Matérialiste, moi? - Les Radieuses

Matérialiste, moi?

Depuis quelques semaines, mon chéri et moi sommes nouveaux parents d’un rutilant poupon. C’est une splendide fille. Nous la cajolons, la dorlotons pendant des heures. Nous l’amenons en visite pour l’exhiber à la famille, les amis. Nous faisons des sorties exprès juste pour la sentir près de nous. Son odeur nous remplit de joie. Je me surprends encore à aller y jeter un œil quand elle dort seule… Je l’examine pour être certaine qu’elle va bien, qu’elle ne soit pas égratignée, sale ou pire, volée… Quand on nous arrête sur la rue, dans un stationnement pour nous demander depuis quand nous l’avons et s’ils peuvent prendre des photos, nous sommes si fiers de notre bébé… J’ai même pu lui donner un prénom qui n’avait pas passé au conseil lors de la naissance de notre premier enfant. Mais elle fait maintenant partie de la famille. Je vous présente Chelsea : Tesla, Model 3, 75 kWh, haut de gamme.

J’ai toujours aimé les belles choses. Déjà enfant, je rêvais de châteaux et de grandes réceptions. Adolescente, j’affirmais haut et fort que, plus tard, j’aurais un grand salon tout blanc avec un piano à queue blanc. Que j’aurais des serviettes de table pour chaque occasion et des invités chaque semaine. Que j’aurais une piscine creusée avec 12 chaises longues et un bar bien garni. Que j’aurais une maison d’invitée aussi accueillante, chaleureuse que luxueuse. Que j’aurais une pièce que pour mes chaussures et bottes. Que j’aurais une immense maison avec une femme de ménage qui s’appellerait Georgette et son jeune fils (attention, pas si jeune! 25 ans au moins!) qui s’occuperait de ma piscine creusée, torse nu évidemment!

Je n’ai pas de piano. Et mon salon n’est qu’à moitié blanc (ma mère me l’avait dit).

J’avoue être une fanatique de nappes et de serviettes de table et que je suis un peu « gossante » lorsque je reçois. J’entends d’ici ma belle-sœur Pat : « C’est tu nécessaire ça Nat? ». Je voudrais que tout soit parfait…

J’ai une piscine creusée. Une grande. Quand je me suis plaint qu’elle était encore trop petite, ma sœur m’a mise au défi de faire l’aller-retour sous l’eau sans prendre mon souffle. Je m’exerce toujours…

Et je travaille toujours sur les 12 chaises longues…

Pour le bar bien garni et la maison d’invité… et bien disons que ma famille et mes amis connaissent ma consommation d’alcool… ou ma non-consommation, devrais-je dire, lol. Disons que je suis la conductrice désignée en permanence. Je ne tolère pas l’alcool. Je ne l’aime pas et un quart de verre me donne envie de me déshabiller et/ou de vomir et/ou de dormir… Par contre, mon pool house compte une cuisine extérieure et un bar bien garni en permanence. Toutes les sortes de bière pour tous les goûts, du vin pour tous et des spiritueux pour les drinks du jour. J’ai même une banque de maillots de bain pour les invités surprises qui auraient oublié le leur. Toutes les tailles.

Pour la pièce à chaussures… mon chum a sacrifié sa cave à vin… c’est vous dire combien il m’aime…

J’ai eu une femme de ménage. Elle s’appelait Danielle. Mais en secret, on l’appelait Georgette. Le jour où elle l’a appris, elle s’est mise à signer « Georgette » sur les petits mots qu’elle nous laissait à son départ. Mais elle n’avait pas de fils propriétaire d’un six pack…

Au fil des ans, nous n’avons jamais eu de voitures de luxe. Les dernières étaient des voitures neuves, mais nous étions plutôt du genre conservateur, Toyota, modèle de base, qui se rend du point A au point B, même usagées. Et tout d’un coup, la bulle… le trip, l’envie, la folie, la ménopause, le démon du midi… on mixe le tout et hop! On commande et achète sur internet une voiture plus cher que notre première maison sans l’avoir essayée ni même vue! Des regrets? Aucun!! Nous sommes encore sur un nuage. La communauté Tesla en est une particulière et nous apprivoisons de nous faire aborder un peu partout. Nous commençons juste à nous habituer à ne plus prendre la traditionnelle sortie Ange-Gardien pour profiter de l’essence moins chère… Par contre, je ne m’étais jamais rendu compte à quel point la vision des gens pouvait changer. Le « statut » change. On chuchote derrière notre dos. En bien. En mal. On entend : « Ah, c’est toi ça, la Tesla?! » Pour certains, c’est admiratif, pour d’autres, c’est dédaigneux. Je ne suis plus la même personne, c’est fini. Ma voiture me définit… Les commentaires fusent un peu partout. Au restaurant : « Tu peux bien payer, t’es riche… » Si j’ai des nouveaux vêtements : « On sait bien, toi… », etc.

