Un matin, je me suis regardée dans le miroir et, sans trop comprendre, j’avais vieilli. Jusque-là, je m’étais comportée en petite fille qui choisit d’ignorer la réalité plutôt que de faire face. D’un coup, je me suis vue différente de ce que je croyais être la veille. L’âge m’a attaquée aussi sournoisement que se lève un vent de tempête.
Ce nouvel âge venait d’apparaître avec quelques conséquences pas si agréables que ça : les cartilages de mes oreilles et de mon nez s’étaient étirés, mon visage avait perdu son ovale, des rides traversaient mon front, mes yeux étaient moins clairs, mes cheveux plus ternes, plus épars et parsemés de gris. J’ai pensé sur-le-champ à changer de tête en redonnant des nuances à mes cheveux et en portant des chapeaux.
Au-dessous de la tête, ce n’était guère plus réjouissant. C’était aussi la catastrophe! Je me voyais soudain telle que transformée par le temps. Je ne reconnaissais plus mon corps; je devais faire le deuil de mes seins fermes, de mes épaules lisses et de mon ventre plat. J’habillais maintenant trois tailles de plus, avec comme conséquences trop de seins et trop de bourrelets. Voilà, j’avais trop de tout! J’étais devenue « toutoune! »
Hier, j’étais jeune, ce matin, je me réveillais dans une peau et un corps qui n’avaient plus de souplesse. Plus encore, sans que je n’y puisse rien, mon corps entier subissait la loi de la gravité. Le plus beau de moi n’existait plus. Voilà, c’était fait! Le temps avait fini par faire son œuvre, j’étais déjà âgée!
« Le temps fait ses ravages! La beauté ne dure pas toute la vie! Elle se flétrit comme les plus belles fleurs! » C’est ce que tante Albertine m’avait dit. Elle avait bien raison. Je n’ai plus rien d’attrayant! Je suis sans grâce!
C’est connu, les gens ont un parti pris positif pour la beauté et je ne suis plus de ces femmes séduisantes que l’on regarde. Que faire lorsqu’on est à ce point culminant de la périlleuse pente descendante? Avouons que l’âge est tout de même un peu plus cruel envers la beauté des femmes qu’envers celle des hommes! Avec subtilité, les diktats sociaux forcent sournoisement les femmes à quelques restaurations. La féminité, avec ses tricheries, s’affiche comme une nécessité. Pour ne pas avoir l’air d’une fausse jeune et ne pas déshonorer le genre, il faut camoufler l’âge de la façon la plus élégante et la plus naturelle possible : des robes et des chandails dans des couleurs foncées, dans des tissus bien coupés, sans décolletés profonds, que de petites touches de strass, rien d’extravagant, que des manches longues, pas de talons trop hauts, un maquillage discret et ne pas s’affubler de bagues, de bracelets et de colliers. Comme disait ma mère, il ne faut pas être vu de l’espace, sinon on donne l’image d’une « dévergondée » qui va à une mascarade.
Je peux m’accommoder de ce contrat social, mais pour ce qui est de lutter contre les rides, je me rends à l’évidence : c’est une bataille perdue à l’avance. J’ai peu investi dans les soins de beauté et j’ai peur de tout ce qui fait intrusion dans mon corps, alors pas question d’aiguilles, de Botox, de chirurgies ou de greffes quelconques.
Autour de moi, il y a des femmes qui, avec leurs phrases assassines, font tout leur possible pour rendre les autres aussi angoissées qu’elles : « Il faut accepter que l’avenir soit aux jeunes. » Il faudrait donc que je me cloître! Parce que, tard dans l’âge, il me faudrait ne m’occuper que de ma santé et refuser ce que m’offre la vie! Il y aurait avec l’âge un univers de noirceur qui remplacerait la lumière et la vie. Je dis NON à cette attitude défaitiste. Je ne vais pas passer le reste de ma vie à m’apitoyer sur mon âge.
Je vois maintenant les choses telles qu’elles sont. Au cours de ce mois, je changerai d’âge et je suis consciente que, comme un poison invisible, le temps continue d’agir. Je ne me fais plus d’illusions. Je sais que rien ne sera jamais plus pareil. Néanmoins, je refuse de me dire plus vulnérable que je suis!
Je ne remets pas en cause cette fatalité de vieillir et il est vrai qu’avec l’âge les occasions de s’accomplir se présentent moins fréquemment, cependant mes ferveurs créatrices sont toujours là et je ressens l’urgence d’agir. Chaque jour, je vais donc m’acharner à réaliser mes projets.
