Le gazon est toujours plus vert chez le voisin, dit-on. Les paysages sont toujours plus grandioses ailleurs. On est toujours plus relaxés quand on voyage au sud. Les autres sont toujours chanceux. Les autres respirent toujours le meilleur air et ont des activités plus palpitantes. La vie est toujours plus intéressante pour les autres, plus rose chez les autres, plus lumineuse pour les autres.
Avez-vous, des fois, comme moi, des pensées qui ressemblent étrangement à celles-là?
Je ne sais pas si c’est ma nature humaine, ma nature à la confiance en soi parfois fragile, une peur vaguement présente de manquer quelque chose, ou tout ça alimenté par des réseaux sociaux aux partages (extrêmement) bien choisis, mais je me surprends souvent à comparer chaque petit recoin de ma vie à ceux des autres, ou à ceux que les autres veulent bien montrer au grand jour sur leurs réseaux sociaux, devrais-je dire.
Mes cheveux, mes vêtements, mon âge, ma silhouette, mon décor de maison, mes activités, mon travail, mes ami.e.s; tout passe dans le tordeur futile de la comparaison que j’actionne trop souvent sans même y penser deux fois. C’est le pilote automatique de l’esprit qui erre vers ses zones d’ombre en choisissant d’envier ou de vénérer une pelouse bien plus verte ailleurs. Un réflexe, parfois, n’est-ce pas? Nos vies sont-elles si tristes et sans saveur qu’on doit toujours les plaquer aux côtés de ceux qui nous entourent, ou de ceux qui nous inspirent dans les médias pour en vérifier la validité ou le degré de bonheur?
Bien sûr que non!
C’est qu’en fait, parfois, j’ai l’impression que nous avons le nez tellement collé sur notre quotidien qu’on oublie de prendre du recul et de l’observer de loin, notre beau gazon. On oublie que ce qu’un a de «plus» que nous n’est pas quelque chose que nous avons en moins. On oublie que le bonheur de l’un n’est pas nécessairement notre bonheur à nous. On oublie que ce qui est beau dans la vie, c’est sa différence, sa variété, et le fait qu’on peut en faire ce qu’on veut (ou presque). On oublie que les fleurs sauvages, les pissenlits, les joyeuses herbes folles et les insectes coquins sont partie intégrante d’un parterre magnifique et parfaitement imparfait!
Quand notre situation semble épouvantable ou vraiment moins «bien» que celle d’un autre, pourquoi ne pas prendre un peu de recul et observer? Il y a des zones d’ombres partout, même chez le voisin. Mais il y a aussi des zones ensoleillées, même chez nous. Et qui, en fait, possède la vérité unique de ce qu’une vie «bien» ou «mieux» est censée avoir l’air? Personne. Ces concepts sont des inventions de nos esprits suiveurs, influencés par diverses sources, les médias, réseaux sociaux, publicités, entre autres.
Notre gazon n’a pas besoin d’être vert, comme ceux de tout le monde. Si on prenait quelques pas de recul, on pourrait les voir, ces étendues multicolores, et on se rendrait compte, peut-être, qu’il a toujours été magnifique ici aussi, le gazon, malgré ses cent couleurs; on l’observait seulement de trop près.
Et si on en prenait soin, de notre gazon parfaitement imparfait, au lieu d’utiliser notre énergie à le comparer à celui des autres?
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