Mais je suis la même personne qu’hier. Et qu’il y a 5 ans. Et 20 ans. Ce dont je m’entoure ne me définit pas. Parce que ça pourrait être différent et je serais aussi heureuse.

L’inverse est aussi vrai. Les : « Vous faites bien de vous gâter, vous le méritez » viennent de ceux qui nous connaissent vraiment. Parce qu’ils savent que nous partons de loin…

Matérialiste, moi?  Probablement. Et probablement pas.

Une discussion sur la retraite m’a amené à me rendre compte que je voyais cette étape prochaine comme une sorte de retour aux sources. Une plus petite maison, une seule voiture, une vie simple sans dépenses futiles. Sorties à la crèmerie, promenades autour du lac. Comme au début de notre relation.

Mais sans l’inquiétude de l’avenir. Sans l’inquiétude des études et des emplois qui se faisaient rares à l’époque, même avec un diplôme universitaire en poche. Sans l’inquiétude de nourrir et d’élever de jeunes enfants et la crainte de voir les mots : fonds insuffisants sur le terminal à l’épicerie. À l’époque où les « beurrées de beurre de pinottes » étaient un luxe, car le beurre d’arachides était encore beaucoup trop cher pour nous. Sans l’inquiétude de savoir si nous pourrions payer le prochain loyer parce que les prêts et bourses ne sont pas arrivés, et/ou notre travail à temps partiel ne suffisait pas. Sans l’inquiétude de savoir si le couple passerait à travers le temps et les épreuves quand tous les autres autour de nous n’y réussissait pas.

Oui, j’aime mon petit luxe d’aujourd’hui. Je l’aime parce c’est un choix. Si ça fait de moi une matérialiste, je l’accepte. Comme j’accepte mes incohérences. Je suis une couponneuse et amoureuse d’applications telles que Checkout 51, Zweet, etc. J’adore les ventes de garage, les encans et Kijiji. (Les gènes de mon papa? 🙂 )

Je sais, par contre, que de perdre mon luxe ne m’enlèverait pas mon bonheur. Même dans un 3 ½. Mon bonheur, c’est mon chum, une crème glacée, un texto de mes enfants qui me disent « je suis en vie 🙂 », un souper avec ma famille que je vois trop peu et de temps en temps, une sortie au resto, même à la friterie du coin…

Nathalie… assise sur le siège avant de Chelsea

P.S. À l’heure d’écrire ces lignes, je n’aurai pas encore célébré mon anniversaire. Par contre, quand vous lirez ces mots, j’aurai peut-être déjà entamé ma cinquantième année, car mon 49e anniversaire a envie que je souffle sur ses bougies incessamment. Ceux qui me suivent depuis le début savent que la cinquantaine et moi ne sommes pas encore de bonnes amies. Je croyais l’apprivoiser tranquillement avec le temps. Mais je crois qu’il va me falloir plus que m’approcher un peu plus chaque jour à la même heure comme le Petit Prince pour y arriver… Disons que ça va prendre beaucoup de patience… et beaucoup de roses… LOL

4 Comments
  1. Wow! Quel beau texte. Il m’a accroché du début à la fin!! Tu as une très belle plume. J’espère un jour lire un recueil de tous ces billets que j’ai manqués et ceux à venir, car c’est à la fois rafraîchissant et inspirant. Ça donne à réfléchir sur notre propre vie. Bravo, cousine xxx P.S. Tu as omis ton mariage digne d’une princesse! Xxx

    1. Merci Julie, c’est gentil! Tu peux lire tous les autres si tu fais la recherche sur le site. Profites-en pour parcourir ce magazine génial!

  2. Très bien dit madame. Le jugement des autres nous influencent beaucoup trop. Dommage. Vivre notre vie comme on l’entend et bien entouré d’amour, c’est tout ce qui compte finalement. Matérialisme n’est pas synonyme de terrorisme !

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