St-Zotique et de Normanville; c’est lundi, jour du lavage. Nous sommes six à la maison, ma mère sépare ses brassées, au centre de la cuisine, la laveuse approchée près de l’évier, et c’est parti, laver, essorer, étendre sur les trois cordes à linge qui donnent sur la ruelle. Qu’il fasse beau et chaud ou qu’il fasse froid, s’il ne pleut pas, on étend dehors. Parfois, les draps étaient un peu gelés, mais ça sentait bon. Entre-temps, elle rapaille la maison comme elle dit, fait les lits, range les petites traîneries, vaisselle du déjeuner. Il est déjà onze heures, les enfants vont arriver pour dîner; elle prépare un bon repas, il reste même du dessert qu’elle avait préparé la veille. On repart pour l’école, maman continue son lavage, fait la vaisselle du dîner, ça sonne à la porte, ah, bonjour, c’est Gaston, son frère, il vient dîner. Viens-t’en, je vais te faire manger, désolée j’ai pas de bière (mes parents ne boivent pas; ma mère parfois pour accompagner).
Je vais appeler à l’épicerie; ils vont en livrer. Voilà, Gaston, mange. Parle, parle, jase, jase, son frère décide de passer l’après-midi. On rentre de l’école, super, on est content de voir oncle Gaston, ma mère dit : « Appelle Rolande et dis-lui de venir souper ». Rolande, c’est la femme de Gaston. Rolande arrive, maman a sorti du steak haché du congélo et l’a scié pour en faire des boulettes, patates, carottes, une conserve de petites fèves et pas le temps pour un dessert; elle m’envoie acheter un gâteau chez l’épicier du coin.
La visite part, maman, papa font la vaisselle. Maman remet la table, sort une autre nappe, il est presque 23 heures; ça sonne, c’est Marc-André, il vient écouter le late movie avec mon père. Pas de problème, entre Marc-André; maman vient de faire le café et a sorti le petit lunch de fin de soirée.
Mardi, ça continue, les lits, le rapaillage, plier le linge, repasser et empeser les chemises de papa, ses mouchoirs et tout le reste. La semaine se poursuit et chaque jour ma mère n’arrête pas une minute. Faire à manger, faire la vaisselle, et plus encore… Puis, il y a nous, les quatre enfants; on a des besoins, les devoirs, des petites maladies et cie, et de la visite, il y en a presque tous les jours, elle est bienvenue. On mange, on jase, on écoute le hockey. Nous ne sommes pas riches, mais il y en a pour tout le monde. En plus, maman fait de la couture, elle fait nos petites robes, le soir, quand c’est plus calme.
Bien sûr, c’était il y a longtemps; les femmes ne travaillaient pas à l’extérieur, elles ne pouvaient pas s’épanouir et c’est dommage, mais je n’ai jamais entendu ma mère se plaindre. Je n’ai pas souvenir que ma mère ait été fatiguée, pourtant…
Être mère est un rôle assez ingrat, oui, parce que lorsque nous sommes petits, on ne sait pas tout ce que notre mère fait pour nous, on ne se dit pas, elle m’a porté durant 9 mois, elle m’a mis au monde, elle a passé des nuits à me soigner ou à m’attendre, elle s’est sacrifiée, parce que oui, être mère, c’est se sacrifier… et pourquoi pas? En fait, s’oublier pour l’autre, oui, oui, je sais, il ne faut pas s’oublier comme femme, c’est certain, il faut prendre soin de son couple, mais il ne faut pas non plus oublier que les enfants partiront un jour, et ça va très vite, dès qu’ils vont à l’école, ils nous échappent un peu. À l’adolescence, ils veulent voler de leurs propres ailes et hop ils partent. Là, on en a du temps pour boire en masse de café, de vin, on peut aller s’entraîner, se faire masser, lire, se dorloter, ah oui, c’est la dolce vita, mais… parce qu’il y a un mais, qu’y a-t-il de plus satisfaisant que de donner, de se dévouer, d’aider.
C’est la roue qui tourne, notre mère nous a donné beaucoup, nous avons donné beaucoup à nos enfants et aujourd’hui je vois mes filles se dévouer corps et âme pour leurs enfants. C’est compliqué, la vie de famille, la vie professionnelle, la vie conjugale, ça en fait beaucoup, mais c’est ça la vie, et c’est beau la vie.
J’ai sans doute été moi aussi une maman imparfaite, indigne, cinglante, ordinaire, mais je vous assure, j’ai oublié. J’ai oublié que j’étais très fatiguée parfois, que je me sentais parfois bien seule lorsque je vivais seule avec mes trois filles. J’ai oublié que j’essayais d’être une professionnelle et une mère à la maison en même temps. J’ai même oublié que donner la vie, ce n’est pas facile, mais c’est inoubliable à la fois.
N’oubliez pas; le temps passe vite. Si les mamans ont une date de péremption, ce n’est pas le cas du cœur d’une maman; il est toujours ouvert pour ses enfants.
Alors, aujourd’hui, je n’oublie pas que ma mère a travaillé très fort; elle a fait de nous de bons humains et je lui en suis très reconnaissante. Dommage que j’aie oublié de lui dire.
Merci pour tout, maman et merci à mes filles qui ont fait de moi une mère et une grand-mère heureuse. N’oubliez pas, je suis toujours là et continuez d’être les mères que vous êtes, vous faites de l’excellent travail. À toutes les mamans, bravo, je sais que vous travaillez très fort, mais croyez-moi vous allez oublier ça dans quelques années.
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6 Responses
Un texte très réaliste et très agréable à lire.
Bonne fête des mères!
Tellement bien écrit :) merci
Merci pour ce merveilleux hommage à toutes les mamans Christine. Ça me rappelle tellement ma maman, Chantal, que j’adorais. Je me souviens tellement aussi de Gertrude, ta maman adorée avec qui j’aimais prendre l’apéro et jaser et rire….que de beaux et doux souvenirs. Merci encore pour nos mamans. Ton amie et ex-voisine Francine. Bisous
Un très très beau souvenir, merci♥️
Félicitations très beau texte
Tu es formidable, Christine!
Quelle belle famille tu as!
Louise S.