Certes, la beauté est disparue et il m’arrive de me réveiller avec un peu plus de petites douleurs. Mais LUI est toujours là avec sa main dans la mienne et je continue à croire qu’il y a encore de la vie et de la beauté devant moi. Au-dessus de nos têtes, le ciel a toujours la couleur de l’océan et LUI avec douceur et tendresse me fait ressentir la chance d’être vivante.
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7 Responses
Oh, c’est tellement beau et je souris en te lisant Claudette c’est tout à fait ce que je vis. Tu as très bien décrit toutes les émotions qui m’habite.
Chère cousine , le temps est là, avec ces changements…alors moi je m’acharne à oublier mes rides à me souvenir des fous rires et des rires des grimaces et mimiques qui ont marqués mon visage.
Les rides qu’elles viennent plus tôt ou plus tard , un jour elles seront là.
Merci pour ce beau texte
Lise xx
Je ne crois pas que le texte représente la personne sur la photo!
L’enveloppe corporelle accumule l’expérience de la vie au quotidien,
Vieillir est la seule manière de vivre.
bravo pour votre authenticité.
Très beau texte.
WoW, quel beau texte de vérité,ce temps qui passe si vite nous fait penser qu il n’e faut pas cesser de vivre à plein car le temps de penseril passe.
Merci de ce beau texte ce matin. Il résume bien ce que je vis avec ce nouveau chiffre de la soixantaine qui arrive, la retraite, le corps qui change tellement…
Je réfléchis beaucoup à la façon dont notre société traite les personnes mûres (et je ne parle même pas des aînés!). Je suis attristée de voir tous ces talents mis au banc, comme si notre temps était terminé à 60 ans, et qu’on avait plus de créativité, plus rien à offrir.
Un jour, les jeunes d’aujourd’hui auront notre âge. C’est en montrant du respect pour leurs vieux « boomers » qu’ils préparent ce qu’ils vivront à leur tour dans quelques années – ça passe si vite!
Je me console avec le résultat de toutes ces études qui montrent bien que notre tranche d’âge est plus heureuse que les plus jeunes, bien étonnamment! Comme quoi, le corps n’est pas le seul paramètre du bonheur.
En attendant, la vie est si magnifique, profitons-en bien, faisons de notre mieux pour accepter sereinement notre cheminement, et soyons reconnaissants pour ce que la vie nous apporte.
Que de vérités dans ce texte,,,je me surprends à me sentir vulnérable tout au long de ma lecture,,,
Par contre c’est inévitable et l’essentiel c’est de rester en Santé le plus longtemps possible.
J’entends souvent que la vieillesse est un Privilège…souvenons-nous en!
PS: Bien en dehors de Vous je remarque qu’en lisant le texte n’apparaît que des publicités de rajeunissement….Greffe de cheveux,maquillage permanent etc…etc…
Beau matin à vous!
Je me reconnais bien dans votre texte…
Avec mes 62 ans, je trouve bien souvent que le vieillissement est cruel. Oui, le corps flanche et craque de partout, tant sur la peau que dans les os…
Toutefois, il y a encore beaucoup d’éclat dans mes yeux et ce que les gens remarquent tout de suite, c’est mon sourire. Il est ma carte de visite, il fait partie de moi et lui, il ne vieillit pas :)
D’ailleurs, quand je crois des personnes dans la rue ou ailleurs, il sont immédiatement portés à me rendre mon sourire. Le sourire n’est-il la plus belle des parures? Il va avec tout :)
Je prends soin de moi et je tente de rester active pour que on âme ait envie d’habiter encore longtemps mon corps.
Au plaisir de vous lire à nouveau xx
P.S Vous êtes radieuse et j’adore votre chapeau.
Bon jour ensoleillé,
J’ai 67 ans et demi ☺️ et votre texte ce matin m’a touché dans tout ce que je suis devenue.
Mon conjoint est décédé il y a déjà 5 ans et chaque jour des 40 années que nous avons vécues ensemble, il me disait je te choisis aujourd’hui, je t’aime et tu es belle, avant de m’embrasser le matin.
Je vois ce que vous voyez dans votre miroir depuis cinq ans maintenant.
Plusieurs disent que je ne fais pas mon âge, je n’ai pas de ride, et mes cheveux sont parsemés de filets blancs un peu partout mais malgré mon âge, mes petits bobos de tous les jours, je me console en pensant à mes aînées que j’admirais pour leur sagesse. Je suis maintenant, moi aussi, une grand-maman, et je crois sincèrement que nous sommes, avec l’âge, belles de sagesse.
Diane Marchand