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Lecture – 5 titres québécois à découvrir

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C’est inédit, incroyable, renversant, des wagons-écoles ont sillonné des régions reculées du Canada de 1926 à 1967. Surprenant, n’est-ce pas? Encore plus surprenant que deux autrices québécoises se décident en même temps (à une semaine d’intervalle!), sans vraisemblablement se consulter, à écrire une histoire tricotée de fiction pour apporter ce phénomène à notre attention. À train perdu de Jocelyne Saucier (Il pleuvait des oiseaux) sorti en librairie le 9 septembre, suivi à une semaine près de Toute la chaleur du NordUne pionnière à l’école sur roues de Maryse Rouy, historienne romancière. Quelle coïncidence! J’avais encore assez d’appétit pour du roman pétillant, j’ai tendu la main vers le petit dernier d’une doyenne, Louise Desjardins, qui a sorti en août La fille de la famille. Ensuite, comment passer à côté de ce titre coquin Mon (jeune) amant français de Josée Blanchette? Si cette dernière, et son bagout coutumier, a un jeune amant, on désire pénétrer son alcôve. Mission accomplie. Comme dessert, il me manquait de la littérature testostérone, ce que je n’ai pas manqué d’un gramme avec Les chiens de Patrice Godin (oui, oui, le désaxé de District 31).

À train perdu de Jocelyne Saucier aux éditions Romanichels — XYZ

Vous avez aimé Il pleuvait des oiseaux? Ne reniez pas votre plaisir et tendez la main vers cette histoire qui vous baladera en train en compagnie de Gladys. Ce personnage principal, une femme âgée, ce qui ne saurait nous surprendre puisque l’autrice manie avec doigté les fins de vie, a quitté abruptement son village de l’Abitibi pour prendre – et reprendre — le train. Où va-t-elle? Toute la question est là. Elle monte et descend les montagnes russes des rails avec entrain et détermination. A-t-elle une quête ou est-elle égarée? Son entourage s’en souciera, sa fille, assez spéciale, également. Les personnages de Saucier jonglent avec l’idée de la mort sur un ton désarmant de naturel. Sur toute voie, même ferrée, il y a les départs et les arrivées et Gladys, avec une concentration jamais démentie, roule sa bosse entre ces extrémités. Les souvenirs affluent, ceux de sa vie dans un train immobile, jadis, du temps de son mari qui était professeur dans un wagon-école pour desservir les enfants des cheminots, de bûcherons, de trappeurs et d’Amérindiens. Elle cueille ses souvenirs, en fait des bouquets de rencontres marquantes. Elle trouvera une partie de ce qu’elle cherche en la personne de Janelle. Je vous laisse découvrir la part de mystère que Saucier sait si bien entretenir.

Toute la chaleur du Nord : Une pionnière à l’école sur roues de Maryse Rouy – Éditions Druide

À la suite de cette lecture, vous saurez tout sur les écoles sur roues. L’autrice démystifie le modus operanti des wagons-écoles en compagnie de deux sœurs courageuses auxquelles on s’attache fermement. Comment se fait-il que des femmes soient à la tête d’une école sur roues dans des temps et coins aussi reculés? C’est assurément exceptionnel. Élizabeth a toujours accompagné son mari dans cette aventure, mais cette fois, c’est elle qui sera responsable de donner des cours et de supporter cette communauté marginale puisque son mari est confiné dans un sanatorium pour guérir de sa tuberculose. Sa sœur occupera la fonction qu’elle-même exerçait lorsque son mari était professeur, c’est-à-dire accomplir toutes les tâches connexes, comme alimenter la chaudière pour maintenir le chauffage à bord et, surtout, prendre soin de sa délurée petite nièce. L’historienne a fouillé à fond les deux sujets; les aléas de la vie de sanatorium et ceux du métier d’enseignante impliquée dans les mœurs et coutumes de ces familles marginales. Les histoires d’amour sont bien menées (car oui, il y en a plus qu’une!), et par son lieu inusité, un wagon immobile qui se fait tirer aux cinq semaines, chaque action quotidienne est une intrigue en soi. Une occasion de plus de réaliser la force de caractère des femmes dans les années trente. Du féminisme avant son heure!

