Collaboration spéciale : Isabelle Thibault, spécialiste Finances personnelles
Radieuses, dans cette ère de dénonciation, de prise de conscience collective de certains rapports de force entre hommes et femmes, nous trouvions important de parler davantage des personnes plus vulnérables.
C’est, entre autres, pour cette raison que nous avons cru bon d’aborder une question trop peu connue qui pourtant a de graves conséquences pour ceux et celles qui en sont victimes : la maltraitance financière auprès de nos aînés.
Qu’est-ce que la maltraitance financière?
« Les mauvais traitements envers les aînés se définissent comme étant “un acte unique ou répété, ou l’absence d’intervention appropriée […] qui entraîne des blessures ou une détresse morale pour la personne âgée qui en est victime*”. Cette maltraitance peut prendre de nombreuses formes, y compris la négligence, la violence physique, sexuelle, émotionnelle ainsi que l’exploitation financière**.
Mais concrètement, qu’est-ce que l’abus financier? Quelles formes prennent-ils?
Vous êtes considéré comme une victime de maltraitance financière lorsqu’une des situations suivantes se produit :
- On vous soutire de l’argent (en utilisant, par exemple, le chantage émotif)
- On vole vos biens ou votre argent et/ou on utilise vos biens (par exemple, votre véhicule) sans votre consentement
- On utilise de façon inappropriée vos cartes de débit ou de crédit
- On fait un usage abusif de votre procuration, notamment en retirant de l’argent de votre compte bancaire
- On vole votre identité
- On refuse de vous remettre l’argent qu’on vous a emprunté
- On vous demande d’agir à titre de caution (endosseur) sur un emprunt, qu’on ne rembourse jamais
Chez nous aussi? Bien sûr!
En 2016, au Canada, ce sont plus de 10 300 personnes de 65 ans et plus qui ont été victimes d’un crime violent déclaré par la police. Parmi ces victimes, 34 % ont été agressées par un membre de la famille (par leur enfant, leur conjoint, leur frère ou sœur), ou un autre membre de la famille.
Parmi les aînés victimes de violence familiale, 58 % étaient des femmes, ces dernières affichant un taux de 19 % supérieur à celui observé chez les hommes âgés.
Parmi les femmes âgées victimes de violence familiale, 33 % ont été agressées par leur conjoint, suivi de leur enfant (31 %) et d’un autre membre de la famille (26 %). Alors que chez les hommes âgés victimes de violence familiale, l’auteur présumé était le plus souvent leur enfant (34 %) ou un autre membre de la famille (33 %). Incroyable, n’est-ce pas?
La maltraitance financière serait la forme de maltraitance la plus fréquente au Québec.
Ces statistiques sont ahurissantes et leur aspect qualitatif encore plus!
Pour les aînés, on comprend donc que la pire menace vient de l’entourage et souvent de ceux dont ils ont le plus besoin. Cela nous permet aussi de comprendre que ces situations sont hautement émotives et que pour ces raisons, il est particulièrement difficile de s’en sortir. Si l’on ajoute, à ce portrait déjà peu enviable, l’isolement vécu par de nombreux aînés, on saisit partiellement la détresse que peuvent vivre les personnes.
Quelles sont les conséquences de la maltraitance financière?
La maltraitance crée un véritable stress et une grande détresse chez les gens qui la vivent. Puisque l’abuseur fait souvent partie de l’entourage de l’abusé, la victime de la maltraitance financière est portée vers l’isolement.
La relation avec cette personne qui compte pour nous pourrait être rompue et ce seul élément est un enjeu énorme dans la dynamique d’abus. Et si l’on dénonce, perdrons-nous cette personne qui prend soin de nous? De plus, en vieillissant, le réseau social a tendance à diminuer ce qui isole encore plus les victimes.
Cette violence, en plus de générer de la détresse psychologique, a un impact sur les finances personnelles et peut avoir d’importantes conséquences. Il faudra peut-être réaménager le budget et comme plusieurs aînés vivent avec un revenu assez sobre, les choix à faire peuvent toucher les dépenses comme l’épicerie et le logement. Des dépenses souvent liées à la couverture des besoins de base.
Le stress, la pression potentielle de l’abuseur et les conséquences de l’abus sont tout autant de sources de mal-être et de maladie pour les personnes qui les subissent.
Malgré le caractère très intime de cette violence, la question reste hautement sociale et collective. Nous devons, individuellement et collectivement, mieux connaître ces questions pour pouvoir identifier ces situations dans notre entourage. Chacun d’entre nous peut contribuer à soutenir une personne victime de violence.
Comment cesser la maltraitance financière? Voici quelques ressources.
La maltraitance reste un tabou tenace, la maltraitance financière encore plus. N’hésitez pas à demander de l’aide. Vous ne pouvez pas rester victime de cette personne et de cette situation.
Si vous croyez être victime d’abus financier, demandez de l’aide. Parlez-en à une personne en qui vous avez confiance. Il peut s’agir notamment d’un ami, d’un membre de votre famille, d’un intervenant ou d’un professionnel de la santé (votre médecin, par exemple). Appelez la Ligne Aide Abus Aînés (Ligne AAA). Via cette ligne d’écoute téléphonique, les personnes de 50 ans et plus, victimes de maltraitance, peuvent parler à un intervenant qui leur apportera du soutien et les dirigera vers les ressources appropriées. Il y a quelqu’un au bout du fil 7 jours par semaine de 8 h à 20 h.
1 888 489-2287/www.aideabusaines.ca
On y pense peut-être moins, mais les personnes victimes d’abus peuvent se tourner vers les “Centre d’aide aux victimes d’actes criminels”. Les personnes en place pourront vous aider à surmonter les conséquences psychiques, psychologiques et sociales.
1 866 532-2822/www.cavac.qc.ca
La Charte des droits et libertés protège aussi les aînés contre toute forme d’exploitation. Pour demander de l’aide, dénoncer une situation ou porter plainte à la “Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)
1 800 361-6477/www.cdpdj.qc.ca
Portez plainte à la police 911. Un numéro d’évènement pour toujours vous servir pour la suite des démarches si l’intervention des policiers ne suffit pas en elle-même.
*(Organisation mondiale de la Santé, 2002)
** (ministère de la Justice du Canada, s.d.; Agence de la santé publique du Canada, 2016).