant ces articles « Tranche de Vie »… je viens de les découvrir !
Merci à ces personnes qui écrivent un infime tranche de vie, je suis certaine que ce geste leur apporte un bien-être et du même coup, enjolive ceux /celles qui les lisent ! BRAVO c’est une excellente idée !
NicoLe… de Brossard