Tranche de vie : Le wagon numéro 21 - Les Radieuses

Tranche de vie : Le wagon numéro 21

Très récemment, c’est le train de la vie qui m’a interpellé. Les rails de la continuité ont pris une pause, comme ces wagons qui paralysent la circulation à la croisée des passages à niveau. Point de déraillement, juste des wagons d’émotions, de sourires, d’éclats de rire, de regards attendris, de volonté, de passion et de dépassement de soi.

Une expérience marquante

Je me retrouve comme bénévole photographe à des Jeux olympiques d’hiver qui se déroulent dans notre magnifique région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Déjà, vous devez vous dire que j’exagère; nous, les Bleuets, avons cette propension à donner de l’ampleur à tout ce qui arrive ici, mais, que voulez-vous, c’est notre péché mignon! Ainsi, c’est à travers mon œil numérique de photographe que j’ai pu fixer ces moments privilégiés. Ce n’étaient pas des jeux conventionnels, ou plutôt oui, les sports pratiqués l’étaient, mais les athlètes, eux, étaient d’exception. Ces Jeux olympiques spéciaux regroupaient des athlètes venus de toutes les régions du Québec et atteints de déficience intellectuelle, de trisomie ou du spectre de l’autisme. À leur rencontre, c’est le TGV des émotions qui m’a heurté de plein fouet, devant leurs performances inspirantes, leurs sourires contagieux et la bienveillance affichés sur le tableau des départs de la gare de la vie.

Être parent…

Être parent et avoir un ou des enfants, c’est le début du train de la descendance. Pour nos enfants, c’est la locomotive de la vie qui prend son départ. C’est le coup de sifflet du chef de train vers des destinations de découverte. C’est l’univers qui n’existait pas avant, mais qui se déploie sur les rails de l’existence. Il y aura, certes, plusieurs aiguillages, mais c’est ce qui alimentera la beauté des paysages intérieurs.

Comme plusieurs, je suis devenu un papa. Comme pour vous, ç’a été les premiers pleurs, les premiers vêtements, les réussites scolaires, les moues, les rires devant les petits riens, une grand-maman ébahie. Dans les faits, la naissance, c’est un coup de dés, une rencontre à l’aveugle avec des wagons d’incertitudes.

Tous les enfants sont le fruit de l’aiguillage du hasard, mais ces jeunes olympiens, dans leurs différences, sont devenus les dormants de chemin de fer qui supporte le passage des trains afin de conduire à destination les émotions du cœur. J’ai eu la chance de discuter et d’entendre toute la bienveillance des parents qui assistaient aux performances de leur rejeton. Ne vous méprenez pas, pas que des jeunes sur place, mais des adultes dans la quarantaine aussi. Je suis devenu très émotif quand cette maman et ce papa m’ont exprimé que leur enfant n’était pas en moins face aux autres, mais plutôt en plus avec son chromosome supplémentaire. J’ai été bouleversé par le courage de ces jeunes, leur résilience, leur bonté, leur sourire. Que des mercis entendus, pas de colère après une défaite, de jalousie devant le fait de ne pas avoir de médailles.

J’ai pris conscience de ma méconnaissance sur l’agir devant leurs différences. Je n’avais pas de préjugés, mais plutôt une ignorance de l’approche, de leurs réalités, de leurs doutes, leurs réussites, leurs peines et leurs joies. J’ai poussé ma réflexion en me disant que, pour eux, le train de la vie, c’est un petit train qui part des montagnes de la méconnaissance vers les collines des grandes victoires. À la fin des Jeux, je dois avouer qu’ils m’ont gagné, je n’avais pas envie de déposer mes valises sur le quai de la gare. Le voyage fut court, intense et ô combien formateur. J’ai envie d’en connaître davantage, de poursuivre le voyage, d’écouler mes tickets afin de me laisser émerveiller par ces visages et cette détermination à se sentir inclus dans notre société.

D’ailleurs, une athlète de chez-nous a eu cette phrase touchante et bouleversante : « Les Jeux me permettent de me sentir vivante et partie prenante de la société ». Une tonne de brique, ou plutôt un train de face qui dévale la pente et qui t’arrache la casquette des émotions et de la vérité. Ceux qui l’ont entendu, tout comme moi, n’en sont pas encore remis et c’est tant mieux ! On ne parle pas ici de processus, de commissions, ou d’autres fantaisies, mais de la vraie vie.

Des humains précieux pour la société

L’être humain se compose de milliards de cellules, de particules, de chromosomes, de wagons qui nous permettent de livrer la marchandise le moment venu. Pour certains de ses athlètes, c’est le wagon numéro 21 qui est en surplus, c’est lui qui a changé la destination finale, qui a tourné l’aiguillage pour cette gare imaginaire. Tant de jonctions, de croisés, de circuits, de trajets différents vers la destinée de chacun.

Merci de m’avoir conduit dans ce train de la vie, d’en être les cheminots, de m’avoir laissé monter à bord. Le wagon 21 est là pour toute votre vie, vous ne serez jamais un moins, mais des plus pour la société. Aujourd’hui, je peux dire que j’ai eu la chance et le bonheur de monter à bord et de ne pas vous rater.

Martin Gaudreault

Tant qu’à y être

Une belle lecture qui vous donne accès à l’autisme – Méconnaissable – Valérie Jessica Laporte.

La Fondation Véro et Louis – Un hébergement DIFFÉRENT : un milieu de vie permanent, sécuritaire et chaleureux où un programme éducatif accompagne les résidents.

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