Je n’ai pas vu le temps passer et longtemps je me suis baladée, de façon insouciante, avec une image de moi obsolète.
Puis, un jour, j’ai remarqué que j’étais entourée de belles jeunes femmes et que j’étais le cactus au milieu des roses. Soudainement, je constatais que j’étais marquée par les ans : mon corps grossissait et, sur mon visage, chaque jour, s’ajoutaient des rides. J’entrais dans un nouveau versant de ma vie : je n’avais plus les contraintes liées au fait de donner naissance à de petits êtres humains, mais je n’étais plus ni jeune ni belle.
Je dormais mal, j’avais moins d’énergie et, pour couronner le tout, quelque part en moi se produisait un feu qui rougissait mes joues et qui, peut-être, brûlait mes neurones. Un vague à l’âme puissant et une inquiétude tenace m’empêchaient de m’endormir. Moi qui ne suis optimiste qu’occasionnellement, devant cet embrasement et ce manque de sommeil, je n’arrivais qu’à être accablée d’anxiété : « S’il arrivait un accident à l’un des miens et s’il mourait? » Tous mes scénarios tournaient à la tragédie. Mon cœur affolé amplifiait tout et je versais des flots de larmes non maîtrisables.
D’un coup, c’était comme si un nuage maléfique embrouillait mes pensées et les contrôlait. Je le constatais, j’étais à fleur de peau et dans l’excès. Tout m’exaspérait. J’étais irritable et irrité par tout. Je voyais des imperfections partout. J’étais toujours insatisfaite et rien ne me convenait.
Mon conjoint n’était pas insensible à mes humeurs nouvelles. Il était doux, attentif, patient et cherchait à me comprendre et à me consoler, alors que moi j’étais une explosion de critiques. Je l’enguirlandais pour tout : il plaçait les choses au mauvais endroit, il cognait la vaisselle, il se rongeait les ongles jusqu’aux phalanges… Mes mots s’attaquaient avec rudesse à celui qui était devenu un ennemi.
Après coup, j’en avais du regret et je m’épuisais en excuses. J’étais consciente de la douleur que je lui infligeais et j’avais honte de moi. Cependant, je ne savais pas pour autant pourquoi je n’arrivais plus à agir avec pondération. J’étais, je le savais, difficile à vivre et insupportable! C’était inexplicable, injustifiable et impardonnable. Je l’aimais, pourtant, seul mon chat méritait de la douceur!
Malgré mon humeur aqueuse et mon caractère maussade, je lui faisais sans doute pitié puisqu’il m’a proposé une nuit à l’hôtel et une visite au Domaine Charlevoix, en me disant : – Avant, on était si bien ensemble! – Avant quoi? Charlevoix, c’est ton désir, alors je prépare une valise! Ma nouvelle personnalité ne supportait pas la réplique et avait le don de tarir une conversation, sans même laisser la plus petite possibilité d’une discussion.
C’est le temps des vacances! Plus de chambres libres! Pour nous accommoder, l’hôtelier nous refile l’adresse d’un petit studio qui était à louer : un demi sous-sol grand comme un mouchoir de poche, éclairé d’un néon jaune et, un canapé-lit aux tons bigarrés de vert où gisaient des draps d’un blanc incertain, une minuscule table et deux chaises pliantes, une salle de bain avec un lavabo aux robinets rouillés, un siège de toilette en bois et une cabine de douche moulée, sans rideau.
– Est-ce que ça vous va?
– On accepte!
– Non! Je ne couche pas ici!
– Alors, on retourne chez nous! Dommage! C’était un beau ciel de pleine lune!
Je n’avais pas l’âme romantique. Je me foutais de la lune. J’étais un ciel noir d’orage, la foudre, le désarroi et le regret. Ces émotions incontrôlables qui m’assaillaient assombrissaient ce qui aurait dû être de beaux moments. J’étais désespérée! Les larmes ont coulé silencieusement tout le long du retour.
Un assaut violent de particules, empoisonnées et encore inconnues, venaient de s’extraire de ma double hélice d’ADN et de se répandre, de façon imprévisible, sur ma raison et sur mon cœur. Où était donc mon ancien cœur, celui sensible aux autres! Je devenais une autre. Je me comportais de façon inhabituelle et je ne me comprenais pas moi-même. Je me sentais détraquée dans mes réactions et dans ma capacité à communiquer. Je n’arrivais plus à retrouver le rythme normal de ma vie. Comment notre couple survivrait-il à cet assaut alors que je ne savais plus donner de l’amour?
Qu’est-ce qui n’allait pas chez moi? Est-ce que je perdais la tête? Est-ce que j’étais en dépression nerveuse? Est-ce ainsi que, lorsqu’on ne peut plus procréer, on est propulsé dans la vieillesse?
Que faire pour redevenir légère et retrouver le bien-être et la joie de vivre? Prendre des comprimés, profiter du miracle de l’alcool ou fumer pour que mon esprit oublie mes comportements fous et les regrets qui me tourmentent, marcher le chemin de Compostelle, grimper le Kilimandjaro, oser le botox ou la chirurgie plastique?
Le mélodrame de Charlevoix a été la scène finale. J’ai consulté et pour tenter de contrecarrer mes affolantes perturbations, on m’a prescrit une double dose d’hormones!
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Une réponse
Oui souvent lorsque l on avance en âge ont se préoccupe de tout les changements que notre corps subit mais ont oublié que l intérieur aussi se transforme. Bravo pour votre histoire ces bien de partager car plusieurs le vivent en silence