La fille de la famille de Louise Desjardins – Boréal

Je me suis glissée doucement dans ce roman truffé de petites histoires ordinaires tirées du quotidien d’une jeune fille née dans une famille de gars et où le père tient une place prépondérante. Au départ, je me suis passé cette remarque : voici un roman où il ne se passera pas grand-chose de fracassant. Y trouverai-je mon compte? Ne vais-je pas un peu m’ennuyer? Et puis, l’attachement à la fille de la famille et le ton sans prétention de l’autrice opèrent. La volonté de la fille de la famille de se conformer m’a touchée. Autour des années soixante, aucune remise en question n’était possible; la fille de la famille se doit d’être assez mature pour devenir le bras droit de la mère, même lorsque celle-ci accouche d’un autre garçon à 47 ans. Louise Desjardins nous permet de grandir à ses côtés et lorsqu’à son tour, elle deviendra maman, nous l’accompagnerons. Suivra-t-elle les traces de sa mère en tenant son rôle de femme soumise? On verra clairement que l’adulte est le résultat de l’éducation qu’il a reçue, son réflexe l’amènera à se conformer à son travail, à son conjoint, son beau-père, ses enfants… alouette! Une continuité d’asservissement. Découvrirons-nous qui elle est en démêlant l’écheveau de ses contraintes? J’ai admiré le dénouement, tous les fils se rejoignant pour former un tout cohérent. Mine de rien, La fille de la famille prend des airs de grand roman par sa sereine simplicité et sa précieuse pertinence.

Mon (jeune) amant français de Josée Blanchette – Éditions Druide

Une femme est laissée en plan par son mari médecin qui, pourtant, lui jurait fidélité à toute heure du jour. Pour une plus jeune. Tableau on ne peut plus classique. Comment réagira l’abandonnée? Tout est là. S’effondrer à cause du passé ou foncer vers l’avenir? Heureusement, cette dame est privilégiée, elle a des amies clairvoyantes, reçoit du support et est dotée d’un caractère bien trempé, ce qui aide à ne pas tomber trop bas. Œil pour œil, dent pour dent, pourquoi ne pas s’offrir la totale, un jeune amant français, le « jeune » prenant tout son sens en la circonstance. Nous assisterons à des séances de baise à répétition, décidément, ces deux-là ont des atomes crochus. Autre tableau, tout aussi classique, madame attend les bons vouloirs de monsieur, allergique au mot engagement. Josée Blanchette est un as de la chronique arrosée d’humour acide et sucré et le style de la romancière le reflète. Le ton veut qu’on s’amuse ferme. La femme cougar éclipse les portraits pâlots de femmes sexy, jeunes et alertes. Sûre d’elle, sa sexualité est épanouie, ce qui l’épanouit de plus en plus. À la longue, je me suis lassée du style surfant à la surface des thèmes, mon appétit s’est fait vorace pour de la profondeur. En fait, j’avais à cœur de percer la carapace du personnage féminin qui m’apparaissait invincible, malgré son chagrin de femme abandonnée. J’ai fini par obtenir ce que je désirais, le couple perçant les stéréotypes et se transformant en deux êtres vulnérables. À force de frotter une sur l’autre des peaux sensibles, on finit par voir les émotions monter à fleur de peau.

Je misais sur de l’action à l’état brut, quitte à plonger dans le marasme de la méchanceté humaine. J’étais prête pour des émotions fortes, déjà sur les dents. J’en ai eu plus que la lectrice en demande! Pas dans les premiers chapitres, puisque la situation des deux clans s’installe progressivement, dosée par une main de maître. Le clan des méchants s’organise, on a le temps d’observer leurs âmes noircies, carbonisées, leur conscience se nomme vengeance. Et qui dit vengeance dit s’amuser à voir souffrir l’autre. Ce clan est composé d’un homme qui sort de huit ans de cachot, on le croyait d’ailleurs mort. Il a appris le nom de celui qui a tué son frère jumeau, et sera sans pitié envers ce Sam vulnérable de ses chocs post-traumatiques. Sam est avec une femme courageuse qu’il aime plus que lui-même et sa fille, son rayon de soleil. Le clan meurtrier dispose d’un arsenal de moyens matériels pour assouvir leur soif de destruction. Des armes et des munitions en quantité industrielle. Sa coéquipière est sa nièce, la fille même de son frère jumeau, un fiel meurtrier coule en ses veines. Ils fomentent leur vengeance à partir d’un immense bunker tapi près des frontières américaines. Une fois qu’elle sera assouvie, ces êtres d’extrême droite dirigeront une cellule terroriste, rien de moins. Le tandem entraîne d’ailleurs trois jeunes à devenir aussi féroces qu’eux. Quelle chance a l’autre clan, celui doté d’une conscience, du temps et du cœur, Sam et les femmes de sa vie? Aucune préparation, ils devront improviser. S’en sortiront-ils indemnes? L’intrigue prend de l’ampleur chaque page, les forces vives sont en place. Deux poids, deux mesures, deux chiens et aucun équilibre entre les deux! La dernière partie du roman nous tient, non pas en alerte, mais haletant. J’en tremblais. Le roman est admirablement bien amené, entraînant le lecteur dans une apothéose d’émotions, la tension explosant après une montée d’adrénaline. Très réussi. Et malgré mon cœur sensible, je suis passé au travers. Lorsque j’ai terminé, en lisant la quatrième de couverture, j’ai réalisé que c’est un prolongement du roman « Sauvage, baby ». Je suis la preuve qu’il n’est nullement nécessaire de l’avoir lu pour apprécier cette histoire enlevante.

Pour d’autres suggestions de lectures de Venise Landry, c’est ici :

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